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Les 5 mutations des relations presse

Publié le : 21 mai 2018 à 15:46
Dernière mise à jour : 3 avril 2019 à 09:12
Par Marc Thébault

Vous savez quoi ? Je viens d’envoyer mon ultime communiqué de presse. Attention, n’en déduisez pas hâtivement que j’arrête les relations presse. Je vais bien sûr continuer à en faire. La seule différence, c’est que désormais je les … ubérise. Une 5ème transformation de nos relations presse ? Souvenez-vous, nos méthodes, supports et habitudes en termes de relations avec la presse ont déjà connu au moins 4 grandes mutations. Et, donc, une 5ème est en cours …

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Par Marc Thébault

  1. D’abord, nous avons connu la fin de la mise sous enveloppe de nos invitations ou autres communiqués et dossiers de presse. Malgré le parfum de Taylorisme, cette ambiance si conviviale, à mi-chemin entre le déménagement entre potes et l’usine asiatique de textile, nous laisse un rien de nostalgie. Et puis il a fallu trouver autre chose pour occuper nos stagiaires, si agiles qu’ils étaient pourtant dans le collage d’étiquettes à la chaine !
  2. Ensuite, nous avons assisté à la mort de l’usage de la télécopieuse, au profit du courriel. Là encore, un peu de regret, surtout quand il fallait changer les rouleaux de papiers thermiques et tenter de programmer un envoi en nombre en écoutant le doux bruit de la connexion téléphonique.
  3. Puis, 3ème mutation, la disparition de l’envoi de nos dossiers par courriel, lorsque l’on a enfin compris que, non, décidemment, on ne spamme pas la boîte aux lettres électroniques des journalistes avec des pièces jointes de 20 M° ou plus. On venait de se rendre compte de l’invention des liens hypertextes et on s’est dit que c’était drôlement pratique de proposer à nos destinataires de cliquer pour télécharger, depuis notre site, toutes les informations et les illustrations. Détail : cela génère aussi du trafic vers le site, merci pour la hausse de nos statistiques ! Et nos collègues des systèmes d’informations ont également apprécié cette libération de la bande passante, car, effectivement, 20 M° envoyés à une base de 150 contacts, ça peut mettre du mou dans la corde à nœud.
  4. Et après le courriel, arriva le tweet ! L’obsolescence est vraiment le mal du siècle : nous avions mis des mois pour construire une basse presse relativement à jour avec toutes les bonnes adresses de courriels ? On a tout jeté pour renseigner, désormais, la colonne « Comptes Twitter ». En réalité, on n’a rien jeté, on a ajouté une colonne, conservateur que l’on est (d’ailleurs a-t-on supprimé la colonne « N° Fax » ?). Aujourd’hui, c’est par les réseaux sociaux que l’on interpelle la presse, à grands renforts de MP (ou « DM », c’est pareil), tags et autres indentifications de personnes dans les photos publiées.
  5. Désormais, place aux médias, autoproclamés la plupart du temps, mais néanmoins reconnus comme tel par les annonceurs. Donc, 4 grandes mutations déjà. On pouvait alors s’estimer aptes à souffler un peu et à, enfin, compter sur des usages pérennes ? Que nenni ! Nous avons tous fait ce constat : il n’y a pas que la presse traditionnelle et officielle qu’il convient de toucher, il y a désormais les « influenceurs » ! Ainsi, notre fichier presse est-il élargi à ces relais d’informations auto-désignés. Nous l’avions déjà complété par les medias exclusivement en ligne (les « pure player »), puis par tous ces sites d’informations qui prolifèrent, les pires ne faisant que de vagues et maladroites compilations d’infos officielles, les meilleurs étant volontiers centrés sur un intérêt particulier en proposant des informations pointues, très ciblées, bien renseignées et diffusées au fil de l’eau sans délai d’impression ou d’impératifs de conférence de rédaction et avec une audience qui peut atteindre les 7 chiffres ! Et aux côtés de ces sites, les blogs territoriocentrés qui ont débarqué à grand pas. Comment alors ne pas prendre en compte ces nouveaux réseaux de diffusion, à l’influence plus que certaine et sur un public captif et passionné ? Principalement ceux qui se positionnent clairement comme des vitrines positives de leur territoire. Note : on mettra de côté les blogs militants, au seul service de figures de la majorité ou de l’opposition locales et on écartera, évidemment, les corbeaux 2.0 et autres délateurs anonymes.

