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Aux origines de la com publique

Publié le : 5 février 2018 à 13:28
Dernière mise à jour : 31 août 2018 à 10:10
Par Bernard Deljarrie

ll y a 30 ans cette année, le Forum de la communication publique naissait à Valence. Le Premier ministre, Michel Rocard, y intervient. Un anniversaire qui nous invite à remonter aux origines du métier en ces années 80. Car cette histoire nous éclaire aujourd’hui sur la profession et l’originalité de son réseau Cap’Com.

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« Les collectivités locales ont soif de communication » peut-on lire dans Le Monde du 28 mai 1988 qui annonce la tenue du premier salon spécialisé dans le secteur de la communication des collectivités locales. Un salon qui se tient les 23, 24 et 25 juin à Valence (Drôme) et qui est la première édition de ce qui deviendra le Forum Cap’Com.

L’ambiance communicante des années 80

L’événement surfe sur l’ambiance communicante des années 80 : une décennie qui voit la consécration de la publicité, notamment avec la privatisation de TF1 et de l’agence Havas en 1987. La première émission entièrement consacrée à la publicité – Culture Pub – est créée en 1989 par Christian Blachas, le fondateur de Stratégies.

L’événement surfe sur l’ambiance communicante des années 80 : une décennie qui voit la consécration de la publicité, notamment avec la privatisation de TF1 et de l’agence Havas en 1987. La première émission entièrement consacrée à la publicité – Culture Pub – est créée en 1989 par Christian Blachas, le fondateur de Stratégies.

in « La communication des collectivités locales » par Dominique Mégard et Bernard Deljarrie (LGDJ)

Sur le plan politique, la communication électorale commence à intégrer les recettes de la publicité et du marketing. Les campagnes présidentielles de François Mitterrand marquent cette évolution sous l’impulsion du publicitaire Jacques Ségéla qui invente les slogans « La Force tranquille » pour l'élection de 1981 et « génération Mitterrand » pour celle de 1988.

Sur le plan institutionnel, la décentralisation va aussi avoir une influence directe sur la communication publique. Les lois de 1982 donnent de nouveaux moyens et compétences aux collectivités locales et créent les régions, dotées d’une compétence économique. Ces transformations engendrent un besoin impérieux de communication dans les territoires. Souvenons-nous de la campagne « Montpellier la surdouée » qui met en scène dès 1982 un bébé pour vanter la ville. Dans un même mouvement, les campagnes d’image se multiplient et les logos foisonnent : « la Provence Alpes Côte d’Azur voit le futur avec passion » (1984), « l’Aquitaine est force vive » (1985), « La performance a son département, les Hauts de Seine » (1987), « Europe des cerveaux, Lyon crâne » (1988).

Sur le plan politique, la communication électorale commence à intégrer les recettes de la publicité et du marketing. Les campagnes présidentielles de François Mitterrand marquent cette évolution sous l’impulsion du publicitaire Jacques Ségéla qui invente les slogans « La Force tranquille » pour l'élection de 1981 et « génération Mitterrand » pour celle de 1988.

Sur le plan institutionnel, la décentralisation va aussi avoir une influence directe sur la communication publique. Les lois de 1982 donnent de nouveaux moyens et compétences aux collectivités locales et créent les régions, dotées d’une compétence économique. Ces transformations engendrent un besoin impérieux de communication dans les territoires. Souvenons-nous de la campagne « Montpellier la surdouée » qui met en scène dès 1982 un bébé pour vanter la ville. Dans un même mouvement, les campagnes d’image se multiplient et les logos foisonnent : « la Provence Alpes Côte d’Azur voit le futur avec passion » (1984), « l’Aquitaine est force vive » (1985), « La performance a son département, les Hauts de Seine » (1987), « Europe des cerveaux, Lyon crâne » (1988).

Campagne de la ville de Montpellier de 1989

Collectivités locales et communication : première association de communicants publics

C’est dans ce contexte que naît, au début des années 80, l’association Collectivités locales et communication. Elle rassemble quelques responsables de services communication de communes à une époque où seules les grandes villes disposaient d’un service communication : des services récents, formés le plus souvent pendant la période municipale 1977-1983 et dont la mission se résume principalement à l’édition du journal municipal et aux relations avec la presse locale.

Le premier président de l’association Collectivités locales et communication est Pascal Josèphe, alors directeur de la communication de Lille (1978-1982) et auteur d’un ouvrage annonciateur L’information : communiquer avec les citoyens dans la commune (1983). Dominique Mégard, journaliste arrivée en 1981 à la mairie de Villefranche-sur-Saône pour organiser le premier service de communication, prend les rênes de l’association en 1983. Des rencontres entre communicants publics sont organisées au sein de l’association, notamment autour de l’image de marque des villes, l’originalité de la communication municipale ou encore les moyens financiers de la communication publique.

C’est au travers de Collectivités locales et communication - CLC que Dominique Mégard et Geneviève Mannois-Brunet se rencontrent en 1983. Responsable de la communication de la ville de Valence - un service composé de 4 personnes - Geneviève Mannois-Brunet est une proche collaboratrice de son maire - Rodolphe Pesce - député socialiste et président de la commission nationale pour le développement social des quartiers. Elle trouve auprès de lui et au sein de l’équipe municipale une volonté d’inscrire le champ de la communication dans celui de l’éveil à la citoyenneté locale.

« Le communicant public s’inscrit dans un système de valeurs dont il n’a pas toujours conscience lui-même. »

Geneviève Manois-Brunet, directrice de la communication de la ville de Valence en 1988.

