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La faible pertinence des éditos des maires dans la presse municipale

Publié le : 12 février 2020 à 21:36
Dernière mise à jour : 15 avril 2020 à 18:17
Par Bernard Deljarrie

Une étude réalisée par les étudiants du master de communication de l’université Bordeaux-Montaigne s’est attachée à l’analyse des éditos des maires dans la presse municipale. Comment ont-ils reflété le mouvement des gilets jaunes qui manifestaient sur leur territoire ? Cette analyse conduit à porter un regard sur cette page traditionnelle de la presse municipale, expression importante du premier magistrat de la commune et pourtant souvent peu engageante.

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À quoi servent donc les éditos des maires dans les journaux municipaux ? Bien évidemment, ces derniers mois, en raison des restrictions sur la communication en période électorale, les éditos ont souffert. Certains maires les abandonnant purement et simplement comme si le lecteur y attachait peu d’importance. D’autres ont été des virtuoses du contrôle des textes pour bannir tout ce qui pourrait, même de loin, faire référence à des enjeux liés aux élections municipales. Mais, dès avril prochain, l’édito reprendra toute sa place. Mais quelle est-elle ?

Lors d’un récent débat au sein de Cap’Com, les dircoms faisaient remarquer que souvent ils étaient peu maîtres de cette page. S’ils soignent l’ensemble du magazine municipal, ils ont rarement la main sur l’édito, qui leur parvient souvent tardivement. Et pour le modifier, le rendre plus lisible, c’est tout un combat. Un simple regard et l’on perçoit les rares éditos qui profitent du savoir-faire des communicants. Sous forme d’interviews, bien illustrés, courts et dynamiques, ils ne détonnent alors pas par rapport à l’ensemble de la publication.

Des éditos à la forme peu engageante

Les jurys du Prix de la presse municipale, organisé par Cap’Com chaque année, s’amusent fréquemment à observer que l’édito est très souvent bien loin d’appliquer les critères d’une page bien construite. Les remarques fusent d’abord sur la mise en page. En premier lieu, sur la photo de l’élu. Une photo d’identité, toujours la même à chaque numéro. Peu de photos en situation, peu de photos liées à l’actualité ou au thème de l’édito. La mise en page de l’édito est souvent des plus simples, constatait, lors d’une dernière édition des Rencontres de la presse territoriale, Didier Rigaud, spécialiste de la presse territoriale. « Le titre est rarement autre que “Édito”. Les intertitres manquent. Les textes sont longs, tout comme les phrases. »

Ce que nous racontent les éditos des maires

Pour aller au-delà de la forme, il faut compter sur un travail universitaire. Les étudiants de première année du master consulting & expertise en communication de l’université Bordeaux-Montaigne ont réalisé, avec Cap’Com, un intéressant travail d’observation. Ils ont analysé, dans les éditos des publications municipales, le traitement qui a été fait du mouvement social des gilets jaunes.
Que constatent les 17 étudiants qui ont réalisé ce travail d’analyse des éditos de l’année 2019 de 41 communes réparties sur le territoire ? Ils révèlent que, dans la quasi-totalité des éditos des maires, les mots gilets jaunes, qui inondaient alors les médias, ne sont jamais utilisés. La plupart du temps, il n’est même jamais fait mention de la crise sociale qui pourtant touchait tout le pays.

Certains éditos, observent-ils, font parfois indirectement référence à la situation sociale d’alors. Ils parlent « de cette période difficile » et de « ces temps incertains ». « Les maires prennent acte de l’actualité sur un mode souvent euphémisé et sur celui du constat, remarque cette étude. Les gilets jaunes ne sont pas localisables et nous pourrions aller jusqu’à dire : ils n’ont pas de lieux, pas de géolocalisation dans les discours des maires. Ils ne sont jamais dans les villes, communes, villages que nous avons étudiés. Ils sont ailleurs et essentiellement ressaisis par un discours déjà établi par ailleurs qui reprend à son compte des universels dits faciles parce que déjà constitués par le croisement des discours médiatiques et/ou politiques. »

Un espace à privilégier pour exprimer une opinion ou prendre une position

« On remarque, poursuivent les étudiants, que ces textes servent avant tout à informer les habitants des nouveautés qui concernent la vie locale : travaux de voirie, infrastructures, réorganisation des classes de l’école municipale. » « On note dans ces éditos beaucoup d’empathie pour les habitants, le maire parle directement de ce qu’il fait pour améliorer la vie de la commune. »

Il en ressort que, très majoritairement, les éditos des maires valorisent l’action publique dans son simple rôle d’aménageur et de gestionnaire d’équipements et de services publics sur un territoire trop souvent idéalisé. Ils apparaissent peu en résonance avec ce que vivent leurs habitants, peu en concordance avec le territoire, privilégiant un vocabulaire peu engagé et policé.

En une période où la défiance touche les élus politiques tout comme l’ensemble des médias, ne faudrait-il pas repenser l’édito du maire ? N’est-il pas là pour exprimer une opinion, pour prendre une position ? Ne devrait-il pas se saisir de l’actualité, replacer l’action municipale au regard des débats nationaux ? Et, sans aucun doute, l’édito étant l’ouverture du journal, il doit dans sa forme inviter à la lecture. Il mérite d’appliquer les règles de l'écriture journalistique et de la mise en page. L’occasion est propice pour une réflexion sur la place de l’édito dans le journal municipal. Les maires issus des élections municipales de mars prochain ne manqueront pas d’aborder cette question avec leur dircom.

Illustration : GrandCelinien (G. A.) / CC BY-SA

Analyse de discours d’éditos de maires autour du traitement du sujet des gilets jaunes

Étude réalisée en novembre 2019, à la demande de Cap’Com, sous la direction de Martine Versel, Maître de Conférences, par les étudiants du Master 1 Consulting et Expert en Communication de l’Université Bordeaux-Montaigne. Analyse de tous les éditos sur la période d’octobre 2018 à mars 2019 dans les journaux municipaux de 41 communes.

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