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La communication en période électorale tire les leçons des municipales

Publié le : 4 mars 2021 à 07:11
Dernière mise à jour : 16 mars 2021 à 20:25
Par Rolande Placidi

Les communicants publics se doivent d'être vigilants à l'approche des élections régionales et départementales de juin prochain. L'examen des contentieux, suite aux élections municipales de 2020, apporte de précieux enseignements sur les points d'attention de la communication en cette période électorale.

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Par Rolande Placidi, avocate au barreau de Strasbourg, intervenante pour Cap'Com en droit électoral et droit de la communication.

Initialement programmé en mars 2021, le renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique a été reporté en juin 2021 par la loi du 22 février 2021. Ce report est lié aux risques sanitaires dus à l’épidémie de covid-19.
Malgré le report des élections, la période pendant laquelle s'appliquent les interdictions prévues au troisième alinéa de l'article L. 51 et à l'article L. 52-1 du Code électoral, qui commence le 1er septembre 2020, est prorogée jusqu'à la date du tour de scrutin où chaque élection est acquise. Il n’y a donc pas de suspension des règles qui s’appliquent en la matière.

Les 8 postures du communicant zen en période électorale

Les communicants des départements et des régions se doivent d'être vigilants jusqu'aux scrutins. L'examen des contentieux suite aux élections municipales de 2020 peut leur apporter de précieux enseignements et attirer leur attention sur les points à garder en tête.

Les enseignements à tirer des contentieux municipaux

Pas de diffusion tardive de tracts dans les boîtes aux lettres et sur les réseaux sociaux

Une élection municipale a ainsi été annulée (cinq voix d’écart entre les deux listes) pour les raisons suivantes : « Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté qu'un tract, présenté par la liste “A…”, a été très largement diffusé dans les boîtes aux lettres de la commune, le vendredi 13 mars 2020 entre 19 h 30 et 22 h 30. La diffusion de ce tract a par ailleurs été relayée au cours de cette même soirée, aux environs de 20 h 30, sur la page Facebook de la liste “A…”, ainsi que sur le profil Facebook personnel de Mme L., colistière sur cette même liste, et sur la page “Tu es de (nom de la commune) si...”, groupe public, comportant environ 583 membres. »

Compte tenu du très faible écart de voix entre les deux listes en présence, la distribution du tract et sa diffusion sur un réseau social ont été de nature à altérer les résultats du scrutin.

Pas d’accusation sans preuve sur les réseaux sociaux

« Il résulte de l'instruction que l’une des colistières de la liste (nom de la liste), conduite par M. D., a publié, le 12 mars 2020, sur sa page personnelle Facebook, un message insinuant que les membres de la liste conduite par M. G. et lui-même s'étaient livrés à plusieurs reprises à des actes d'intimidation, en dernier lieu à l'égard de sa mère. Aucun élément versé aux débats ne vient corroborer la matérialité des comportements imputés, par cette colistière, à M. G. et aux candidats de la liste qu'il conduisait. Par conséquent ces propos doivent être considérés comme diffamatoires et mensongers. Il résulte également de l'instruction que cette publication a donné lieu à de nombreux commentaires dénonçant les actes d'intimidation dont certains, par leurs termes violents, ont excédé les limites de la polémique électorale. Il n'est pas sérieusement contesté que la page Facebook sur laquelle a été diffusé le message avait un statut “public”. Il apparaît enfin que ce message a suscité l'approbation de 101 personnes, a fait l'objet de 53 commentaires de soutien. Eu égard au retentissement et à la nature de ces accusations, auxquelles M. G. ne pouvait utilement répondre avant la fin de la campagne électorale, cette publication présente le caractère d'une manœuvre qui, destinée à dissuader les électeurs indécis d'orienter leur suffrage en faveur de la liste conduite par M. G., a été de nature, compte tenu de l'écart de cinq voix séparant la liste conduite par M. G. et celle conduite par M. D., à altérer la sincérité du scrutin. »

