Aller au contenu principal

Consignes de sécurité pour communiquer en période préélectorale

Publié le : 18 février 2019 à 19:49
Dernière mise à jour : 21 février 2019 à 14:34
Par Géraud Albouy et Adrien Préguiça

Dans l’année qui précède les élections municipales de mars 2020, il n’est pas question de stopper toute communication publique. Mais la période est particulière. Il appartient aux communicants de connaître et de rappeler aux agents et aux élus les contraintes d’une communication publique en période préélectorale. Cette note, rédigée comme une recommandation faite à son élu, déroule les pièges à éviter.

Dans les mêmes thématiques :

Cette note de recommandations a été rédigée par Géraud Albouy et Adrien Préguiça, étudiants en Master 2 Communication politique et institutionnelle de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Elle s’appuie sur la présentation de Rolande Placidi, avocate au barreau de Strasbourg, à laquelle ils ont assisté lors du Forum de la communication publique, le 5 décembre 2018.

Le 1er septembre prochain, nous entrerons dans les six mois précédant les prochaines élections municipales de mars 2020. Ainsi nous serons dans une phase qui nous contraint sur le plan juridique à devoir faire attention à notre communication. Il s’agit des mêmes obligations prévues par l’ancienne loi, mais la période préélectorale en question est réduite à six mois (au lieu de douze mois auparavant). Seule la durée de la période a changé, pas les prescriptions à observer (en vertu de l'article. L.52-1 et suivants du Code électora. En effet, le non-respect de certaines règles que nous vous détaillerons ci-dessous risquerait de faire apparaître notre communication institutionnelle comme de la propagande politique (au sens de ces mêmes articles) en vue des prochaines élections et de faire entrer les dépenses municipales en communication dans le compte de campagne du candidat.

Monsieur le Maire, si comme vous nous l’avez déclaré il y a quelques semaines, vous n’avez toujours pas pris de décision définitive quant à une éventuelle candidature, nous devons redoubler de vigilance quant au caractère de la communication pratiquée par la municipalité.

Pour que vous compreniez efficacement ce qu’implique la loi, nous allons vous dresser un rapide contexte juridique. Par la suite, nous vous proposerons un aperçu de la stratégie de communication pour les six prochains mois.

La durée de la période a changé, pas les prescriptions à observer

La loi relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques du 15 janvier 1990 précise ce qu’il faut faire ou ne pas faire à l’approche des élections. Six mois avant l’élection et jusqu’au jour où l’élection de la future équipe municipale sera validée, la communication locale est limitée. Comme l’indique donc l’article L.52-1 du Code électoral : « À partir du 1er septembre 2019, le Code électoral exclut toute campagne de promotion publicitaire des réalisations et de la gestion des collectivités intéressées par les scrutins municipaux et communautaires de mars 2020 ».

Cette loi a pour but de ne pas avantager le candidat sortant, ou un candidat ayant été auparavant membre de l’équipe municipale, en interdisant que les outils et moyens de communication de la collectivité soient utilisés au profit de la campagne électorale.

Aussi nous pensons qu’il sera nécessaire de diffuser une note interne à tous les agents et plus particulièrement aux chefs de service de la collectivité pour leur rappeler quatre principes simples. Cette loi s’applique également à la communication interne de la collectivité. Nous attirons donc votre attention, Monsieur le Maire, sur le fait qu’il faille être précautionneux dans vos messages destinés aux agents. Il ne faut jamais oublier que c’est le représentant de la ville qui leur parle et non le futur candidat à sa réélection. Il n’est jamais exclu qu’un agent de la collectivité ne partage pas vos convictions politiques.

Les quatre principes à respecter

Par cette note interne, nous rappellerons qu'à partir du 1er septembre, nous serons en phase de campagne préélectorale et que cela nous oblige à respecter les quatre principes suivants :

  • Antériorité : s’assurer que l’action de communication n’a pas été créée spécifiquement en vue des élections. Il sera donc exclu de créer toute nouvelle action.
  • Régularité : impossibilité de modifier la périodicité des manifestations et publications comme celle du magazine municipal par exemple.
  • Neutralité : l’information communiquée par la collectivité ne devra comporter que des messages politiquement neutres à caractère purement informatif.
  • Identité : la forme des supports de communication de la collectivité ne doit pas être modifiée. Il sera donc exclu d’augmenter la pagination, la maquette ou la périodicité de tout support de communication.

Un dernier point nous semble primordial. Si ces quatre principes peuvent faire figure de garde-fou et sont utilisés afin de questionner nos futures actions de communication, il faut toujours avoir conscience que toute qualification d’une action dans le cadre de propagande électorale ou de communication institutionnelle est à la discrétion du juge électoral. Ce dernier appréciera ainsi in concreto chaque dossier et adoptera une vision très large de ces notions. Une même action réalisée par deux municipalités différentes n’aura de sens que selon le contexte entourant la collectivité.

