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Vous aviez des réponses ? Ils avaient les questions !

Publié le : 12 décembre 2017 à 10:18
Dernière mise à jour : 8 mars 2018 à 14:27
Par Marc Thébault

Il se dit qu’une bonne formation se mesure, à son issue, au nombre de certitudes perdues et, en conséquence, au nombre de questions qui sont survenues au cours de son déroulement. Était-ce vrai pour ce Cap’Com 2017 ?

Contrairement à de récurrentes croyances, une formation bien menée, – du moins celle qui vise à l’autonomie des participants, donc à développer leur propre réflexion – n’est pas une accumulation de trucs ou recettes et de réponses toutes faites, mais bien un moment ou des croyances vont tomber et, à leur place, des questionnements vont apparaître. C’est particulièrement vrai pour notre secteur professionnel qui supporte, bien moins qu’un autre, le prêt à penser. Prenons un exemple vécu au cours de l’atelier « Comment mobiliser les électeurs ? » au dernier Cap’Com du Havre, millésime 2017.

Notre nouveau storytelling : une communauté, une quête, une aventure

Il s’y est dit, entre autre chose, et dans la bouche du sociologue Erwan Lecœur (accessoirement ancien dircom de Grenoble), que le dircom public pouvait certainement abandonner quelques instants son costume de gentil animateur social et de promoteur du « bien vivre ensemble » car, pendant ce temps, la maison brûle. Ainsi, nous a-t-il exhortés à sortir du discours que je qualifie de « nunuche » ou « socio-cult revisité » pour offrir aux habitants (électeurs en puissance donc, relire le titre de l’atelier), un discours fondé sur 3 composantes au moins : une communauté, une quête, une aventure. Ici précision, l’auteur lui-même signalant qu’il n’était pas inconcevable de faire le parallèle avec les 3 mêmes composantes qui fondent le succès de nombreuses séries actuelles. Mais là où je voulais en venir, c’est quand il affirme que notre discours doit redonner le sens global sans lequel il n’y a pas de sens local puisque, pour lui (et il dispose certainement d’études pour étayer cette thèse) il y a une aspiration légitime et naturelle de nos habitants pour redécouvrir les enjeux de l’action publique, se projeter vers demain, et comprendre que ce qui se joue ici concerne aussi là-bas, et réciproquement.

Mme Michu s'en tape un brin des horaires de piscines

Certes, mon résumé est très résumé. Pour le dire autrement, Erwan Lecœur nous dit que Mme Michu pourrait s’en taper un brin des horaires de piscines, elle préférerait certainement qu’on lui parle enjeux nationaux et européens. J’ai depuis longtemps mis en place une typologie des habitants reposant sur diverses postures : l’administré (celui qui a une vison centrée sur son intérêt particulier et à court terme, qui parle en « je »), l’usager (qui a une vision liée aux intérêts de son groupe appartenance et à moyen terme, qui donc parle en « on ») et le citoyen (qui a la vision de l’intérêt général, à long terme, qui parle en « nous »). Attention, ces postures ne sont ni exclusives ni permanentes, on peut tous passer par l’une ou l’autre, selon que le trou devant chez soi devient trop grand et mérite donc une mobilisation immédiate des techniciens de la voirie, ou selon que, faisant partie d’un groupe de runners, on trouve que la subvention au foot c’est bien trop, ou enfin selon que l’on se demande si nos enfants, dans 20 ou 30 ans, auront un avenir ici. Le problème, c’est que le citoyen est un peu notre cible privilégiée, c’est lui qui comprend le mieux tout notre jargon ! On n’aurait donc tendance à s’adresser à lui en priorité, les autres étant alors inclus d’office et pêle-mêle dans le groupe « les gens y comprennent pas car ils croivent (sic) que … ».

Alors, Mme Michu, elle en veut des envolées lyriques citoyennes ou alors elle se cramponne aux horaires de passage des bennes à ordures ?

Donc, et j’en reviens à Mme Michu, si j’ai bien compris le message de notre sociologue, ne lui balancer que les horaires de piscines, c’est pas comme ça qu’on va la resensibiliser à la chose publique et la faire revenir vers les urnes. Voire, on pourrait même lui ouvrir tout droit le chemin vers le « client-roi » ! Ayant tendance à ne retenir et à ne noter que les arguments avec lesquels je suis en accord (merci les théories des représentations sociales), j’ai noirci mon carnet de notes des propos d’Erwan (je peux donc l’appeler par son prénom maintenant). Mais je me suis aussitôt souvenu du nombre de fois où l’on m’a demandé de faire plus court pour un article du magazine, car on allait perdre des lecteurs dès la dixième ligne si on ne faisait pas simple et centré sur le sujet. Et je dois reconnaître que les arguments se tenaient. Donc, Mme Michu, elle en veut des envolées lyriques citoyennes ou alors elle se cramponne aux horaires de passage des bennes à ordures ? Et quand j’ai tenté de trouver une solution en me tournant vers les « civictech », j’ai fait demi-tour immédiatement car le fameux atelier sur l’électeur insistait sur l’importance du contact humain direct et de la force de conviction donnée par la proximité. J’avais l’impression de sortir d’un stage de soufisme intensif où la seule pédagogie vient de la déstabilisation complète de l’apprenti.

Et si, à tout hasard, on tentait de parler à toutes les postures, histoire de ne prendre aucun risque et de couvrir au maximum toute les éventualités et répondre, par avance, à toutes les attentes ? Un détail cependant, quand j’évoque ci-dessus 3 postures, je n’oublie pas la 4ème, l’électeur ! Et celui-là, même après l’atelier, va savoir de quoi il est fait et à quoi il carbure …