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Aller vers : des idées pour toucher les publics éloignés

Publié le : 31 janvier 2022 à 09:26
Dernière mise à jour : 3 février 2022 à 13:56
Par Dominique Mégard

Comment atteindre un maximum de gens y compris les déconnectés, les défavorisés, les désintéressés ? La problématique préoccupe à juste titre les communicants publics, qui tentent par des initiatives diverses, des expériences inédites, des outils originaux… de capter l’attention. Six contextes, six publics, six actions à découvrir.

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Toucher les publics éloignés : le contact et l’écoute avant tout

Toucher les publics éloignés de l’information, de la communication, des réseaux… Sans rêver d’atteindre l’utopique 100 % des cibles, les communicants aimeraient que leurs messages et informations atteignent un maximum de personnes. Le contact et l'écoute en bandoulière, ils partent à la rencontre des gens, inventent des outils, adaptent le langage, écoutent et réalisent avec. On a vu ainsi au fil du temps réapparaître des crieurs publics ou comédiens gardes champêtres annoncer événements ou transformations urbaines, des photographes aller à la rencontre des habitants ou des commerçants…
Pour enrichir le panel des ressources et idées en la matière, à l’instar de la ville de Lille pour l’inscription sur les listes électorales, le Forum Cap’Com avait organisé cette année une conférence « hop » sur le thème « Des initiatives pour toucher les publics éloignés ». Retour sur les six initiatives présentées par les collectivités.

Aller à la rencontre

Pour toucher les publics éloignés, le mantra principal c’est « aller vers… » et trouver les moyens de parler, discuter, en présentiel et en direct. Les moyens peuvent différer mais le principe est le même : pour communiquer, il faut d’abord écouter, entendre, comprendre.

Val Touraine Habitat : une agence mobile en ruralité

Le bus de Val Touraine Habitat : le premier bailleur social du Val de Loire gère un patrimoine et donc des locataires tant urbains que ruraux. Pour informer et joindre ces derniers loin des permanences et difficiles à joindre, c’est une vraie gageure… D’où l’idée, à l’initiative du service piloté par Charlotte Le Gall, chef de projet communication et marketing, d’aller à la rencontre des locataires en bureau mobile. Val Touraine Habitat a donc habillé un véhicule aux couleurs du bailleur social et équipé l’intérieur pour recevoir les locataires au pied de leurs logements. Toutes les démarches sont possibles là, avec les agents présents, et toutes les informations disponibles avec en plus la possibilité d’animations thématiques tel le recyclage des déchets…

Une première tournée de 4 000 km cet été a permis à Val Touraine Habitat d’être présent dans 30 communes, de rencontrer 207 locataires et d’enregistrer 223 demandes. Une tournée d’automne a renouvelé l’expérience avec plus de kilomètres, plus de contacts et encore plus de demandes enregistrées, le tout enrichi par une plus forte participation de locataires à des initiatives comme l’appel à projets «  Coup de pouce »… Objectifs relation aux habitants, qualité de service et renforcement du lien social réussis, à la campagne autant qu’à la ville.

Gennevilliers : des médiateurs de la concertation en banlieue

La ville de Gennevilliers, comme la plupart des collectivités qui s’engagent dans un processus de concertation, se heurte à un obstacle récurrent : ce sont toujours – ou presque – les mêmes personnes qui se rendent aux réunions publiques ou répondent aux questionnaires. Dans cette ville de la couronne parisienne, site du plus grand port fluvial de France, la population, qui présente toutes les caractéristiques des villes de banlieue avec près de 50 % de sans-emploi, appartient de fait, du coup, aux « publics éloignés ». L’équipe municipale très volontaire, souhaite « Inventer un nouvel art de vivre populaire », thème d’une campagne pour mobiliser la population pendant seize mois de l’automne 2021 à mars 2023 pour « s’interroger sur ses façons de faire et de vivre, sur le projet qui nous lie, qui nous permet de faire société ensemble ici, à Gennevilliers, sur les enjeux sociétaux, environnementaux, politiques du XXIe siècle ». Avec, pour ce faire, un dispositif de concertation avec questionnaires, ateliers participatifs, cahier de doléances, site dédié, etc.

Pour toucher des habitants peu habitués à participer, la ville (aidée par La suite dans les idées) a mis en place un dispositif : cinq jeunes « médiateurs de concertation », formés par l’association Promevil, vont à la rencontre du public sur la voie publique, les lieux fréquentés, les événements. Équipés d’une tablette, ils enregistrent en direct les réponses à un questionnaire et les remarques complémentaires.