L’entrée en phase de campagne préélectorale ne doit cependant pas nous brider dans notre manière de communiquer. Si nous avons tenu à être clairs sur les points juridiques ci-dessus, cela n’avait d’autre but que de nous libérer de cette charge pour maintenant nous concentrer sur la communication. Nous allons pouvoir continuer à communiquer pendant cette période mais en redoublant de vigilance.

Questionner chaque action de communication

Avant toute validation de quelque action de communication que ce soit, deux questions devront guider notre réflexion. La première : est-ce que je l’aurais fait comme cela auparavant ? Le risque ici est qu’une action de communication censée être institutionnelle devienne politique/électorale. Mais nous n’en avons pas toujours conscience, de notre point de vue. Par exemple, la participation plus régulière à des cérémonies, des inaugurations ou des expositions, en tant que maire, parait normale, mais peut poser problème selon le contexte et les modalités d’exécution. Cela peut être considéré comme de la propagande électorale.

Une deuxième question doit nous venir à l’esprit : l’aurais-je fait avant ? Ce n’est qu’après avoir répondu par l'affirmative à ces deux questions que nous pourrons être sûr que l’action de communication ne pose pas problème. Pour autant, comme nous vous l’avons rappelé, il ne s’agit pas de se brider. Nous pourrons continuer à produire des actions de communication à vocation touristique, commerciale ou économique sur notre ville. Cette période offrira également la possibilité de valoriser les forces de notre territoire que sont les associations, les acteurs économiques ou les jeunes talents.

Analyser là où il y aurait des risques

À moins de six mois des élections, nous devons avoir un aperçu de nos différentes campagnes de communication en cours ou à venir. Notre attention devra se porter en particulier sur le magazine municipal et en particulier sur votre éditorial. Peu importe votre décision de vous représenter ou pas : il ne devra contenir aucun élément sur cet enjeu mais communiquer sur la ville.

À l’heure du numérique, les réseaux sociaux sont particulièrement scrutés et une erreur peut entraîner certains dommages. Ainsi, et ce n’était pas le cas auparavant, toute publication devra être validée par la communication ou le cabinet. Notre communication numérique sera potentiellement moins instantanée, mais mieux contrôlée, afin de prévenir une mauvaise publication qui pourrait relever de la propagande électorale.

Enfin, le dernier point qui devra concentrer notre attention concerne les festivités en cours depuis le début de l’année. Après discussion avec notre équipe ainsi que le service juridique, nous ne voyons aucune raison de restreindre cette action. Les prochaines campagnes d'affichage, sur les évènements fil rouge de l’année 2019, ne poseront aucun problème puisque c’est la ville en elle-même, son histoire, qui sera mise en valeur. Nous éviterons cependant de trop communiquer sur votre présence aux différentes festivités comme nous avons pu le faire jusqu’à présent.

Objectif : poursuivre la communication

L’objectif est donc de poursuivre la communication auprès de nos administrés comme nous le faisions auparavant : une communication pour et par les administrés qui ont souvent la parole dans notre magazine municipal. Mais plus que jamais, c’est l’information qui devra primer. Non pas informer sur ce que fait la ville pour les citoyens, car cela pourrait être considéré comme contraire à la neutralité, mais une information neutre sur ce qui se passe dans la ville.

L’axe de communication : la ville, pas la municipalité

Comme c’est déjà le cas, le thème qui orientera notre campagne de communication sur les six prochains mois sera la mise en avant des personnes qui font notre ville. Évidemment, il ne s’agira pas de parler de personnalités politiques, mais des membres d’une association, d’artistes, de sportifs qui font l’actualité et qui permettent de faire rayonner la ville. C’est un certain savoir-vivre local qui sera mis en avant.

Le message que nous vous proposons de diffuser pour notre prochaine campagne est donc un message de ville agréable à vivre. Une ville avec des qualités et des avantages. Encore une fois, nous ne devrons pas transgresser la limite, à savoir celle entre le message d’une ville où il fait bon vivre et le message qu’il y fait bon vivre grâce à l’action municipale. L’action de la municipalité devra par conséquent être suggérée implicitement. C’est par les différentes publications sur les réseaux sociaux, dans le magazine municipal, sur le site internet de la mairie démontrant une vie citoyenne de qualité, que l’on fera ressentir au lecteur ce sentiment de "bien-vivre" dans notre ville.

