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Face au privé, stoppons l’extase !

Publié le : 5 juin 2018 à 10:53
Dernière mise à jour : 8 juin 2018 à 09:26
Par Marc Thébault

Longtemps, la communication publique, sans doute complexée, a couru après la communication privée, cherchant à combler ce qui était vu comme un dramatique retard vis-à-vis, notamment, d’une maîtrise estimée meilleure des analyses, des actions menées, ou des techniques employées. Mais en toute chose, on peut trouver du positif : et si ce fameux retard permettait au secteur public d’éviter de refaire et les mêmes erreurs, donc de gagner temps et efficacité ?

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Par Marc Thébault

Plus qu’intéressé par le marketing territorial, j’ai d’abord voulu y voir l’opportunité d’être initié, peut-être être inspiré, au marketing tout court, histoire également de ne pas réduire ce nouveau champ professionnel à la seule promotion publicitaire. Et, bien sûr, c’est le privé qui m’a tout appris.

Il est de même pour le web et les réseaux sociaux, où les défricheurs du secteur marchand ont, à l’évidence et à l’aide de sacrées machettes, tracé de nouveaux sentiers que le secteur public n’avait plus qu’à emprunter, toute proposition gardée quant aux moyens (humains, financiers, techniques, etc …) mobilisés face à ceux du privé. Comme le dirait (« disait » ?) Franck Confino, les collectivités ont, enfin, les mêmes outils à disposition que Coca-Cola ou Adidas ! Nous sommes donc joie et ravissement !

Pourtant, un récent article de Stratégie (sous ce lien) pointe ce que certains humaient dans l’air : l’infini capacité de l’être humain à déjoué les stratagèmes des marketeurs du numérique ! Sous le titre « Et si le marketing personnalisé ne fonctionnait plus ? », l’article détaille comment, et souvent avec brio, les Français contournent l’hyperpersonnalisation imposée.

La base de l’article, une étude Odoxa pour son Observatoire des comportements de consommation. Quelques chiffres pour comprendre : « Les publicités ou promotions qui « correspondent » aux goûts des consommateurs sont rejetés par 72 % d’entre eux […] 74 % des personnes interrogées n’apprécient pas qu’on les suive en tant que client pour « Une expérience continue entre magasins et digital » […] 65 % n’aiment pas recevoir des newsletters ou des promotions de produits par mail […] ». Note pour plus tard : dernier chiffre à mettre sous le nez de collègues qui souhaiteraient, en 2018, lancer une newsletter car « tout le monde l’a fait » …

Plus drôle : « Fort de cette aversion, les Français n’hésitent pas à trouver toutes sortes de parades, et à mentir éhontément sur internet. 60 % des personnes interrogées donnent de fausses informations aux sites e-commerce. […] 43 % ont déjà donné de fausses informations dans les formulaires, et 29% n'ont pas hésité à donner sciemment une mauvaise adresse mail. […] »

Mais, histoire d’apporter un peu de positif : « Seule dose d’espoir pour le marketing dans ce marasme statistique : le clivage générationnel. On s’aperçoit en effet que l’acceptation des techniques de personnalisation augmente avec la jeunesse. Les 18-24 ans apprécient mieux les différentes pratiques marketing que leurs aînés de 65 ans et plus. Le suivi en tant que client est plébiscité par 39 % des jeunes contre 15 % pour les moins jeunes, la publicité personnalisée à 37 % vs 19 %, et les mailings à 41 % contre 30 %. Autre petit rayon de soleil (mais maigre) : l’origine de ce refus en bloc des techniques de marketing proviendrait davantage du traitement des données personnelles que du marketing en soi. ».

Un vœu maintenant, que la communication publique ne fonce plus tête baissée et béate, derrière le privé, croyant avoir dégoté le Saint-Graal des actions de communication numériques, alors qu’il serait déjà trop tard pour se lancer dans le copier-coller extatique. Mieux, et si la communication publique inspirait, par des initiatives plus sereines, plus douces, plus humaines, à son tour le privé, lui montrant la voie de la construction de relations numériques transparentes, utiles pour les deux parties et librement consenties ? Il faut en effet rappeler que si nous avons face à nous des contribuables, des administrés, des usagers de nos services publics, et parfois des citoyens, tous ceux-ci ne sont jamais de simples « consommateurs », et améliorer ou enrichir la fameuse « relation-citoyen » ne veut pas dire calquer avec empressement la « relation-client » chère au privé. Surtout lorsque celle-ci montre ses limites.