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Le micro-marketing ou comment travailler son attractivité de très grande proximité

Publié le : 27 février 2020 à 14:10
Dernière mise à jour : 4 mars 2020 à 21:53
Par Marie Bougeois

Parce que le dispositif Cœur de ville ou le Nouveau Projet de renouvellement urbain replacent la question de l’attractivité de très grande proximité au cœur des enjeux, le micro-marketing propose un périmètre plus resserré pour le marketing territorial : plus concret, plus pragmatique, plus palpable. Suite à son intervention aux Rencontres nationales du marketing et de l'identité des territoires, le 6 février 2020, Marie Bougeois, directrice conseil marketing territorial de l’agence Bastille, nous présente les enjeux, les outils et les tendances fortes des démarches de marketing à l’échelle d’un quartier ou d’une ville moyenne.

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Par Marie Bougeois, directrice conseil marketing territorial de l’agence Bastille.

Du marketing territorial au micro-marketing territorial

Ces dernières années, nous avons vu l’arrivée de plusieurs dispositifs d’envergure : le programme Cœur de ville, le Nouveau Projet national de renouvellement urbain (NPNRU) ou encore, plus récemment, le dispositif « centres-bourgs ». Ces initiatives nationales ont replacé le sujet de l’attractivité (résidentielle, immobilière, commerciale, culturelle, etc.) de très grande proximité au cœur des enjeux. Elles nous invitent à réfléchir à une échelle plus concrète de notre quotidien. Cette échelle, c’est celle d’un quartier, d’un centre-ville, d’une rue ou même d’un ensemble de rues à l’instar de la démarche engagée à Paris sur le Village Popincourt. C’est ce que nous appelons le micro-marketing territorial.

Un périmètre resserré pour un marketing territorial concret, plus pragmatique, plus direct, plus palpable

On le sait, l’échelle régionale est lointaine, la métropole nous paraît froide, distante, parfois abstraite. Difficile de sensibiliser à ces échelles, d’impliquer les acteurs et de les mobiliser. La question à l’échelle d’un quartier se pose différemment. Plus intime, plus proche, le quartier incarne immédiatement des projets, des lieux, nos réseaux directs. En outre, cette échelle se révèle déterminante pour un choix de vie, un choix d’installation de famille ou d’entreprise : l’image est-elle positive ? Les services de proximité et les équipements sont-ils de qualité ? L’ambiance et le sentiment de sécurité sont-ils bons ?

La réappropriation des espaces, un enjeu-clé

Travailler à l’amélioration de l’attractivité de son quartier ou de sa ville, c’est la plupart du temps viser une amélioration de l’image et une meilleure attractivité de ses commerces. La réappropriation de l’espace par les publics endogènes, les habitants notamment, est souvent un enjeu central. Les forces vives (entreprises locales, acteurs culturels, sportifs et associatifs) font le territoire au quotidien, le vivent, l’imaginent… et en sont les premiers bénéficiaires. À Bruxelles, par exemple, la démarche de marketing territorial engagée sur le quartier européen par Visit Brussels et ses nombreux partenaires privés et publics vise à réintégrer le quartier dans sa ville, à en faire un lieu de rencontres pour les Européens et les Bruxellois, et ainsi à faire émerger une image du quartier renouvelée, plus conviviale et positive.

Les facteurs-clés du succès : jouons collectif et faisons preuve de pédagogie

  • Faire preuve de pédagogie auprès des partenaires et des équipes permettra de favoriser l’adhésion dans un contexte où, largement utilisé, le terme « marketing territorial » peut freiner certains, notamment sur la question de la réelle valeur ajoutée d’une telle démarche. On préférera donc parler de « valorisation du quartier », de définition d’un « imaginaire autour du quartier » ou de « construction d’un récit partagé sur l’avenir du quartier/de la ville ».
  • Associer toutes les parties prenantes qui participent à l’attractivité du quartier ou du territoire (service économique, service culture, sport, commerces, com, etc.) et sortir du fonctionnement en silo.
  • Proposer des outils de co-construction adaptés aux enjeux et au fonctionnement local pour associer les forces vives (par exemple : entretiens, micros-trottoirs, focus-groups sur l’identité du quartier, ateliers de travail sur les actions de déploiement, etc.).
  • Identifier les ressources disponibles pour bâtir un plan d’actions réaliste (ressources humaines, financières, matérielles, etc.).

Concrètement, quels outils méthodologiques mobiliser ?

Sur le plan méthodologique, la boîte à outils n’est pas très différente selon qu’on travaille sur du marketing territorial à grande échelle ou sur un périmètre plus resserré. En revanche, à l’échelle d’un quartier ou d’une petite ville, les actions opérationnelles qui découleront du projet seront beaucoup plus concrètes et visibles.

