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Pages de com : « Apocalypse cognitive » par Gérald Bronner

Publié le : 2 décembre 2021 à 07:18
Dernière mise à jour : 16 décembre 2021 à 16:23
Par Yves Charmont

Quel ouvrage trouver pour clore cette année 2021, à la veille des fêtes ? Sans doute un livre qui résume un peu notre sentiment général, celui d'être lessivés. Et le torrent incessant des images, des publications sur les réseaux sociaux et des sollicitations transmédias n'y est pas pour rien. Un véritable gavage que l'on va sans doute mettre de côté pour d'autres ingestions, mais qui nous attend de pied ferme à l'issue. Gérald Bronner a écrit ce livre en pensant à l'évidence à nous, pauvres communicants, prenons le temps de le feuilleter ensemble.

Bronner n'est pas un optimiste, c'est un lucide qui, selon l'expression d'Antoine Compagnon, ne peut plus être « dupe de la modernité », mais il reconnaît qu'elle s'offre à nous tel un rempart contre le désenchantement. C'est un peu comme Loïc Blondiaux lors de la plénière d'ouverture du Forum Cap'Com de Rennes, ou Régis Debray lors de ses récentes sorties en studio radio, le constat est lourd, d'une grande crudité, sans illusions sur la nature humaine et ses biais cognitifs. « C'est une période à la fois réjouissante intellectuellement et inquiétante du point de vue du citoyen que je suis », dit-il, revenant sur le fameux temps de cerveau disponible qui aurait pu être bien utilisé, mais qui… regardez autour de vous, les écrans affichent à la demande les contenus décérébrés les plus courts et efficaces, avec des chatons.

Gérald Bronner nous oblige à ne pas nous cacher derrière notre petit doigt, non, nos traces numériques parlent pour nous. Et les médias, les journalistes et les créateurs de contenus informatifs, récréatifs ou communicationnels se retrouvent d'un coup allégés d'une responsabilité qui pesait totalement sur eux. Le clic trahit la réalité de la demande.

Ce livre apporte aussi des réponses, et ouvre des pistes (on ne vous aurait pas fait un conseil de lecture aussi plombant juste avant de partir pour un repos bien mérité). On pourra s'amuser du titre de chapitre (p. 288) mensonge privé, vérité publique où l'auteur s'amuse de l'inversion de cette maxime de philosophie politique (par Fabrice Rousselot), « vérité privée, mensonge public » qui devient, « par la puissance de la transparence des données collectives et notre répugnance à reconnaître le caractère discutable de nos préférences : mensonge privé, vérité publique ». Y a pas que des chatons dans l'histoire…

Apocalypse cognitive
Gérald Bronner
PUF
Janvier 2021
396 pages

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