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Budget communication, comment gérer la pénurie ?

Publié le : 19 novembre 2017 à 13:45
Dernière mise à jour : 29 janvier 2019 à 14:00

Les budgets 2017 vont être votés. Dans la continuité des années précédentes, les restrictions touchant la communication vont se poursuivre. Pour les élus et directeurs, la communication des organismes publics devrait se renforcer, mais pas les budgets ni les effectifs qui sont rognés régulièrement. Alors comment faire ? Des solutions ont émergé lors d’un débat du Forum Cap’Com de Marseille.

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ll y a une volonté affirmée de développer la communication publique. Élus et directeurs aimeraient lui confier davantage de missions (réseaux sociaux, com interne, marketing territorial, concertation…), la voir utiliser les outils innovants (le numérique) sans abandonner les moyens classiques (l’édition), prendre le temps de développer une communication de proximité tout en portant la notoriété de l’institution au-delà de son territoire. L’enquête Cap’Com/Occurrence (*) conduite auprès des directeurs des collectivités locales le confirme.

Renforcer la communication, voilà bien une opinion partagée par les communicants publics. Mais les moyens suivent-ils ? Comme le rappelait récemment Bernard Deljarrie, le délégué général de Cap’Com, lors du Forum de la communication publique de Marseille, « Depuis quelques années les budgets se réduisent, souvent plus que d’autres, plus que nécessaire. Et certainement plus que cela n’est avoué. Et je crains que le resserrement envisagé du secteur public, que la poursuite de la baisse des dotations budgétaires, que les projets d’évolution de l’emploi public, n’affectent encore fortement les missions dans les prochaines années ».

Si les élus et directeurs estiment majoritairement que les budgets affectés à la communication sont aujourd’hui suffisants, ils sont toutefois un tiers à se plaindre que les budgets soient devenus aujourd’hui insuffisants pour remplir les missions souhaitées. Mais quelle conclusion en tirent-ils ? « Faire plus avec moins », comme l’expriment les communicants.

Rien d’étonnant si les directeurs de collectivités avouent cette contrainte qui pèse que la communication. Les missions augmentent et les moyens stagnent. Là aussi l’enquête sur la communication vue par les DG des collectivités locales éclaire la situation. Deux tiers des directeurs reconnaissent que lors des trois dernières années ils ont confié à leur service de communication davantage de missions. Et parallèlement, trois quarts d’entre eux admettent que les effectifs affectés à la communication stagnent ou baissent et deux tiers qu’il en est de même pour les budgets. Alors comment faire ?

C’est la question que se sont posée de manière partagée trois responsables de communication en collectivité lors d’un atelier du Forum Cap’Com à Marseille en décembre dernier : Fabrice Jobard, directeur de la communication du Conseil départemental de l'Yonne, Axèle Bureau, responsable de la communication de la Communauté de communes Erdre et Gesvres, et Pierre Logette, directeur de la communication de la ville de Metz. Un croisement d’expériences issues de collectivités d’échelles différentes dont se dégage plusieurs pistes possibles pour s’adapter à l'évolution des moyens.

Repenser les supports

La baisse des moyens alloués à la communication rime souvent avec une remise à plat des supports existants, notamment le journal territorial, pourtant très apprécié des administrés mais dont le coût représente une part importante du budget com des collectivités. La direction de la communication de Metz, a par exemple choisi de modifier le rythme de parution du magazine municipal en publiant un numéro tous les deux mois et a réalisé une économie de 190 000 € entre l’année 2015 et 2016. Pour accompagner cette démarche, le service a informé les habitants sur les réseaux sociaux et sur le site web de la ville qui compte près de 4000 visites par jour en insistant sur la qualité des supports distribués. Le nombre d’abonnés sur Facebook est passé de 4 700 à 17 000. La ville, qui est parvenue à réduire son budget de moitié en 10 ans (1 156 000 euros en 2007, 613 450 euros en 2016), a également repensé plus largement ses supports :