Pas de modification du format d’une fête traditionnelle

« Il résulte de l'instruction que, traditionnellement, un marché de Noël est organisé, durant l'un des week-ends du mois de décembre, sur la place de l'Église de la commune de (nom de la commune). Cet événement financé par la commune est, depuis l'année 2017, organisé par la municipalité et le centre communal d'action sociale et l'union commerciale de la commune, dont M. C. est le président depuis le mois de mars 2017. Il résulte de l'instruction que les éditions 2017 et 2018 du marché de Noël comprenaient une vingtaine de chalets avec des exposants ainsi que de multiples activités, tels une patinoire, une tyrolienne ou un igloo géant. Il est constant qu'à l'occasion de l'édition 2019 de cet événement a été organisé, pour la première fois, un feu d'artifice dans le cadre d'un conte pyromélodique sur le thème de Noël. Il est également constant que ce feu d'artifice, et plus généralement le marché de Noël 2019, a connu un franc succès auprès du public et qu'une importante fréquentation a été observée lors de ce spectacle, ainsi que l'a notamment relayé la presse locale. Si M. C. soutient que ce feu d'artifice constitue l'“animation particulière” du marché de Noël 2019, tout comme l'igloo géant et la patinoire constituaient les animations des éditions 2017 et 2018, il résulte toutefois de l'instruction qu'une patinoire avait également été mise en place en l'année 2019. L'organisation d'un feu d'artifice présente, dans ces conditions, un caractère inhabituel en ce qu'il ne s'inscrit pas dans une tradition établie de la commune. En outre, il résulte de l'instruction que M. C. a utilisé la photographie de la mairie décorée à l'occasion du marché de Noël 2019 dans le cadre de sa campagne électorale, que les fiches de présentation de ses colistiers le présentent comme l'organisateur du marché de Noël et que le tract de sa liste reprend un témoignage du maire sortant décrivant très favorablement les actions du candidat, et notamment l'organisation du marché de Noël. »

Deux autres irrégularités ayant été constatées par le juge de l’élection, ce dernier a annulé les élections municipales et communautaires compte tenu du très faible écart de voix entre les deux listes concurrentes, soit 19 voix sur 2 119 suffrages exprimés.

Le juge de l’élection a également sanctionné la gratuité exceptionnelle d’une manifestation traditionnelle. « Contrairement à ce que soutient le maire en défense, le thé dansant annuel qui s'est déroulé dans la salle des fêtes de (nom de la commune) le 19 février 2020 a été organisé, non par une association privée, mais par la commune, comme en attestent notamment les mentions du prospectus faisant la publicité de cet événement. M. … soutient en outre, sans être contredit, que, contrairement à l'usage, l'entrée du thé dansant était gratuite cette année, gratuité soulignée par les documents faisant la publicité de cette manifestation. Une telle circonstance confère à cette manifestation, organisée à une date proche du scrutin et qui a connu, selon les termes mêmes d'un message public de M. … publié le 19 février 2020 et qu'il produit en défense, “une belle affluence”, le caractère d'une opération destinée à influencer les électeurs. Elle constitue en outre une libéralité consentie par une personne morale de droit public à la liste conduite par le maire sortant, en violation des dispositions de l'article L. 52-8 du Code électoral, ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin. »

Une autre irrégularité ayant été constatée par le juge de l’élection, ce dernier a annulé les élections municipales et communautaires compte tenu du très faible écart de voix (17 voix) entre les deux listes concurrentes.

Pas d’organisation d’inauguration si le chantier est encore en cours

« Il résulte de l'instruction qu'au cours du mois de février 2020, la livraison d'une vingtaine de maisons d'un nouveau quartier en construction a donné lieu à une cérémonie d'inauguration organisée par l'investisseur privé de ce projet immobilier. À cette occasion, M. …, invité par l'organisateur en sa qualité de maire de la commune, s'est exprimé publiquement dans les termes suivants : “En 2014, les autorités refusent que soient construits des logements dans une zone pourtant entourée de maisons. La pugnacité de la ville et de ses partenaires a payé.” Alors qu'il n'est pas contesté que le quartier était encore en travaux sur plus de 70 % de sa superficie, cette manifestation publique, qui n'était pas justifiée par l'achèvement d'une étape significative de l'opération immobilière en cause, a ainsi été l'occasion d'une expression politique en relation directe avec la campagne électorale qui témoigne de la volonté particulière d'influencer les électeurs à une date proche du scrutin. (…) Dès lors, l'inauguration en litige, relayée par voie de presse, doit être assimilée à une campagne de promotion publicitaire relevant de l'interdiction prévue par les dispositions précitées du second alinéa de l'article L. 52-1 du Code électoral. »

Les points de vigilance pour les communicants publics

Plusieurs points d'attention pour la communication en période électorale peuvent être tirés de ces quelques exemples jurisprudentiels et des dispositions prévues dans la loi de report des élections.