Ce qui est compliqué maintenant, vous vous en doutez, c’est de devoir faire le tri entre bon grain et ivraie, et je ne parle même pas d’un minimum de vérification pour savoir si, pour des raisons x, l’auteur(e) du blog ne serait pas, par hasard, un tant soit peu blacklisté dans nos collectivités : on ne connait pas toujours toutes les méandres des arcanes des pouvoirs locaux et de leurs réseaux, c’est mieux de se renseigner avant. Plus sérieusement, il est à peu près clair que les médias dits traditionnels ne sont plus nos seuls interlocuteurs. Ils conservent, certes, prestige et légitimité. Toutefois, ils ont désormais face à eux des initiatives de toutes sortes, gratuites d’accès la plupart du temps et qui, même en n’offrant pas de garanties particulières quant à leur sérieux ou leur professionnalisme (ou leurs motivations réelles) - et bien qu’étant parfois anonymes -,bénéficient d’un impact fort, de taux d’audience indiscutables et d’une maîtrise experte de la communication numérique multicanaux. Ces nouveaux canaux d’informations sont aussi de précieux outils d’écoute du terrain. On peut donc causer et échanger aussi avec eux. On peut compter sur eux pour qu’ils propagent nos infos et on peut écouter ce qu’ils entendent.

Ces nouveaux canaux d’informations sont aussi de précieux outils d’écoute du terrain. On peut donc causer et échanger aussi avec eux. On peut compter sur eux pour qu’ils propagent nos infos et on peut écouter ce qu’ils entendent.

Nous avons donc pris l’habitude, dans notre monde actuel, de voir tout en double. Pour le dire autrement, de composer, en plus des structures officielles, avec des initiatives moins formelles, souvent spontanées, venant de la société civile et proposant une efficacité parfois supérieure et des résultats qui le sont tout autant. Le tout, dans une ambiance nettement plus détendue. En tous les cas assez éloignée de la notabilisation, de fait, des acteurs locaux. On a voulu créer des clubs d’ambassadeurs ? Mais il existe aussi les greeters qui, mine de rien, sont dans un réseau à portée mondiale. On mène des actions en développement économique et en immobilier d’entreprise en construisant des milliers de mètres carrés neufs ? On oublie une propension vers l’hébergement alternatif et porteur de mémoire, les tiers-lieux en particulier.

Alors, cette 5ème mutation sonne-t-elle le glas des relations presse ? Evidemment non. Nos PQN, PQR, PHN, PHR et autres ont encore une place incontournable et, c’est heureux, pour longtemps. En réalité, ce qui change surtout, c’est élargissement indispensable de nos actions et de nos cibles. Beaucoup de marques du secteur privé l’ont compris en traitant sur un pied d’égalité (et parfois nettement mieux ces « néomédias ») les journalistes et les blogueurs et blogueuses tendance. Idem pour les professionnels du tourisme qui ménagent, avec ou à côté des « voyages presse » à l’ancienne, des invitations « spéciales blogs ». Il y a même des salons de blogueurs orientés vers le tourisme et les voyages : https://www.salonblogueursvoyage.fr/. Et que dire des évènements culturels qui habilitent « presse » sans rechigner ces mêmes auteurs comme s’ils avaient une vraie carte de presse. Et puis, ces nouveaux canaux d’informations sont aussi de précieux outils d’écoute du terrain. On peut donc causer et échanger aussi avec eux. On peut compter sur eux pour qu’ils propagent nos infos et on peut écouter ce qu’ils entendent. De quoi sérieusement compléter, hors de sentiers battus et rebattus, notre capacité à être en lien avec notre terrain.

Cela m’amène à penser que, dans nos collectivités, on sait depuis un bon moment jongler entre circuits officiels et radio-moquette, ne serait-ce qu’en termes de communication interne. On sait bien qu’une information s’entend mieux ou prolifère plus vite si elle est lâchée à la cantine plutôt que dans le magazine interne. On avait la vraie machine à café, on a désormais la machine à café 2.0. Et comme chacun est un média en puissance, chacun est susceptible de devenir indispensable à nos desseins. Bon, faudra quand même un jour faire un billet sur la notion de crédibilité des sources en matière d’informations.