Bientôt la fin pour nos sites web ?
Ça va, vous ? Parce que moi je m’inquiète de l’avenir de mon site web. Et ça n’est pas la première fois.
Mes plus anciens et fidèles lecteurs s’en souviennent peut-être (mais ça m'étonnerait) : dans une chronique publiée en 2016, je m’interrogeais déjà sur l'avenir des sites internet avec l’arrivée des premiers chatbots.
Annoncés par la technosphère comme LA nouvelle révolution, les chatbots allaient mettre fin à l’utilité des sites web. Parce qu'ils allaient directement répondre à toutes les questions que chacun se posait. Il n’en a rien été, parce que fondamentalement les bots étaient bêtes et trop limités dans leurs modèles de réponses, souvent incapables de comprendre les demandes des internautes.
Mais voilà, huit ans après, la situation est différente. Pourquoi ? Parce que, cette fois la promesse est tenue. Des outils comme Perplexity ou Copilot combinent la puissance d’un Google et d’un chatbot conversationnel.
Pourquoi l’existence des sites web est-elle menacée ?
Grâce à l’intelligence artificielle et aux énormes bases de contenus qui l’alimentent, ces nouveaux outils sont capables de synthétiser et de formuler des réponses complètes et personnalisées.
Ils proposent des interfaces simplifiées qui épargnent à l'internaute d'éplucher des pages de liens et de slalomer entre des publicités qui viennent parasiter les pages de contenus.
Avec ces nouveaux outils, nous basculons d’une logique de moteur de recherche à une logique de moteur de réponse. Perplexity ou Copilot, pour ne retenir que les derniers en date, rédigent des réponses tenant compte du contexte de recherche de l’internaute, des données personnelles déjà collectées, et ainsi génèrent des contenus hyper personnalisés. Ce qu’un site web traditionnel de service public est incapable de faire aujourd’hui.
La remise en cause totale de l’ADN du web
Ici nous assistons au bouleversement de l'architecture historique du web fondée sur un écosystème de liens qui permettent de passer d’une source à une autre, d’un site à l’autre.
Avec des réponses clés en main fournies par une interface comme Perplexity, l’internaute moyen, déjà impatient et fainéant, risque de le devenir encore plus. Pourquoi s’embêter à chercher l’info la plus fiable quand un outil vous la prédigère en quelques secondes? Certains s’en inquiètent déjà : c’est le risque d’une chute drastique de trafic des sites, qui ne seront plus visités que par des robots d’indexation.
Pourquoi la disparition des sites web constitue-t-elle un danger ?
Les premiers sites menacés par ces nouveaux moteurs de réponses sont ceux qui tirent des revenus des contenus publiés, notamment par des bannières publicitaires. Je pense notamment aux sites de médias. Certains anticipent déjà : Le Monde a déjà signé un accord avec Open AI et ChatGPT et leur vend l’accès à ses contenus.
Pour ce qui est de nos sites web, garants d’une information de service public, le premier risque est d’être invisibilisés avec des données publiques absorbées, digérées et restituées par ces plateformes privées.
Pourquoi un habitant irait s’embêter à chercher dans les pages de ville-de-tartempion.fr, dont il ne comprend pas la logique d’organisation, quand un outil peut lui donner instantanément la réponse en l’appelant par son prénom ?
Vous me répondrez que ce n’est pas totalement nouveau. Combien se contentent des informations fournies par Google sans prendre la peine de consulter votre site web, via Google Maps par exemple ? Et Google vous mettra en plus la pression pour que vous mettiez à jour vos informations dans son interface.
Le second risque est la perte de maîtrise de son information et de la manière dont elle sera restituée par les moteurs de réponses. Passée à la moulinette des algorithmes, elle peut subir des biais, des reformulations et déformer les intentions initiales.
Pourquoi peut-on s’en sortir ?
À long terme, la question qui va se poser est le modèle économique et la pérennité de ces moteurs de réponses. Leur succès n’est garanti que par la disponibilité des nombreuses données fournies par les sites web. Quel intérêt de maintenir ces sites s’ils ne sont plus visités ? Google a construit son succès là-dessus mais avec une logique de renvois vers les sites sources. Il y a donc ici un modèle économique à imaginer et à construire pour ces nouvelles plateformes.
En tant qu’acteurs publics, quelles sont nos marges de manœuvre ? Comme pour les réseaux sociaux, dont nous ne sommes que de simples locataires, contraints d’accepter des modes de fonctionnement que nous ne maîtrisons pas, il est sage de ne pas mettre toutes ses billes dans le même sac.
En tant que communicants, nous devons multiplier les canaux d’interactions et d’informations avec nos usagers, développer des services plus personnalisés, garantir la fiabilité de nos informations et développer des espaces propices au débat public. On en reparle dans huit ans ?
Illustration générée avec Adobe Firefly.