  • Antériorité, périodicité, identité et neutralité du contenu des actions de communication

Premier point, les communicants publics chargés de la communication institutionnelle devront garder à l’esprit que les dispositions de l’article L. 52-1 alinéa 2 et L. 52-8 alinéa 2 du Code électoral s’appliquent bien depuis le 1er septembre 2020 et ce jusqu’à la date où le scrutin est acquis. Il n’y a pas de suspension de l’application de ces règles dans le cadre de la période de risques sanitaires liés à l’épidémie de covid-19.
En conséquence, les communicants publics veilleront à respecter scrupuleusement les critères d’antériorité, de périodicité, d’identité du support et de neutralité du contenu des actions de communication.

  • Communication sur le vote du budget 2021

Deuxième point, la loi permettant un report de l’adoption du budget 2021 et du vote du compte administratif 2020, les exécutifs se garderont bien d’utiliser ces moments forts de la vie des assemblées locales pour exposer, avant les scrutins des 13 et 20 juin, le bilan ou les projets pour la mandature à venir. Si le choix est établi d’adopter le budget pendant la période électorale, il conviendra que les magazines institutionnels se conforment strictement à ce qui a été produit les années passées : même support, même présentation, même format et surtout un contenu informatif, général et dénué de caractère polémique ou partisan.

  • Promotion des aides accordées aux acteurs du territoire pour passer la crise

Troisième point, la période de risques sanitaires liés à l’épidémie de covid-19 n’autoriserait pas par exemple la création d’une plaquette bilan pour rappeler tout ce que la collectivité a effectué pour les différents acteurs du territoire. À ce sujet, on précisera que la loi NOTRe n° 2015-991 du 7 août 2015 a supprimé la clause de compétence générale des départements et des régions et a organisé une nouvelle répartition des responsabilités en matière d’aides aux entreprises. Ainsi certains préfets ont saisi les juridictions administratives afin de suspendre les délibérations de départements intervenant hors de leur champ de compétences (TA, 15 juin 2020, req. n° 2000896).
Pendant cette période, la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités et le ministre chargé des Collectivités territoriales ont adressé aux préfets une circulaire rappelant que : « En dehors du droit des aides aux entreprises dont le contour est clairement défini, un département peut apporter des soutiens à des personnes physiques, dans son champ de compétence, notamment pour prévenir ou prendre en charge des situations de fragilité. Il peut par exemple apporter des secours d'urgence aux personnes en situation de fragilité économique ou sociale dans le cadre de sa compétence d'action sociale. Ces aides ne peuvent être dédiées à un public spécifique que sur un fondement lié à la situation sociale et financière objective et ne doivent donc pas être un moyen de contourner l'interdiction d'aide directe à une entreprise. Il peut subventionner les associations qui n'exercent pas une activité économique dès lors que l'activité de celles-ci correspond à son domaine de compétence » (circulaire du 5 mai 2020 aux préfets).

Pendant la période électorale, il est donc possible de créer une aide pour prévenir ou prendre en charge des situations de fragilité pour des publics spécifiques, dans le respect des compétences de chaque collectivité. Il faut cependant que la création de cette aide soit d’une part justifiée et réponde d’autre part à un intérêt départemental ou régional (selon la collectivité).

Toutefois, en période électorale, l’institution d’une aide par une commune pourra être regardée comme constitutive d’une pression sur les électeurs si elle n’est pas justifiée par les besoins de la population, si elle est attribuée de manière discriminatoire ou si elle est accompagnée de consignes de vote ou autres pressions indirectes.

  • Présence de la collectivité sur de nouveaux outils ou réseaux sociaux

Quatrième point, la création de nouveaux outils de communication, en particulier la présence des collectivités sur des réseaux sociaux en vogue, est déconseillée en période électorale, c’est-à-dire depuis le 1er septembre 2020.

Les points de vigilance pour les candidats

Les candidats (binômes et colistiers) veilleront à ne rien publier sur les réseaux sociaux le vendredi 11 juin 2021 à partir de 23 h 58 et le vendredi 18 juin 2021 à partir de 23 h 58.
De même, les candidats s’abstiendront de diffuser des arguments nouveaux de campagne à une date telle que leurs adversaires ne puissent y répondre.

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