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Allons voir sur l’autre rive, du côté des journalistes

Publié le : 30 janvier 2020 à 08:00
Dernière mise à jour : 6 février 2020 à 14:06
Par Alain Doudiès

Communicants publics et journalistes : ces familles professionnelles sont voisines, parfois cousines, mais séparées. L’une et l’autre s’affrontent aux fausses nouvelles, mais elles sont en confrontation, sources univoques d’un côté, médias polyphoniques de l’autre. Les transferts du journalisme vers la communication, fréquents autrefois, se sont raréfiés. Ça vaut donc le coup d’aller voir ce qui se passe chez nos incontournables partenaires.

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Par Alain Doudiès, consultant en communication publique, ancien journaliste, membre du Comité de pilotage de Cap’Com.

Premiers phénomènes : la distance à l’égard des médias s’accroît et la défiance à l’égard des journalistes persiste. Le Baromètre 2020 réalisé par Kantar pour La Croix donne… de mauvaises nouvelles. 41 % des Français disent avoir un intérêt « très faible » ou « assez faible » pour l’actualité. Ils étaient 33 % en 2019 et 24 % en 2015, le niveau le plus bas, au moment des attentats. La confiance dans les médias reste maigre. Les informations diffusées par la radio sont jugées crédibles par 50 % des personnes interrogées. Ce résultat est inférieur pour la presse écrite (46 %) et la télévision (40 %). Pour les informations sur internet, c’est la dégringolade, du record de 2015 (39 %) au chiffre le plus bas, en 2020 (23 % de confiance).

La défiance, nous la connaissons, puisque nous devons, vaille que vaille, prendre en compte celle qui frappe, plus ou moins, élus et institutions. Les journalistes ne sont pas épargnés. « Croyez-vous que les journalistes sont indépendants, c’est-à-dire qu’ils résistent aux pressions des partis politiques et du pouvoir ? » Non : 68 %. « Aux pressions de l’argent ? » Non : 61 %.

Dans ce paysage malmené apparaît une initiative immédiatement contestée : la création, en décembre, du Conseil de déontologie journalistique et de médiation, à l’instigation de Patrick Eveno, président de l’Observatoire de la déontologie de l’information (ODI) : « C’est un instrument de dialogue et de confiance du public dans les médias, un organe professionnel d’autorégulation, indépendant de l’État. » Autour du berceau : le Syndicat national des journalistes (autonome), la CFDT-Journalistes, Jérôme Bouvier, organisateur des Assises du journalisme, les collectifs « Informer n’est pas un délit » et « Profession pigiste ».

Le nouveau Conseil émettra des avis mais ne prononcera pas de sanctions. Toutefois, il suscite réticence ou hostilité. De patrons de presse, comme Jérôme Fenoglio : « Le Monde dispose d’un comité d’éthique (…) qui traite de nos problèmes. » Ou des sociétés de journalistes de 19 grands médias, pour lesquelles « ce sont les lecteurs qui jugent les journalistes, pas les journalistes qui se jugent entre eux ». Ce refus exprime une crainte : que cette initiative résulte d’une volonté gouvernementale, suspicion entretenue par deux lois récentes, jugées par beaucoup de professionnels comme attentatoires à la liberté de la presse : celle sur les fausses nouvelles et celle sur le secret des affaires. Une déclaration du secrétaire d’État au numérique, Cédric O, en faveur de la création d’un Conseil de l’ordre des journalistes, ainsi qu’une mission sur ce sujet, commandée, en novembre 2018, par Françoise Nyssen à l’ancien P.-D.G. de l’AFP, Emmanuel Hoog, ont activé les alarmes.

Sur ce terrain miné, les faiblesses du traitement de l’information subsistent. L’ODI en dresse un inventaire sans complaisance dans son rapport de mars 2019 « L’information mise en cause ». L’Observatoire souligne aussi une brassée d’« initiatives positives », comme le refus des pressions, la lutte contre le complotisme et le harcèlement en ligne, l’utilisation des mots justes, l’éducation aux médias, la mise à l’écart des conflits d’intérêt.

Voilà qui rapproche la rive des journalistes de celle des communicants.