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La laïcité, c’est aussi notre affaire 

Publié le : 26 octobre 2020 à 07:07
Dernière mise à jour : 29 octobre 2020 à 16:04
Par Alain Doudiès

Comment ne pas mettre sur notre table de communicants la question qui secoue, dramatiquement et profondément, la société française ? Sur notre chemin plaçons donc, non pas d’inaltérables axiomes mais quelques repères. Avec autant de questions que de réponses.

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Par Alain Doudiès, consultant en communication publique, ancien journaliste, membre du Comité de pilotage de Cap’Com.

« Laïcité » : inscrit dans l’article premier de la Constitution, imprimé dans nos cerveaux d’écoliers, martelé dans les discours officiels, le mot nous dépasse de toute sa grandeur. Examinons-le dans sa quotidienneté, à hauteur d’homme… et de femme. Et rappelons que la loi de 1905 est, non pas une loi d’exclusion, mais une loi de liberté, celle de croire et celle de ne pas croire et aussi celle d’exprimer publiquement sa croyance hors des institutions publiques. Voilà qui dessine un vaste espace pour nous qui nous lançons des passerelles entre l’univers public des collectivités et le domaine personnel des habitants.

Devons-nous, dans nos choix éditoriaux, scrupuleusement éviter toute forme, même très implicite, de suspicion à l’égard de l’islam, de méfiance envers les musulmans ? Vous allez me dire oui, je suppose. La loi passe avant la foi. Mais ce principe doit-il, par exemple, nous conduire à ignorer la part que les activités organisées par des organisations religieuses ont dans la vie associative ? Faut-il que nous prenions en compte les disparités culturelles et historiques, dans la fonction, forte, faible ou nulle, donnée à la religion au sein des familles et ainsi à la place respective du privé et du collectif ? Devons-nous considérer, s’ils sont respectueux de la République, les écarts dans le sentiment d’appartenance à la communauté nationale ?

Nous avons l’ambition de parler à la fois à chacun et à tous. Le chemin de crête à suivre est donc étroit, entre un ciblage abusif de nos actions et une indifférence aux différences. Avec l’attention pour les diverses identités de nos concitoyens et l’impératif, pour la communication publique, de produire… du commun, avançons.

Au bout du compte, que vaut notre métier s’il ne contribue pas, avec d’autres, à réduire les fossés ? Usagers pâtissant de la fracture numérique, habitants de quartiers de relégation, oubliés des dérives des médias, citoyens défiants à l’égard des élus : il y a du boulot !

À nous d’amplifier une de nos pratiques : susciter, dans les diverses formes de la communication publique, « l’art de la conversation (1) ». Avec les effets cumulés, dans nos têtes et dans nos existences personnelles et professionnelles, de la crise sanitaire et de la crise économique et sociale, nous vivons un temps d’incertitudes et d’inquiétudes. Elles se renforcent parce que l’obscurantisme nous menace. Gardons donc la farouche conviction que, peut-être plus que jamais, nous pouvons et devons, dans cette pénombre, apporter quelques lumières.


(1) Le politologue Alain Policar écrit : « La conversation transcende les frontières identitaires et elle remplit son rôle ‘’en aidant simplement à s’habituer les uns aux autres”. Elle permet ainsi une éthique de coexistence, laquelle n’exige pas que nous nous comprenions mais seulement que nous nous entendions. » Il cite ainsi le philosophe Kwame Appiah. (Libération, 23 octobre 2020)