  • Étape 1 – Réaliser un audit et une analyse critique de l’existant. Trop d'actions déjà mises en place passent inaperçues alors qu’elles participent – ou ont vocation à participer – à l’attractivité du quartier (événementiels, animations, dispositifs, etc.). Identifier les « trous dans la raquette », c’est savoir d’où on part, pour mieux définir où on va.
  • Étape 2 – Faire un benchmark pour identifier ce qui est fait et ce qui marche sur d’autres territoires aux problématiques similaires pour nourrir la réflexion et s’enrichir des expériences des autres.
  • Étape 3 – Fixer des objectifs… atteignables sur la base de l’existant et des ressources disponibles.
  • Étape 4 – Déterminer une gouvernance de projet partagée avec tous les acteurs qui participent à l’attractivité du territoire. La « manière de faire » est parfois plus importante que le « faire ».
  • Étape 5 – Définir les publics cibles prioritaires en fonction des objectifs et des enjeux identifiés.
  • Étape 6 – Définir le positionnement pour son territoire, son quartier (fédérateur, transversal, unique, etc.) comme colonne vertébrale de ce qui sera déployé en termes de communication et de développement de l’offre. Y adosser une vision, une promesse, un storytelling.
  • Étape 7 – Élaborer un plan d’actions opérationnelles priorisées comprenant des actions de communication mais aussi des actions ou dispositifs concrets pour renforcer son offre (le marketing territorial, ce n’est pas que de la com !)

Des idées, il y en a beaucoup, mais quels axes de travail privilégier ? Zoom sur les tendances

On identifie quatre grandes tendances dans les démarches de micro-marketing territorial à l’échelle d’un quartier ou d'une ville moyenne.

  • Axe 1 : Les parcours et la scénographie du quartier pour travailler sur l’ambiance et la « mise en vie » des espaces publics. Le travail élaboré par Nantes dans la mise en place de sa ligne verte pour guider les visiteurs dans la découverte du territoire au travers de lieux-clés, d’événements ou d’œuvres est particulièrement réussi, au même titre que le mobilier urbain proposé dans le Museum Quarter de Vienne pour inviter les habitants et visiteurs à investir les espaces et à se les réapproprier.
  • Axe 2 : La nécessaire reconquête des commerces avec de nombreuses actions à déployer (par exemple : la boîte à commerce d’Albertville ou la Fabrique à boutique de Dax pour accompagner les porteurs de projet dans les premiers temps de l’installation de leur commerce, la mise en place de vitrophanies séduisantes et attractives pour précommercialiser les locaux disponibles à Dax, le dispositif Commerce du futur engagé dans la région des Pays-de-la-Loire en partenariat avec la CCI et la CMA pour soutenir les commerces dans leurs actions innovantes, etc.). Sur ce volet, l’implication des acteurs publics est primordiale pour garder la maîtrise d’un développement commercial équilibré et durable.
  • Axe 3 : La convivialité grâce à l’événementiel, avec une question centrale : comment ramener de la convivialité dans un quartier vide ou délaissé ? Il s’agit là de trouver des solutions réalistes pour des territoires moyens ou à faibles ressources. Nous ne cherchons pas ici à lancer des événements de très grande ampleur comme l’ont fait Angoulême, Arles ou Avignon, mais bien à concevoir des opérations plus simples, faciles à mettre en œuvre, qui peuvent néanmoins ramener de la vie et de la convivialité dans un quartier (par exemple : le cas de Châlons-en-Champagne avec Chalons c’est Rock, Garo Rock et Garo Camp, ou Évry et son parcours autour de la lumière).
  • Axe 4 : L’image et la promotion parce que la promotion et le travail sur l’image sont indispensables quelle que soit l’action engagée sur le terrain. Au sein de la Métropole européenne de Lille et dans le cadre du Nouveau Projet national de renouvellement urbain (démarche pilotée par l’agence Bastille), une réflexion sur le récit d’attractivité des quartiers prioritaires de la métropole a été engagée. Elle a permis de dégager des éléments de langage nécessaires à la communication qui accompagnera les actions d’aménagement urbain dans les prochaines années.

Certains peuvent encore se poser la question de la pertinence de travailler à une échelle si réduite ; a-t-on la force de frappe nécessaire ? La valeur ajoutée du marketing territorial n’est-elle pas plutôt dans le collectif et donc dans la logique de coopération territoriale ? Oui et non. L’un n’empêche pas l’autre. Encore une fois, tout dépend des enjeux, des objectifs et des trous dans la raquette qui ont été identifiés…
Au plus proche de notre quotidien, le « micro-markterr » nourrit la dynamique globale grâce à un socle solide parce qu’ancré dans le réel. Il nous offre aussi l’opportunité de véritablement placer la question des usages et des attentes au cœur de la stratégie. Il nous invite à repenser notre approche du marketing territorial en accord avec les grandes tendances sociétales (écologiques, sociales). Et n’observons-nous pas depuis quelque temps et autour de nous une plus grande sensibilité envers ce qui est proche de nous et à notre échelle ? À suivre…

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