Magazine municipal : veiller au contenu

Nous proposons de ne rien changer, ou presque, dans la structure du magazine municipal. Cela fait référence au principe d’identité. Cependant, l’éditorial devra être le plus neutre possible. En aucun cas il ne devra mentionner les réussites de l’action municipale. Nous devrons donc être extrêmement prudents quant à son contenu. Nous vous suggérons donc de privilégier l’utilisation de formules du type "la ville" ou le "conseil municipal" qui sont assez dépersonnalisées. L’évocation directe de la personne du maire est à proscrire. Il n’est en aucun cas nécessaire d’aller jusqu’à une suspension de l’éditorial, comme c’est le cas pour certaines collectivités qui remplacent l’éditorial par une formule type : "par mesure de précaution et afin de respecter les règles édictées par le Code électoral, l’éditorial du maire sera suspendu jusqu’au prochain renouvellement du conseil municipal".

De même, la partie "la mairie" du magazine, qui rend compte notamment du conseil municipal, devra elle aussi faire l’objet d’une attention toute particulière. Nous pourrons informer de ce qui a été adopté lors du dernier conseil, par exemple, mais il sera interdit d’écrire que telle ou telle mesure adoptée était une promesse de campagne de votre programme lorsque vous étiez candidat à la mairie.

Toutefois, nous pourrons continuer à y insérer des photos lors d’inaugurations où vous seriez présent. Il est entendu que le nombre de cérémonies et/ou d’inaugurations auquel vous participerez ne devra pas être supérieur à l’ordinaire. L’évènement en lui-même devra aussi décider de l’importance de votre présence ou de celle d’un de vos adjoints (les évènements importants légitimant davantage votre présence). Des articles concernant l’avancée des travaux du grand chantier de centre-ville avec des images de vous sur le terrain ne seront plus à l’ordre du jour. Nous ne voyons en revanche aucun problème à ce que vous participiez à une inauguration prévue de longue date.

Le magazine pourra également évoquer librement les nombreux évènements culturels, sportifs (et autres) qu’organise et/ou accueille la ville. Cela relève d’une des fonctions les plus fondamentales d’un magazine territorial, à savoir informer sur la vie locale, et est également l’une des plus appréciées sur ce type de support. On y voit un intérêt en terme de communication car cela participe à renforcer l’image d’une ville où il fait bon vivre, dynamique, etc.

Si votre directeur de cabinet, avec lequel nous avons discuté de ce point, suggère de créer un hors série, après septembre 2019, qui traiterait d’un événement spécifique, par exemple un grand projet conduit sur votre mandat, ou présenterait un bilan des réalisations municipales, nous tenons à vous informer que cela comporte un risque maximal, quel que soit le ton employé, même neutre. Ce supplément ou hors série risque très certainement d’être réintroduit dans les dépenses du compte de campagne du candidat avec comme éventualité de dépasser le plafond et de conduire à l’annulation de l’élection et à l’inéligibilité du candidat.

Le magazine étant assez complet et éclectique à l’accoutumée, il ne devrait pas y avoir de difficulté à parler des sujets et projets importants sans entrer en contradiction avec les quatre principes évoqués plus haut. La complétude et la diversité des articles, dossiers et rubriques proposés tout au long de l’année permettent amplement de revenir sur les points forts de la ville et ses réalisations sans provoquer de soupçons tangibles.

Cartes de vœux 2020 : ne pas faire différemment

Comme c’est cas habituellement, nous pourrons procéder à l’envoi de cartes de vœux en nous en tenant à quelques précautions pour ne pas être dans l’illégalité. Les cartes ne devront contenir aucune allusion aux prochaines élections et être envoyées dans les mêmes conditions que les années précédentes : autant de destinataires, mêmes catégories de population. Ainsi, les nouveaux arrivants de la ville ne recevront pas la carte de vœux cette année. De la même manière, il faudra veiller au contenu de la cérémonie de vœux que nous ne vous conseillons pas d’annuler puisqu’elle a lieu chaque année. Comme c’est le cas pour l’éditorial du magazine municipal, les formules seront dépersonnalisées. C’est "la ville" qui souhaitera les meilleurs vœux et non "le maire" ou "l’équipe municipale".

Affichages : pour des communications informationnelles

Comme nous l’avons évoqué précédemment, les différentes campagnes d’affichage prévues pendant la période électorale ne seront pas ajournées. Ces campagnes prévues de longue date répondent donc au principe d’antériorité. En outre, c’est uniquement la ville qui sera mise en avant. Il n’y aura rien de politique sur ces affiches qui portent sur les évènements culturels et sportifs de la ville au travers d’une communication informationnelle importante. On veillera à n’y faire figurer que le nom de la ville et les différents évènements. Comme cela était prévu, nos MUPI (Mobilier urbain pour l’information) pourront toujours être utilisés pour cette communication.

