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De l'utilité des communicants publics

Publié le : 23 avril 2020 à 09:00
Dernière mise à jour : 24 avril 2020 à 12:02
Par Alain Doudiès

Avec ce titre, un poil démago, on est sûr d’avoir des lecteurs approbateurs ! Ceux qui sont certains de l’importance et de la reconnaissance de leur rôle et ceux qui, réduits à leur technicité, peuvent en douter. Dans le prolongement du « Manuel de survie du communicant public », proposé par mon voisin de rubrique Youcef Mokhtari, voici un petit mémoire des raisons d’une fierté… mesurée.

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Par Alain Doudiès, consultant en communication publique, ancien journaliste, membre du Comité de pilotage de Cap’Com.

Ce n’est pas pour nous étonner, mais ce n’est pas vain de le souligner : dans cette hypercrise, les communicants publics de tous niveaux de pouvoir ont une place très importante. Nous le savons bien, nous sommes même payés pour ça : la manière de dire… ou de taire une décision pèse presque aussi lourd que la décision elle-même. Elle détermine l’efficacité et même l’effectivité de la mesure prise.

Notre utilité est à la fois sociale, publique, politique

Une grande partie de notre activité habituelle est en suspens : les événements, la promotion du territoire, la majorité ou la totalité des supports papier. Mais les communicants sont là, fidèles au poste, tout naturellement mobilisés et, pour beaucoup, extrêmement occupés par la communication externe comme par la communication interne. Dans un domaine complexe parce qu’il concerne la santé et la mort, heurté par des peurs et traversé de rumeurs, dans un contexte compliqué parce que très évolutif et marqué par des incertitudes, il s’agit de faire le B.A.BA de nos métiers : fournir des renseignements pratiques, informer les habitants des dispositifs qui sont mis à leur disposition, touchant à la vie quotidienne et à la vie économique. Notre utilité sociale est ainsi manifeste, quand l’aide fournie à tous, notamment aux plus démunis, est vitale, au sens fort, et quand chacun est sous la menace du virus.

Éclatante démonstration est faite que « la communication publique est un service public » parce que, dans ses fondements et ses pratiques, elle en porte les préoccupations et les valeurs.

Ces tâches de petit prestige mais de grande importance confirment notre utilité publique. Ces temps-ci, certains redécouvrent que les services publics sont décisifs parce qu’ils sont l’armature de la réponse collective à apporter aux besoins, la traduction concrète de la prise en compte de l’intérêt général, la résultante de l’engagement des agents, fonctionnaires ou contractuels. Heureuse révélation. Ces caractéristiques, cette distinction avec d’autres acteurs, sont les nôtres. Éclatante démonstration est faite que « la communication publique est un service public » parce que, dans ses fondements et ses pratiques, elle en porte les préoccupations et les valeurs. Le « bien commun », cette vieille lune qui retrouve un bel éclat, nous anime.

L’utilité des communicants publics est aussi politique. Certes, la compétition politique, sa nécessité et ses possibles nuisances subsistent. Les élections municipales, départementales, régionales et présidentielle n’ont pas été effacées des pensées et des arrière-pensées. Dans le visage de l’élu, pleinement pénétré de sa mission de protection, pointe le nez du candidat. L’œil sur 2022, Emmanuel Macron ne peut pas ignorer la montée de la colère dans l’opinion des Français (1). De même, il y a de quoi prendre ses distances de communicant responsable lorsqu’un maire, espérant être réélu, croit pouvoir clamer, sans nulle précision : « J’ai commandé un million de masques » et que, douze jours plus tard, aucune information n’est fournie sur la date et les modalités de leur mise à disposition.

Cependant, l’utilité politique, dans la noblesse de son acception, est bien là. À juste titre, les Français se sont spontanément et immédiatement tournés vers l’État et vers les collectivités locales, duos parfois discordants. Les communicants publics sont au cœur de ces systèmes. Ce sont des contributeurs de l’action publique, des collaborateurs des élus, des anonymes de la vie démocratique. On peut espérer que leur légitimité professionnelle, appuyée sur leurs compétences, et leur part de légitimité politique, provenant de leur fonction et éprouvée dans le feu de la crise, se sont renforcées.

Quoique entamé, le chemin vers la pleine et juste reconnaissance de nos métiers par les élus, les cadres des collectivités, les médias et les citoyens n’est pas achevé.

Reste, dans les mois qui viennent, quel que soit le rang occupé, à affirmer cette position, sans suffisance mais avec assurance, en passant au crible, sans se flageller ni se féliciter, nos relations avec les élus, nos missions, nos priorités, nos objectifs, nos méthodes et nos outils. Vaste et stimulant programme d’une réflexion déjà engagée. Quoique entamé, le chemin vers la pleine et juste reconnaissance de nos métiers par les élus, les cadres des collectivités, les médias et les citoyens n’est pas achevé. Vent d’espoir dans une époque d’inquiétude, le changement souffle dans l’air de ce temps. Profitons-en.


(1) Éprouvez-vous de la colère quand vous pensez à la situation de la pandémie en France ? Oui : 45 % (+ 4,7 % dans le sondage des 15 et 16 avril par rapport à celui des 16 et 17 mars) ; moyennement : 27 % ; non : 28 %. Enquête Ipsos-Sopra Steria pour le CEVIPOF auprès d’un panel de 2 020 personnes, constitué selon la méthode des quotas.

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