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Montréal dans la lumière pour son 375e anniversaire

Publié le : 6 octobre 2017 à 17:08
Dernière mise à jour : 21 octobre 2017 à 23:53

La métropole québécoise célèbre son 375e anniversaire. Une année de fêtes, de spectacles, d’expositions, qui fait écho, outre-Atlantique, aux 500 ans du Havre. Si la ville de Montréal mise sur l’événement pour attirer l’attention et faire venir les touristes, elle pense surtout à l’avenir. En perspective, le développement économique et le marketing territorial. Décryptage d’une expérience qui fait bouger les lignes et les Montréalais.

Ils sillonnaient les rues de Montréal, quelques semaines avant de venir au Havre cet été pour célébrer les 500 ans de Franciscopolis. Les Géants de Royal de Luxe sont de toutes les fêtes. Il faut dire que le spectacle produit son effet, poétique et grandiose. Pour leur première en Amérique du Nord, ils ont attiré plus de 600 000 spectateurs. La parade restera comme l’un des temps forts d’une année pas comme les autres : le 375e anniversaire de la ville. La municipalité a décidé, dès 2014, de saisir l’occasion de cet anniversaire pour mettre en lumière la ville. Un concept assez freudien quand on sait l’importance d’exister aux yeux du monde. Se plaire avant de plaire. Pas par narcissisme mais par nécessité, pour accompagner le développement d’une ville en pleine mutation. « Montréal est en grande transformation, explique Louis Beauchamp, le directeur du service des communications de la ville. C’est un territoire qui a besoin d‘être relié pour se développer. » Comme souvent avec les grands événements – on l’a vu à Lille ou à Marseille avec la Capitale européenne de la culture, on le pressent au Havre cette année – l’enjeu dépasse largement le cadre de la célébration. C’est un acte fondateur. La mise en lumière doit donc être juste.

Les géants de Royal de Luxe à Montréal
Les géants de Royal Deluxe lors de la parade de Montréal en mai 2017
La seule ville du monde où Molière rencontre Shakespeare

La plus grande ville francophone du monde après Paris flirte avec l’Amérique de l’Oncle Sam : la frontière se trouve à peine à une heure de route. Mais au-delà de cette dualité entendue, Montréal se pense comme une ville cosmopolite : un tiers de la population parle une autre langue que le français ou l’anglais. « Cela en fait une ville de party, une ville de joie » résume Gilbert Rozon, le fondateur du festival « Juste pour rire », que l’on connaît en France plutôt comme juré coriace de l’émission « Un incroyable talent » sur M6. La municipalité lui a demandé d’organiser les festivités du 375e.

Lorsqu'on fait la fête, on amplifie l'existant.

Gilbert Rozon, commissaire général du 375e

Comment penser le contenu d’un tel événement ? D’abord en essayant de comprendre. Pendant plusieurs mois, le producteur a organisé, chez lui, une cinquantaine de brainstorming avec des gens de toutes sortes, des groupes volontairement hétérogènes. L’objectif : révéler ce qui fait Montréal. Il en est sorti une dizaine de mots clés et trois objectifs. D’abord une ligne éditoriale : créer des ponts – rappelons que Montréal est une île – comme un principe fédérateur, symbolique, et politiquement partageable par les majorités successives. Ensuite, une résolution : investir dans des événements qui soient rentables pour la ville, en terme d’image et d’activité touristique notamment. Enfin, un credo : faire des fêtes qu’on ne voit nulle part ailleurs. « Quand on fait la fête, on amplifie l’existant » insiste Gilbert Rozon qui se défend d’en faire le point nodal de son projet par tropisme personnel.

Un programme populaire, artistique, exigeant, démentiel.

