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Cinq questionnements pour vous convier à accompagner la transition écologique

Publié le : 22 juin 2023 à 07:14
Dernière mise à jour : 22 juin 2023 à 12:19
Par Bernard Deljarrie

L’étude « Publicité, communication et transition écologique : comment agir sur le terrain territorial » nous permet de mieux cerner les raisons qui devraient inciter tous les communicants publics à s’engager dans l’accompagnement de la transition écologique.

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La Fabrique écologique a conduit une étude sur la communication responsable, la publicité et la transition écologique dans les communes et les intercommunalités, à laquelle Cap’Com s’est associé. Fondée sur une série d’entretiens de chercheurs comme de praticiens, l’étude de 170 pages contribue à rappeler que le communicant public a les moyens d’accompagner la transition écologique. Elle s’attarde longuement sur le rôle de la publicité et invite les collectivités locales à utiliser tous les leviers dont elles disposent pour la réguler dans l’espace public. Dans la lignée des écrits et analyses de Cap’Com sur la communication publique au service de la transition écologique, observons cette étude à partir de cinq questionnements dont les réponses qu’elle donne invitent les communicants publics à œuvrer en faveur de la transition écologique.

Publicité, communication et transition écologique

L’étude conduite par la Fabrique écologique, fondation pluraliste de l'écologie, a été réalisée en octobre 2022 autour d’une série d’entretiens. L’analyse, sous la plume de Raphaël Quinteau, a été publiée en juin 2023 sous le titre « Publicité, communication et transition écologique : comment agir sur le terrain territorial ». Un travail réalisé avec le soutien de l’Ademe, la Poste, France urbaine, Intercommunalités de France et Cap’Com.

1. Peut-on sortir du récit dominant ?

La tâche n’est pas aisée dans la mesure où le plus souvent, les imaginaires (individuels et collectifs) restent dans les limites de ce qui nous est familier : nos systèmes économiques, sociaux et politiques, l’état des connaissances scientifiques, l’état de la nature et de l’environnement tel que nous le connaissons et dont nous savons cerner la continuité historique. En effet, notamment parce que nous cherchons en permanence (et sans le vouloir) à mettre toutes nos connaissances, croyances et émotions en cohérence, nous avons bien du mal à sortir de nos cadres cognitifs pour imaginer des disruptions ; nous avons aussi beaucoup de mal à partager nos croyances et nos imaginaires avec des personnes qui ne nous ressemblent pas, à sortir de nos communautés de pensée. Alors, pour parvenir à extirper les récits d’un cadre préétabli, y incorporer une part d’utopie pourrait s’avérer utile à partir du moment où ces récits prennent appui sur des réalités concrètes. L’enjeu est donc de partir du réel pour le transformer, en utilisant la fiction.

2. En quoi le communicant public est-il bien placé pour accompagner la transition écologique ?

Le constat est aujourd’hui largement partagé. La transition écologique nécessite de faire émergence de nouveaux récits s’opposant au récit dominant, celui d’un développement économique infini qui se structure autour d’un modèle linéaire et dont l’objectif est une consommation exponentielle dont on mesure les limites. Les collectivités locales disposent de nombreux leviers pour construire ce nouveau récit que peut porter la communication publique et pour contrer la communication commerciale. La communication publique doit donc jouer un nouveau rôle.

Pour favoriser la mise en œuvre de cette démarche, les communicants publics semblent tout désignés. Ils bénéficient d’un double avantage : une certaine proximité avec les différents acteurs locaux qui sont autant de parties prenantes à intégrer dans un travail de mise en récit ; une capacité à manier les outils pour les mettre au service d’une stratégie de communication visant à donner à voir un projet territorial.

Néanmoins, un tel travail ne peut se faire sans réinterroger en profondeur les pratiques actuelles et prendre le chemin d’une communication responsable qui concerne aussi bien le contenu des messages que la manière de les construire, et les supports employés pour les diffuser, le tout dans une recherche d’efficacité.

