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Pages de com : « Human psycho » par Sébastien Bohler

Publié le : 23 juin 2022 à 07:18
Dernière mise à jour : 23 juin 2022 à 15:38
Par Yves Charmont

Un livre pour l’été ? Il va faire chaud, celui-ci est glaçant !
Les communicants se tournent vers l’individu, par le récit, en proximité, en dialogue… Mais le groupe agit autrement et répond à d’autres règles. L’humanité se révèle comme un être psychopathe et l’auteur propose une méthode pour le dompter. Un livre bien écrit, utile et qui nous pose de bonnes questions, professionnellement.

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Ce serait une erreur de placer cet ouvrage dans la série des essais sur le cerveau humain et ses ressources étonnantes ou terrifiantes, en mode neurobiologie. Certes, l’auteur a connu un grand succès avec les deux précédents, notamment Le Bug humain. Mais il est vraiment intéressant que l’on s’attarde sur celui-ci. Car il nous parle, à nous les communicants. Pour plusieurs raisons :

  • d’abord parce qu’il pose l’hypothèse que l’ensemble des humains forment un seul cerveau/organe. Ce qui entre en résonance avec les discours entendus autour de la transition socio-environnementale et qui évoque, avec l’anglicisme one health (c’est-à-dire une seule santé pour un seul organisme global), l’interdépendance, l’interconnexion et la recherche d’une solution macro ;
  • ensuite parce qu’il évoque très tôt dans son livre le fonctionnement sensible d’humains en réseau, qui pourtant résonnent individuellement et sont motivés par leurs valeurs et leurs sentiments (et la raison quelquefois), mais qui déposent de petits paquets de phéromones numériques qui guident un organisme énorme et qui, lui, répond à d’autres logiques. En orientant la communication et ses messages vers l’individu, nous « loupons » en quelque sorte la très grosse cible dont, pourtant, le comportement devrait changer ;
  • enfin parce que ses préconisations nous interpellent dans son troisième axe d’anthropologie inversée : « Le changement le plus difficile à obtenir sera peut-être, paradoxalement, médiatique » (page 222). Même le journalisme de solution est reconsidéré de façon brutale par l’auteur.

Sébastien Bohler propose un traitement « psychiatrique » en quatre phases : démonter l’ego, ne plus manipuler, recréer l’empathie et penser le futur. Des objectifs qui vont pour l’essentiel passer par les messages, les représentations, les discours… bref, la communication dans une version publique d’intérêt général. Quelqu’un nous parle ?

Et dans ses derniers paragraphes l’auteur imagine une humanité contrainte à moins se déplacer, une sorte de confinement, nourri de communication numérique, se dédoublant dans le métavers (encore lui…) en limitant son impact matériel. Une sorte de camisole numérique pour un organisme tueur à grande échelle. Un point de vue très intéressant.

Merci à l’auteur pour ce livre sans concessions mais très bien écrit. On sent la patte du rédacteur en chef qu’il est. Les chapitres sont courts, remplis de références, et le style agréable. On se prend à le lire vite. C’est fait pour. Et si le nombre d’exemples, liés à des cas réels de criminels psychopathes, vous paraît indigeste : surfez ! C’est une vague. C’est l’été. Le dernier, peut-être.

Human psycho
Comment l'humanité est devenue l'espèce la plus dangereuse de la planète
Sébastien Bohler
Essais
Bouquins
27 janvier 2022
288 pages

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