La communication territoriale au défi de l’information environnementale
Accompagner concrètement la transition écologique, la question taraude les communicants locaux. Passer des grands défis collectifs à l’action individuelle demande plus que de la communication. Un constat qui fut dressé lors du 34e Forum de la communication publique.
Synthèse d’une partie d’un débat du 34e Forum Cap’Com de la communication publique de Strasbourg, le 16 novembre 2022, réalisée en s’appuyant sur le compte rendu des étudiants Claire Secher, Alice Enjalba et Soltane Ouazzani, du master 2 communication et territoires de l’université Paul Sabatier à Toulouse.
La transition écologique est largement portée par la communication territoriale. Car c’est bien localement que les collectivités agissent, font changer les comportements et rendent possibles des politiques publiques environnementales. Lors du Forum de la communication publique de Strasbourg, en novembre 2022, la question fut abordée lors d’un Grand angle, un grand débat intitulé « La communication publique locale face à de nouveaux enjeux ». Principal enjeu : accompagner la transition écologique.
Au cœur de ce questionnement figurait une interrogation qui taraude les communicants publics : quels leviers et arguments doivent-ils privilégier pour accompagner le passage à l’action individuelle ? « Ces dernières années ont montré que la parole communicante au sujet de l’environnement a été victime de certaines défaillances quant à sa capacité à motiver le passage à l’acte dans la lutte individuelle contre le réchauffement climatique », ont constaté les intervenants de ce Grand angle.
La communication publique locale face à de nouveaux enjeux
Grand angle du 34e Forum Cap’Com de la communication publique à Strasbourg, le 16 novembre 2022. En présence de Dominique Djian, directrice de la communication de la métropole de Lyon, Agha Babaei, 1er vice-président de l'eurométropole de Strasbourg, 1er adjoint de la ville de Strasbourg, Christian de la Guéronnière, directeur de l’agence Epiceum, Erwan Lecœur, sociologue au laboratoire PACTE de Grenoble, et Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de l’institut Toluna-Harris Interactive.
Créer une synergie entre les individus afin de les mener à l’action
Pour Jean-Daniel Lévy, le communicant public a la responsabilité de donner vocation, et même de favoriser les bons comportements du citoyen, au moyen d’une communication locale et institutionnelle, que les études révèlent comme impactante et légitime dans l’espace public. Cette impulsion donnée à l’action individuelle ne peut se faire qu’avec un esprit collectif. Ce collectif est porté par la communication publique, notamment par la mise en commun d’un certain nombre d’éléments de l'ordre du récit, des représentations, des idées, et des attitudes. Les institutions étatiques peuvent aider à cette mise en commun mais les collectivités sont les mieux placées pour permettre de créer une synergie entre les individus afin de les mener à l’action.
La communication publique possède en effet beaucoup de leviers qui permettent d’induire des comportements individuels qui seront essentiels dans la construction d’une transition écologique indispensable. Mais, comme l’expliquait Cynthia Fleury en ouverture de ce même Forum, « il existe une attitude de passagers clandestins consistant à rester passif, en attendant que d’autres agissent ».
La communication publique doit être déterminante dans le développement des initiatives individuelles et occupe donc une fonction politique. Cette mutation, ayant donné naissance à ce que la sociologie nomme la « communication comportementale », démontre aussi la nécessité d’utiliser des leviers de manière accompagnante et non coercitive. Les équipes de communication publique doivent donc être formées aux subtilités de ces outils pour pouvoir accompagner ces changements sociétaux de façon fluide et équilibrée, insiste Erwan Lecœur.
Les grandes questions environnementales souffrent d’une faible traduction dans le quotidien des Français
Faut-il encore que la connaissance des impératifs de la transition écologique soit largement partagée. Le Baromètre de la communication locale, indique Christian de la Guéronnière, directeur de l’agence Epiceum, nous éclaire sur la qualité de l’information donnée par les collectivités en matière d’environnement.
Doit-on se réjouir qu’une majorité des Français (59 %) estime disposer d’une information suffisante sur les actions locales en faveur de l’environnement ? Un résultat qui stagne depuis une dizaine d’années. À la même question, en 2013, 51 % des Français répondaient déjà positivement. Après 10 années d’action des collectivités et de communication publique sur ces actions, plus de 40 % des Français s’estiment donc encore insuffisamment informés. Et pourtant l’efficacité de cette communication environnementale sur les enjeux, les actions et les solutions n’est plus à démontrer. Plus de deux tiers des Français affirment que la communication publique les amène à modifier certains de leurs comportements, selon le Baromètre de la communication locale.
Il est toutefois des domaines où la communication joue tout son rôle. C’est le cas par exemple de la réduction des déchets et des consignes de tri. Une question depuis longtemps prise en charge par les collectivités avec des communications et des actions de terrain concrètes, rappelle l’élu strasbourgeois, Agha Babaei. Certainement plus efficaces que les grandes campagnes nationales.
Pourtant les grandes questions environnementales souffrent d’une faible traduction dans le quotidien des Français. Quelles sont les informations qu’ils demandent ? En savoir davantage sur les modes de transport alternatifs qu’ils pourraient utiliser au quotidien dans leur ville. Connaître des solutions concrètes pour leur permettre d’économiser l’énergie notamment de leur logement. Et plus généralement, ils souhaitent mieux mesurer les conséquences, à court terme et pour eux-mêmes, du dérèglement climatique.
À travers une étude réalisée par le laboratoire PACTE de Grenoble sur les revendications des gilets jaunes et des mouvements pour le climat, Erwan Lecœur nous livre une nuance primordiale pour comprendre les attentes des Français. Si les gilets jaunes demandent plus de représentation, de contrôle, voire de pouvoir de destitution, il s’agit plus, pour les mouvements climats, majoritairement jeunes, féminins et diplômés, de co-élaborer les solutions. La communication publique doit aussi être ce vecteur de la co-construction de solutions locales.
Le Baromètre Epiceum & Harris Interactive de la communication locale
Le Baromètre Epiceum & Harris Interactive de la communication locale a rendu publique sa 7e édition en septembre 2022. Ce sondage grand public, réalisé tous les deux ans par l’institut Harris Interactive, l’agence Epiceum en partenariat avec Cap’Com et La Poste, offre un regard pertinent sur la perception qu’ont les Français de la communication de leurs collectivités locales. Il mesure l’usage que les Français font des différents supports mis à leur disposition pour s’informer au plan local et évalue ainsi l’efficacité de la communication territoriale. Il révèle aussi les attentes des habitants au regard des sujets abordés par la communication territoriale. La conférence de lancement de l’édition 2022 s’est tenue le lundi 7 novembre 2022 à l'Association des maires de France, et le Forum Cap’Com de Strasbourg a été l’occasion d’une analyse de certains résultats. Cap’Com est partenaire du Baromètre depuis la première édition de 2009.