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Hygiène médiatique

Publié le : 14 avril 2020 à 09:00
Dernière mise à jour : 20 avril 2020 à 08:11
Par Alain Doudiès

Jour après jour, la litanie du nombre des morts. Cette macabre arithmétique garde sa violence mais, parce que martelée, elle finit par perdre son sens. La mesure de ces dramatiques données, comptabilité anonyme et non prise en compte de personnes, nous échappe (1). Nous sommes noyés dans un incessant flot d’informations sur l’hypercrise. Il est temps de prendre du recul.

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Par Alain Doudiès, consultant en communication publique, ancien journaliste, membre du Comité de pilotage de Cap’Com.

Au fil des semaines, les systématiques « éditions spéciales » des journaux télévisés se sont banalisées. Sujet quasi unique dans les médias : le coronavirus, sur tous les modes, sous tous les angles. Enfin, presque : que nous dit-on de la situation dans les prisons françaises surpeuplées ou dans les camps de réfugiés d’Idlib, déjà ravagés, avant le virus, par des conditions de vie catastrophiques ? L’affaire de l’attaque de Romans-sur-Isère aurait rempli des pages dans les journaux et occupé des temps d’antenne à n’en plus finir dans les chaînes d’information continue. En quelques heures, elle a été oubliée. Il n’y a plus de hiérarchie d’informations diversifiées, mais un monopole. Justifié, me dit-on.
C’est à réfléchir.
Il nous est impératif de savoir, de comprendre. Mais la saturation menace. L’utilité de ce tsunami médiatique, avec ses multiples reprises et répétitions, s’estompe peu à peu, d’autant plus que certaines informations d’un jour sont démenties la semaine suivante. La mise en valeur des solidarités nous donne de l’air. Mais le thème exclusif nous asphyxie. Paradoxalement, il disperse notre attention. Anxiogène, il peut être démobilisateur. Trop, c’est trop. Alors, un peu d’hygiène médiatique ne nous fera pas de mal.

Gestes barrières et déconfinement

Pour notre vie professionnelle, les informations nous arrivent, comme par La Gazette, Brief ou, bien sûr, les différents canaux activés par Cap’Com. Pour exercer nos fonctions et comme citoyens, nous avons aussi besoin de savoir comment évolue la gestion de la crise par le gouvernement, comment se comporte la société française, comment se présente « l’après ». Les portraits des vaillants et admirables soignants, oui. La redécouverte des prolos, certes. Pour nous et notre famille sont précieux les renseignements et conseils sur les bonnes pratiques du confinement.

Mais il faut prendre de la distance. Avec des « gestes barrières » : alertes et notifications minimum, pas de radio ou de télé à longueur de journée, pas d’incessants vagabondages sur le net ou de frénétique suivi des réseaux sociaux. Respectons les règles d’un usage des médias sélectif, mesuré. Notre déconfinement de la bulle médiatique s’impose. Respirons…

Le sevrage est difficile ? Mais la désintoxication est nécessaire. C’est un drogué qui vous le dit.


(1) Le Covid-19 est extrêmement plus contagieux et mortel (« létal ») que la grippe habituelle. Mais il faut mettre les chiffres en perspective. Santé Publique France chiffre à 9 000 le nombre annuel moyen, entre 2000 et 2010, de décès dus à la grippe. Et, en 2019, il y a eu 1 677 décès par jour en France, dont, en tête, 486 du fait des tumeurs et 493 des maladies cardio-vasculaires.