Le premier Forum de la communication publique donne une visibilité à la profession

En 1987 vient l’idée de créer le premier salon de la communication des collectivités locales. Le maire de Valence s’adresse alors à Dominique Mégard, présidente de CLC, et à l’organisateur de salons professionnels Philippe Bleicher pour donner à cette manifestation une ampleur nationale que souhaite la ville. Le premier Forum de la communication publique naît ainsi à Valence en juin 1988. Commissaire général du salon, Philippe Bleicher y fait venir plus d’une centaine d’exposants pour cette première édition et Dominique Mégard y organiser une série d’ateliers. Elle y lancera le premier Grand Prix de la communication publique dont la 30e édition aura lieu cette année. Ainsi apparaît au grand jour la communication publique portée par la notoriété de ce premier Forum et par l’action de l’association Collectivités locales et communication.

« Il fallait redonner un sens à la ville. Les mots clés : information-participation. Les moyens : le bulletin municipal, les commissions extra-municipales, les actions de quartiers. »

Rodolphe Pesce, maire de Valence de 1977 à 1995.

L’association, puis le Forum, se développeront rapidement sous le nom commun de Cap’Com. Et 30 années après, 30 Forums passés, le réseau de la communication publique et territoriale est plus actif que jamais, à l’image d’une profession qui s’est structurée collectivement et qui a su revendiquer sa mission et sa place.

« La principale caractéristique de la communication publique a toujours été la préoccupation de servir l’intérêt général et la démocratie ».

Dominique Mégard, fondatrice du réseau Cap’Com

Comme nous le rappelle Fréderic Theulé, coordinateur du séminaire de recherche universitaire de Rennes sur l’histoire de la communication territoriale, « cette dynamique s’inscrit dans l’idéologie socialiste du tournant des années 1970-1980, c’est-à-dire empreinte d’esprit autogestionnaire et liée aux mouvements d’éducation populaire au sein de la cité ». « En 1988, le salon constitue ainsi une première tentative de « changer la vie et la ville » en changeant les modalités de la communication publique des territoires ».

« En 1988, le premier salon de la communication des collectivités territoriales et des établissements publics constitue une premier tentative de « changer la vie et la ville » en changeant les modalités de la communication publique des territoires ».

Fréderic Theulé, docteur en histoire contemporaine, coordinateur du séminaire de recherche universitaire sur l’histoire de la communication territoriale à Rennes

Peu après, autour de la communication gouvernementale et des institutions de l’État, mais portée par la même sensibilité politique de l’époque, se constitue en 1989 l’association Communication publique. « L’idée me vint d’une sorte de club de rencontre des responsables de la communication des corps constitués, des ministères, des agences et organismes exerçant une mission de service public » se souvient son fondateur Pierre Zémor, alors tout juste nommé conseiller d’État après avoir été au cabinet de Michel Rocard ministre du Plan puis de l'Agriculture. Ceux qui se penchent sur le berceau de l'association sont alors le directeur du Service d’information du gouvernement Rocard, le directeur du service des relations publiques de l’armée, ou encore le responsable de la communication au ministère de l’Éducation nationale. L’objectif était de « faire descendre la haute fonction publique de son piédestal pour qu’elle apprenne à dialoguer avec les citoyens afin de mieux ajuster le devoir d’informer ». Une démarche qui a participé à l’identification de la profession même si elle s’avère différente de celle de la communication territoriale dans la mesure où, comme l’observe Frédéric Theulé, « elle s’enracine dans la longue histoire de la communication publique d’État ».

« La revendication de la communication publique constitue une forme d’aboutissement d’un long processus de valorisation » observent Amina Lasfar et Pierre Leroux (UCO d’Angers et Centre de recherche sur l’action politique en Europe / CNRS – Rennes) associés au séminaire universitaire de Rennes. Cette naissance de la communication publique et son cheminement méritent aujourd’hui d’être un peu mieux connus. L’approche historique permet en effet d’apporter un éclairage original sur les fondements de ce qui est aujourd’hui un métier reconnu, qui rassemble 25 000 professionnels et qui vit au travers d’un réseau qui fête cette année ses 30 ans.

Recherches universitaires, études, colloques et publications, le 30e anniversaire du réseau Cap’Com est l’occasion d’une mise en perspective de l’histoire de la communication publique.

Dans le cadre du 30e anniversaire du réseau Cap’Com, dont la création en 1988 illustre la naissance de la communication publique, plusieurs centre de recherche se sont réunis pour conduire un séminaire de recherche historique sur la communication publique et territoriale. La chaire Territoires et mutations de l’action publique de Sciences-Po Rennes, le Centre de Recherches en sciences de l’information et de la communication de l’Université Rennes 2, le Centre de recherches sur l'action politique en Europe de l’Université de Rennes et l’association Cap’Com travaillent ensemble autour d’une série de séminaires qui ont débuté en octobre 2017 et qui courrons sur toute l’année 2018.

La responsabilité scientifique de ce séminaire est assurée par Thibault Tellier (professeur d’histoire contemporaine à l’IEP de Rennes), Didier Chauvin (maître de conférences, responsable du Master Communication Publique et Politique à l’université Rennes 2), Amina Lasfar (maître de conférence à l’université catholique d’Angers) et Frédéric Theulé (docteur en histoire urbaine et chargé de cours à l’université d’Evry).

S’appuyant sur le réseau Cap’Com, des études et des temps de réflexion vont aussi permettre d’alimenter l’histoire du métier. Le 30e Forum de la communication publique, qui se tient à Lyon les 4, 5 et 6 décembre prochains, sera le point d’orgue de ces travaux.