Site internet : des éléments à archiver

La priorité concernant le site internet de la ville est de retirer tout document défendant votre mandat. Ainsi, les documents PDF accessibles sur le site internet, et édités chaque année pour faire un bilan de mandat, seront archivés. Cela signifie qu’ils ne seront pas supprimés du site, mais indisponibles à la lecture pour un simple internaute. Parallèlement, aucun bilan de mandat pour l’année 2019 ne sera produit par nos services. De même, tout contenu promouvant des réalisations de la collectivité et de mise en valeur de la gestion municipale sera archivé.

Réseaux sociaux : grande prudence

Lors de votre élection en 2014, le numérique n’avait pas encore pris la place qu’il détient désormais dans la vie politique. Désormais, lors de chacun de vos déplacements, un chargé de communication vous accompagne afin de publier quelques photos et phrases prononcées lors du déplacement. Ces publications sont effectuées sur votre page Facebook et votre compte Twitter en tant que maire de la ville.

Aucun changement ne nous semble nécessaire. En effet, la séparation entre la communication de la ville comme entité et la communication de la ville représentée par son maire est déjà clairement définie. Une page Facebook et un compte Twitter sont déjà dévoués uniquement à la ville. Vous apparaissez rarement en photo dessus, car y sont publiées en majorité des informations liées à la vie locale. On y retrouve notamment de nombreux sujets qui sont également traités dans le magazine municipal.

Vous possédez également une page Facebook et un compte Twitter personnels dans lesquels vous pourrez continuer à avoir une certaine liberté de propos. Cependant, les cas de jurisprudence sont nombreux et la communication numérique est encore difficile à encadrer au niveau juridique. C'est pourquoi, en cas de candidature, il est hautement préférable de créer une nouvelle page Facebook et un nouveau compte Twitter dans lesquels il sera précisé que c’est le candidat qui s’exprime et non le maire.

Inaugurations et manifestations publiques : uniquement celles prévues de longue date

Comme nous vous l’avons déjà suggéré dans la partie traitant du magazine municipal, une grande attention sera portée sur vos actions de terrain. Concernant les inaugurations de bâtiment, il sera primordial qu’elles aient lieu à une date qui soit uniquement déterminée par l’achèvement de la construction et que la manifestation ne bénéficie pas d’une communication d’une ampleur inhabituelle.

Cela implique donc que les inaugurations qui pourraient être repoussées en raison de votre agenda devront alors être annulées. Si inauguration il y a, nous devrons aussi veiller à ce qu’elle ne soit pas une promotion des actions de la collectivité, ni de votre action en tant qu'élu. Vos discours devront se limiter à informer la population sur l’intérêt du lieu et son utilité, sans qu’il soit possible d’élargir les propos à d’autres actions ou sur la politique menée par la majorité municipale.

Vos apparitions récurrentes dans les marchés, places, etc. devront être réduites aux évènements majeurs de la ville.

Enfin, concernant certaines actions menées chaque année par des associations en partenariat avec la municipalité, comme le forum des séniors ou le forum de la petite enfance pour les jeunes parents qui auront lieu en janvier prochain, votre présence sera étudiée au cas par cas. Il faudra juger si votre présence à une manifestation respecte le principe de la continuité municipale.

Budget communication : sans changement

Si l’entrée en phase préélectorale nous contraint dans notre manière de communiquer, cela ne conduit pas à réduire le budget communication. En revanche toute augmentation sera inopportune.

Évaluation : ce n’est pas le bilan mais le projet qui fait l’élection

La réelle évaluation de notre stratégie de communication se fera, bien qu’elle n’y soit pas directement liée, lors des prochaines élections. En effet, notre objectif tacite depuis le début du mandat est de faire naître et/ou d’asseoir l’image de bien-être qu’inspire notre ville, sans pour autant (a fortiori au cours de la période préélectorale) y accoler absolument une figure ou une couleur politique. Il faut néanmoins garder à l’esprit qu’une image de la ville renforcée bénéficie toujours à l’exécutif sortant. "Dépersonnifier" la parole municipale et ses réalisations permet une communication plus souple durant la période des six mois, tout en créditant implicitement l’équipe municipale. Toutefois ce n’est pas le bilan, mais le projet qui fait l’élection.

À voir aussi :

Le kit de la communication en période électorale

Les règles applicables pour les élections de 2020

Lire la suite

Réseaux sociaux des collectivités et période électorale

Lire la suite
Communication en période pré-électorale : à partir de quand faut-il vraiment faire gaffe ?
Lire la suite