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Séduire les étudiants : le défi du couple université-territoire

Publié le : 15 février 2018 à 12:43
Dernière mise à jour : 23 mars 2018 à 10:23
Par Cap'Com

Aux côtés des établissements d'enseignement supérieur confrontés à un contexte international de plus en plus concurrentiel, les collectivités cherchent, elles aussi, les bons leviers pour attirer les étudiants. Une cible qui peut contribuer fortement à la notoriété et au développement économique de leur territoire. À condition de bien comprendre leurs attentes et leurs habitudes de communication et de construire avec les universités des stratégies communes pour les séduire.

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Derrière chaque étudiant, un jeune à rassurer sur ses choix à chaque étape de son expérience étudiant

Connecté, mobile, adaptable, multitâche, rapidement ennuyé, impatient … un étudiant, c’est avant tout un jeune qu’universités et collectivités doivent comprendre pour pouvoir adapter leur communication, a rappelé Pascale Ezan, professeure et vice-présidente en charge de la recherche à l’Université Le Havre Normandie lors du dernier Forum Cap’Com. En quête de repères identitaires, abordant une nouvelle vie parfois dans une nouvelle ville et en accédant à l’autonomie, ce jeune est confronté aux incertitudes concernant son avenir, et à la pression de la réussite. Pour la chercheuse, il faut « rassurer l’étudiant sur ses choix » à chaque étape de son expérience de formation :

  • capitaliser sur l'identité territoriale en phase d’anticipation : l’image de la ville est déterminante pour le choix de l’étudiant en devenir. Il doit s’imaginer faire ses études dans une ville avec une forte image attrayante.
  • informer et rassurer en phase de validation : le jeune doit être attiré par la ville lorsqu’il vient la voir sur place (offre culturelle, festive). Il doit en repartir avec une brochure, une plaquette.
  • impliquer pendant le cœur de l’expérience : le jeune est alors étudiant, il doit être acteur de ses études. Il faut l’impliquer dans des projets, « capitaliser l’expérience en créant des liens ».
  • laisser faire ensuite : il doit ressortir du positif de l’expérience de l’étudiant. Il deviendra ainsi un ambassadeur de la ville en parlant de ses souvenirs.

Un parcours qui fait écho aux deux préoccupations majeures que devraient garder en tête les marketeurs territoriaux, selon Vincent Gollain, directeur du département économie de l'IAU Île-de-France : améliorer la valeur perçue du territoire (par exemple organiser une visite du territoire pour les étudiants), et intensifier l’expérience vécue (sur le site web, les réseaux sociaux en amont de la visite).

Connaître les attentes des étudiants pour investir les bons canaux

« Auparavant, il fallait faire une brochure et aller sur un salon » ont expliqué Vincent Gollain et Marine Triomphe, directrice des relations extérieures de l'ESDES aux 5e Rencontres communication et marketing territorial à Lyon le 12 février dernier. « De plus en plus, la connaissance de l’offre de formation par les étudiants passe par internet. » Selon une étude de Kantar Presse sur l’image et l’attractivité de la France pour les étudiants étrangers, le web et les réseaux sociaux sont les premiers outils utilisés par ces derniers pour se renseigner, devant le bouche à oreille, les réseaux (personnels, inter-universitaires, etc.), l’écosystème des acteurs (campus France, enseignants, presse, cabinet de conseil, etc.), et les salons spécialisés.

La prégnance des réseaux sociaux et du bouche à oreille est confirmée par une étude internationale sur les facteurs de décision des étudiants étrangers, qui pointe également deux autres leviers : la qualité des stratégies et outils de marketing et de communication, et l’attractivité de la destination (territoire et établissement d’enseignement).

Renforcer la symbiose université-territoire

Pour Claire Laval-Jocteur, présidente de l'Arces (l'association des communicants de l'enseignement supérieur) et responsable de la stratégie digitale de la Sorbonne, il faut diversifier les dispositifs utilisés et « élargir le regard ». Une stratégie de communication tournée vers les étudiants est efficace si elle est co-créée et co-construite entre les territoires et les universités voulant les accueillir. La loi sur l’autonomie des universités a été un accélérateur puissant de l’ancrage local de celles-ci, rappelle-elle. Universités et territoires doivent co-construire ensemble afin de créer une culture, une identité commune.

Cela peut passer par des initiatives événementielles conjointes : lors des rentrées universitaires d’Avignon, les étudiants sont accueillis à la mairie ou encore à Strasbourg avec la carte pass culture qui permet aux étudiants d’avoir des subventions pour le cinéma, le théâtre. Depuis plusieurs années, Troyes Champagne Métropole organise Les Clés de Troyes, un évènement d'accueil qui permet aux étudiants de découvrir le territoire, ses services et ses animations de manière ludique, à travers un raid urbain, des soirées et une journée culturelle et de créer le sentiment d’appartenance à une communauté d’étudiants et à un territoire dynamique. Des initiatives numériques existent également comme à Avignon toujours, où les étudiants disposent d’une application « Ville Campus », d’une série Youtube « Choisir Avignon » ainsi qu’un système de ruches à projets avec les acteurs du territoire.

Plus simplement, ce maillage territoire-université peut se traduire par un renvoi systématique de l’un vers l’autre depuis les espaces internet de chacun. Le site d’OnlyLyon dispose par exemple d’un menu "Étudier", quand le site de l’UCly (Université Catholique de Lyon) propose un menu "Lyon et sa région". Une pratique quasi-systématique dans les autres pays comme à Amsterdam ou Newcastle. « Les territoires étrangers vont de plus en plus développer des discours à destination des étudiants pour ceux qui arrivent sur les sites touristiques » ajoute Vincent Gollain.

Au niveau international, les concurrents de l’offre d’enseignement supérieur jouent collectif depuis longtemps, et innovent. Le développement des conciergeries territoriales à destination des étudiants en témoigne. Ce modèle (payant) qui fonctionne dans certains pays, répond aux contraintes logistiques importantes pour les étudiants étrangers en investissant le monde de la simplification de la relation entre un territoire et un public. « Cela suppose d’assembler des établissements avec des collectivités territoriales, des bailleurs sociaux voire des banques, et de trouver un modèle économique. » Penser collaboratif et sortir des schémas habituels, la ritournelle à laquelle les collectivités et les universités qui ne sont pas encore entrées dans la danse vont bien devoir céder pour ne pas se retrouver hors jeu.