L’objectif ? Récolter en seize mois sur six thématiques, organisées en autant de « séquences » de deux mois, 4 000 avis (soit 10 % de la population de + de 13 ans). La première séquence a permis de récolter 545 réponses, 285 adresses mail et 180 numéros de téléphone.
Le plus intéressant ? Le profil des répondants… 50 % de sans-emploi, 27,8 % d’ouvriers et employés, 10,8 % de CSP+, 9,5 % de professions intermédiaires et 1,5 % d’artisans et commerçants… Des chiffres à comparer avec le profil des 228 qui, dans le même temps, ont répondu au même questionnaire en ligne : 34 % de CSP+, 29 % d’ouvriers et employés, 24 % de sans-emploi, 9 % de professions intermédiaires et 4 % d’artisans et commerçants… Des chiffres qui illustrent à eux seuls tout l’intérêt de la médiation, du contact direct, de l’aller vers…

Inventer des outils

Strasbourg : un micro amical

Faciliter l’expression des citoyens… Pour ce faire, la ville de Strasbourg fait circuler depuis quelques années « Phil », un drôle de petit bonhomme habillé comme les agents de la ville intervenant sur la voie publique, un petit robot enregistreur, rigolo et sympa…

Toujours accompagné de deux ou trois agents, il est présent dans des lieux publics, des manifestations, des événements en tous genres organisés ou non par la ville. Facilitant la parole et l’expression, il recueille félicitations, coups de gueule, mouvements d’humeur, suggestions, propositions et questions avec la même attention. « Le petit robot, explique Philippe Raffanot, chef de projet outils numériques de la ville, qui a adopté cet outil inventé par Democratic Factory, enregistre les paroles. Toutes les contributions sont instantanément retranscrites en fichier texte par un logiciel de speech to text, anonymisées pour être restituées. » Il ne peut répondre lui-même… Mais ses « accompagnants » le font sur place quand c’est possible et surtout les paroles sont transmises aux services de la ville qui peuvent prendre en compte ce que les citoyens disent ou demandent.

Département de Loire-Atlantique : le design de service avec les jeunes

Mini-expérience pour micro-public mais grosse problématique… Le service communication du département de Loire-Atlantique a collaboré avec le service ASE (Aide sociale à l’enfance) qui suit les enfants séparés de leurs parents et placés par la justice hors du domicile familial, en foyer ou en famille d’accueil. La problématique : « Comment mieux accompagner les jeunes de l’ASE dans leur passage à la majorité ? » (762 jeunes accompagnés par l’ASE ont eu 18 ans en 2020). Le service communication a proposé une démarche design de service pour répondre aux attentes de l’ASE en travaillant directement avec des jeunes concernés. Ils ont abouti à la création d’une application qui à la fois fait office de classeur thématique, délivre adresses, contacts et informations, et permet de poser des questions à tout moment aux professionnels de l’ASE (éducateurs ou autres) ! En phase de test, l’application créée par eux permet à ces jeunes adultes de garder un lien avec l’institution.

Adapter son langage

CNFPT de Martinique : des mots adaptés au langage parlé

Comment amener à la formation les agents territoriaux, et en particulier les plus éloignés, difficiles à capter avec les outils et médias habituels ? Soucieux de garantir l’égalité de tous dans l’accès à la formation ainsi qu’aux concours et examens professionnels, le CNFPT de Martinique a imaginé un outil qui s’est avéré pertinent et adapté à la cible. Le service communication a réalisé un clip vidéo avec un parti pris fort : utiliser la musique et la langue créoles pour s’adresser aux agents du territoire. Pour cela, une chanson originale a été écrite par des agents territoriaux volontaires avec un rappeur très populaire aux Antilles, MC Janik, qui l’interprète. Le clip déroule la chanson en créole sous-titrée en français, et montre des agents au travail ou en formation. Le film, popularisé par les agents acteurs et chanteurs, a été diffusé via les réseaux sociaux, en particulier WhatsApp, très utilisé par les services. Le succès de l’initiative (augmentation des inscriptions en formation malgré covid et confinements) incite la direction du CNFPT en Martinique à ne pas en faire un « one shot » mais à la reprendre en l’incluant dans une stratégie globale.

Entendre et réaliser

Gignac-la-Nerthe : des activités co-conçues avec les jeunes

Communiquer avec les « jeunes »… préoccupation partagée par tant d’élus, institutions, professionnels qui voudraient parler et être entendus par cette cible qui n’en est pas une tant elle est multiforme et peu caractérisée. La ville de Gignac-la-Nerthe (9 000 habitants, près de Marignane dans les Bouches-du-Rhône) a décidé suite à la covid de s’adresser aux jeunes de la commune de 11 à 17 ans après avoir constaté combien ils étaient impactés dans leur vie par la crise sanitaire. Et pour cela, avant tout, de mettre en place un dispositif d’écoute, « Ma ville à mon écoute ».
La ville, avec des partenaires comme la CCI, la CAF et surtout le collège, partenaire actif essentiel (urnes dans toutes les classes), a créé un questionnaire pour connaître leur moral et leurs attentes, questionnaire diffusé en complément via internet et les réseaux, Instagram en particulier. Sur cette base, ils ont co-conçu avec eux et l’appui des partenaires des actions pour mieux aider à l’orientation, favoriser la découverte des métiers et des entreprises. Ils ont également, mené pendant les temps scolaires et extrascolaires des actions culturelles, sportives et éco-citoyennes, et élaboré pour l’été puis toutes les vacances scolaires un programme d’ateliers et de sorties extrêmement varié et riche. Avec en particulier un atelier « jeunes reporteurs » soutenu par un professionnel, avec la réalisation de vidéos reportages diffusés sur Instagram. En décembre dernier, la ville a remporté le Prix spécial jeunes Cap’Com - Anacej et le Prix spécial du jury au Grand Prix Cap'Com 2021 pour sa communication en faveur de cette co-construction d'une politique municipale de la jeunesse.

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