  • mise en place de guides pratiques courts qui informent les messins sur les différentes politiques publiques (seniors, petite enfance…) ;
  • modification du grammage du papier : la communication a diminué le grammage du papier utilisé (65 g intérieure et 115 g extérieure vs 115 g intérieure et 170 g extérieure) et a économisé 30 000 euros de mi 2016 à 2017 ;
  • Baisse de plus de 30 % du budget "chat d'insertions publicitaires" chaque année en tenant compte de la baisse d’audience de la presse écrite. En 2010, 270 000 euros étaient engagés pour l’insertion et en 2016, seulement 114 000 euros (-57 %).;
  • diminution des impressions en quantité mais avec une optimisation de la diffusion des supports dans des lieux ciblés.

Réorganiser les compétences

Pour dégager des économies, les services communication travaillent à ajuster au mieux les moyens humains internes et externes. Cela peut conduire à une réduction des effectifs comme à la ville de Metz dont la direction de la communication est passée de 18 agents en 2013 à 14 agents en 2016, ou, au contraire,à son augmentation comme au service communication de la communauté de communes d’Erdre et Gesvres (12 communes, 60 000 habitants). Dans cette collectivité, un graphiste a été recruté pour rejoindre la chargée de communication, le webmestre la directrice. Cela permet de faire 60 000 euros d’économie sur 3 ans, en comparaison au recours à une agence de communication. Pour la communauté de communes comme pour la ville de Metz, cette évolution des effectifs s’accompagne d’une spécialisation des agents pour disposer en interne de compétences qui évitent de solliciter des agences ou prestataires externes. Même si la direction de la communication messine dont les effectifs ont diminué, se réserve le droit de faire appel à des prestataires pour faire face aux absences ou aux congés.

En parallèle de cette spécialisation l'affectation de certains moyens humains peut être rationalisée. Le service communication de Metz a par exemple diminué les représentations et la présence systématique de deux photographes à toutes les cérémonies. La ville a également revu l’administration du service : une personne centralise et gère toute la partie financière et les marchés publics. Elle fait le lien avec l’ensemble des agents du service communication et elle travaille avec la cellule protocole du cabinet.

Collaborer, mutualiser entre services et entre collectivités

Pour une direction transversale comme la communication, la réorganisation du travail avec les autres services de la collectivité représente un levier à activer pour faire face à la baisse des moyens. Ainsi depuis deux ans, la communication de la CC d’Erdre et Gesvres s’organise comme une direction à part entière qui définit une stratégie et son propre (budget 325 000 euros hors budget événementiel) en lien avec les autres services de l’intercommunalité. Cela veut dire que l’ensemble du budget n’est pas ventilé dans les autres directions mais il est géré par la direction de la communication, gage de maîtrise budgétaire. Parallèlement la communauté de communes cherche à mutualiser davantage les compétences, les services et les moyens. Par exemple, la communication a choisi de mutualiser le poste de graphiste, de s’engager dans une convention de partenariat pour la distribution du magazine de l’intercommunalité, de grouper les commandes ou encore de mettre en place un réseau d’affichage commun. « Quand je parle de groupement de commandes ou de convention de partenariat, il s’agit du volontarisme. Toutes les communes ne sont pas obligées de suivre. Je sais que certaines sont chef de file et que la plupart suivent. C’est un vrai travail collectif et de longue haleine et de confiance », explique Axèle Bureau.

Face à la baisse des moyens, la mutualisation et la collaboration entre collectivités se développent notamment pour les évènements et les supports de communication associés. Metz met ainsi en place de partenariats autours de grandes manifestations à l’exemple de la Saint-Nicolas où la communication a été réalisée en partenariat avec l’agglomération et le département de la Moselle. Les directions de la communication des villes de l’intercommunalité ont pris les dépenses à leur charge et ils ont communiqué avec les mêmes outils que la ville de Metz. « Nous avons un calendrier commun de nos manifestations sur le territoire de Vienne Agglo, nous éditons des supports communs et nous mutualisons les rassemblements avec d’autres collectivités », confirme Brigitte Caruana, participante de l’atelier et directrice de la communication de la Communauté de communes du pays Viennois.