Le logo rouge du 375e

Le programme s’inscrit dans l’histoire, importante notion pour une ville qu’on pourrait considérer comme une ville nouvelle à l’échelle temporelle de l’Europe. Plus de 700 événements, expositions, concerts, installations rythment l’année. Ils révèlent la ville à ses habitants. « Une infrastructure dans nos têtes, c’est du béton et de l’acier, jamais de la beauté » commente Gilbert Rozon lors de l’illumination du pont du Jacques Cartier, le 17 mai, date officielle de création de la ville. « Il faut créer de la beauté. Les gens sont plus sophistiqués que les politiciens ne pensent. » Un changement de regard qui doit porter l’image de la ville à l’extérieur : « Ce sera notre Tour Eiffel, notre signature qui aura un impact extraordinaire dans le monde » s’enthousiasme Denis Coderre, le maire de Montréal.

Tous les événements sont labellisés avec un logo dédié Vive 375, ou Alive 375 dans sa version anglophone, qui reprend la fleur du logo de la ville. On le voit partout et tout le temps. À l’évidence Montréal a réussi à faire de son anniversaire une affaire collective et partagée.

Le 375e représente une occasion de célébrer la vivacité de Montréal, son énergie, sa diversité. Il agit comme un catalyseur de la relance économique.

Louis Beauchamp, directeur du service des communications de Montréal

La municipalité en a profité pour lancer ou annoncer de grands projets comme la rénovation d’une entrée du centre-ville, l’ouverture d’un nouveau parc urbain, la réfection des infrastructures. Montréal est un vaste chantier, le 375e lui donne du sens. Sans compter l’embellissement général de la ville que les installations artistiques contribuent à impulser. La clé c’est la méthode. Elle fait bouger les lignes. Gilbert Rozon la revendique : « On a imposé un projet commun mais qui est parti de l’écoute de tous. Pour que ça marche, on a besoin d‘un leader qui sait écouter, produire une vision puis faire passer les idées. » Ne pas chercher à plaire mais s’inscrire dans le temps, c’est l’ambition : « Il reste des liens après l’événement, on forme depuis une sorte de clan. » Ce que confirme Louis Beauchamp : « Au fur et à mesure du processus on a senti monter une volonté de changement. Un mouvement citoyen Je vois Montréal, devenu Je fais Montréal, s’est organisé avec des acteurs de tous les horizons : secteur culturel, monde des affaires, groupes communautaires, acteurs politiques. »

De l'événement à la démarche de marketing territorial

Et après ? Trop tôt pour faire un bilan du 375e, dont les festivités s’achèveront le 31 décembre. Même si l’on constate déjà une hausse de la fréquentation touristique, il faudra du temps pour mesurer pleinement l’impact en terme d’image. Mais la dynamique est enclenchée : « Il est clair que le 375e constitue un point de départ d’une future démarche de marketing territorial » affirme Louis Beauchamp. Le service des communications et le bureau des relations internationales ont lancé une initiative en ce sens. L’objectif premier : mieux intégrer les actions portées par les différents acteurs du territoire. Et le directeur des communications de citer en référence les grandes villes européennes : Amsterdam, Berlin ou Lyon. Conscient qu’une marque ne suffit pas, il sait que les fondamentaux sont là, que les choses se feront, à leur rythme. Une fois les bougies soufflées, la flamme ne s’éteindra pas.

Une vue panoramique de Montréal

Fiche d'identité

Montréal compte 1,7 millions, d’habitants, un peu plus de 4 millions pour l’aire urbaine. Elle concentre la moitié de la population du Québec. Fondée en 1642 par deux Français, Jeanne Mance et Paul de Chomedey de Maisonneuve, sous le nom de Ville-Marie, elle doit son nom à Jacques Cartier qui, un siècle plus tôt, baptisa « Mont Royal » la montagne qui surplombe la ville. Montréal a la particularité d’être une île encerclée par le fleuve Saint-Laurent, la rivière des Prairies et les lacs Saint-Louis et des Deux-Montagnes. Si elle n’est pas la capitale politique de la Province, rôle dévolu à Québec, elle en est la capitale économique et diplomatique : Montréal est la deuxième ville consulaire d’Amérique du Nord après New-York par le nombre de représentations internationales qu’elle accueille.