3. La mise en récits du territoire s’éloigne-t-elle du storytelling publicitaire ?

L’action publique territoriale ne pourra à elle seule relever les défis qui se posent. L’enjeu est de parvenir à un passage à l’échelle nationale, et donc de faire en sorte que l’ensemble de ces acteurs locaux se mettent en mouvement et contribuent activement à cette transition.

Mais force est de constater que ces collectivités peinent à mobiliser. L’un des facteurs explicatifs est un manque de lisibilité dans les projets territoriaux. Les mesures et les politiques publiques se succèdent, mais sans toujours être mises en cohérence, ce qui ne favorise pas l’émergence d’une trajectoire qui s’avère pourtant essentielle pour mobiliser.

Pour parer ce déficit de lisibilité, certaines collectivités se sont engagées dans un processus narratif de mise en récits de leur projet de transition. Leur objectif est de faire des habitants et de l’ensemble des parties prenantes de véritables acteurs et non de simples spectateurs. Il s’agit de dessiner à plusieurs mains les contours d’une trajectoire territoriale de transition. C’est ici que réside la différence majeure entre la mise en récits et le storytelling dont les publicitaires usent abondamment : le récit n’est pas préétabli et décidé de manière unilatérale. Un processus de mise en récits ne fait pas abstraction de la diversité des points de vue, mais permet au contraire de les laisser s’exprimer à travers un cadre propice au dialogue afin de faire émerger une forme de consensus.

4. Ce nouveau récit doit-il être positif ou alarmiste ?

Dans leur grande majorité, les spécialistes prônent un récit positif qui réenchante le monde vécu et rend désirable la transition écologique afin de mobiliser les citoyens. D’autres en revanche émettent un certain nombre de réserves sur cette logique. Parmi les craintes soulevées, il y a le risque que cette forme d’injonction au désirable conduise à une perte de créativité et d’imagination avec des représentations figées de la transition écologique. À l’inverse, certains auteurs défendent une théorie du catastrophisme éclairé qui place la projection de la menace comme préalable à la mise en place d’actions qui la contrent. D’autres défendent l’idée que des émotions négatives, telles qu’un sentiment de colère, auraient un pouvoir tout aussi mobilisateur que les émotions positives. L’enjeu porterait davantage sur la dimension inspirante des récits.

Pour Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste qui est intervenue au Forum Cap’Com, un autre paramètre est à prendre en considération : il s’agit du mécanisme par lequel les êtres humains produisent des stratégies de défense contre le changement. Par conséquent, si la transition écologique est uniquement perçue comme une forme de contrainte impliquant de nombreux renoncements, elle ne serait pas capacitaire et aurait peu de chance de créer une dynamique d’engagement. Parmi les écueils à éviter, la philosophe identifie notamment le manque de clarté et les vérités définitives qui auraient pour conséquences d’entraver la capacité des individus à se projeter et qui renforceraient une forme de déni.

5. Pourquoi faut-il s’attaquer à la publicité ?

Aujourd’hui encore, le récit dominant est porté par la publicité. Son caractère normatif permet de nourrir l’imaginaire du consumérisme comme source d’accomplissement et d’atteinte du bonheur. Dans ce contexte, l’enjeu est donc de rompre avec ce schéma et de faire advenir des récits alternatifs porteurs de normes et valeurs renouvelées et compatibles avec les défis actuels.

Dans l’espace public, les habitants font souvent face à des injonctions contradictoires : une communication municipale les sensibilise à des écogestes, puis, quelques mètres plus loin, une publicité les pousse à acheter un SUV. Pour endiguer ce phénomène, les collectivités territoriales disposent de leviers. Elles peuvent notamment élaborer des règlements locaux de publicité à l’échelle communale (RLP) ou intercommunale (RLPi) afin d’encadrer la publicité, les enseignes et préenseignes sur leur territoire.

Afin de préserver son modèle, la publicité a longtemps relayé ces archétypes en dénigrant indirectement le développement durable (principes, objectifs, conseils, etc.). Le secteur s’est engagé à proscrire cette pratique en 2008. La publicité stigmatise moins la consommation responsable, mais, en l’état, elle reste toujours un frein à la prise de conscience et aux changements de comportements.

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