Évaluer la méthode et les outils pour gagner en qualité et en efficacité

Au conseil départemental de l’Yonne, les moyens de la direction de la communication sont passés de 1,5 millions d’euros (hors budget évènementiel) et de 14 agents en 2015 à 890 000 euros et 7 agents en 2016. Les marges de manœuvre devenaient limitées. La direction a donc adopté un comportement de « géomètre », c’est-à-dire mesurer et calculer toutes les actions entreprises. Elle a mis en place la démarche qualité ISO 9001, issue principalement des entreprises, et s’est retrouvée première direction de la communication à obtenir la certification en France. Cette certification s’inscrit dans la continuité des évolutions du service et de sa réorganisation notamment suite au recentrage des missions du département. Il s’agit d’une démarche d’amélioration continue, éprouvée et reconnue qui se déroule en plusieurs étapes : une analyse des processus du contexte et des risques dans un contexte de travail donné, la définition d’un plan stratégique annuel, la mise en place d’indicateurs mesurables et opérationnels. Au département de l’Yonne la mesure porte sur les actions entreprises pour la direction, sur la gestion de projet opérationnels (les actions de communication institutionnelle, évènementielle et éditoriale, mais également les relations presse et la mise à jour des supports multimédia) et sur les actions faites pour et avec les services départementaux. La démarche de certification ISO 9001 prend du temps. « Nous avons mis en place des procédures détaillées. Par exemple, un service veut une affiche : comment ça se passe ? La création se fait-elle en interne ou externe? L’impression ? etc. Pour mettre en place de nouvelles procédures, il a fallu mettre à plat tous nos process, être capable de savoir qui fait quoi, comment et à quel moment », Fabrice Jobard, le directeur de la communication départementale. La démarche de certification ISO 9001 a permis à la direction de la communication de diminuer son budget primitif de 15 % en 2015, de 12 % en 2016 et de 7 % en 2017. Pour autant, il paraît difficile de pouvoir diminuer ce budget à l’avenir. En comparaison le coût de la certification s’élève à 15 000 euros la 1ère année, puis 7 000 euros pour la 2ème année et 6 000 euros pour la 3ème année.

La direction de la communication de la Communauté de communes Erdre et Gesvres s’est également remise en question en évaluant ses activités. Pour cela, elle a commandé une étude sociologique ciblant l’interne (services de la CC) et l’externe (prestataire, habitant, presse) pour mesurer son image, l’efficacité de ses actions, la satisfaction des cibles et recueillir leurs attentes. Pour ne pas que cette évaluation pèse financièrement sur un budget et des effectifs qui diminuent, la communauté de communes a constitué un groupe d’habitants témoins qui donne leur avis sur nos projets de communication. « Nous avons aussi eu l’aide d’un cabinet de sociologie. Nous faisons des questionnaires auprès des habitants et nous utilisons des outils comme Google Analytic pour le site web. L’évaluation est au cœur de notre travail et elle est systématique sur les gros projets », précise Axel Bureau, la chargée de communication. Au-delà des économies potentielles qu’elles peuvent générées, ces démarches de remise en question et d’évaluation permettent de prendre du recul, d'identifier les dysfonctionnements et d’obtenir de la légitimité auprès de la direction pour mettre en œuvre des changements. Elles contribuent également à la reconnaissance du travail effectué par le service communication.

Évaluation, spécialisation, mutualisation, rationalisation, quelle ques soient les pistes d’économies évoquées au cours de cet atelier, toutes amènent un constat : la nécessaire adaptation aux moyens met les communicants sur la voie d’une professionnalisation renforcée de leur fonction. A eux de savoir transformer les contraintes en opportunités pour 2017 !

(*) Enquête en ligne conduite en octobre 2016 par Cap’Com, l’association professionnelle des communicants publics, avec l’Association des administrateurs territoriaux de France et l’Association des directeurs généraux des communautés de France et avec l’appui de l’institut études Occurrence.

Résultats basés sur 250 réponses représentatives des 2500 DGS de collectivités locales, 91% communes et intercommunalités, 9% départements et régions.