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Les devoirs et droits des dircoms publics

Publié le : 21 janvier 2019 à 08:30
Dernière mise à jour : 24 janvier 2019 à 13:45
Par Marc Thébault

Il y a 6 ans, quasiment jour pour jour, je proposais ici même une liste de 10 devoirs et de 10 droits des communicants publics. À leur relecture, quelques années plus tard, j’ai la conviction qu’il n’est pas inutile de les republier, ne serait-ce que pour relancer, entre nous, un débat (c’est d’actualité) sur nos visions de ce métier si particulier. À vos commentaires donc !

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Par Marc Thébault

Préambule : l’ensemble des éléments présentés ci-dessous part du principe que, de manière fondamentale, il s’inscrit dans un cadre professionnel où sont respectées deux obligations. L’obligation déontologique d’une part, c'est-à-dire le respect des chartes de la communication publique, même si elles n’ont pour l’heure rien de coercitif. Le respect du cadre légal d’autre part, posé notamment et au minimum par le Code général des collectivités territoriales et par le Code des marchés publics.

Les 10 devoirs des dircoms publics

1 - Devoir politique

Un dircom public sait dans quel cadre dans lequel il exerce sa fonction. En particulier, il est conscient qu’il travaille dans le secteur public, secteur dirigé par des élus. Un dircom public n’est donc pas exactement un fonctionnaire (ou un contractuel) comme les autres. Son action doit assurer l’explication, la visibilité, le sens et la promotion du projet politique mis en œuvre dans sa collectivité et des élus qui en sont les initiateurs.

2 - Devoir stratégique

Le communicant public doit avoir une vision globale et à moyen ou long terme de son action. Il sera donc en mesure de définir une stratégie. Au service du projet de sa collectivité, elle servira de socle à l’ensemble des opérations menées.

3 - Devoir prospectif

Un minimum de veille et d’analyse sur ce qui est pratiqué dans les collectivités semble indispensable, à la fois pour repérer et s’inspirer de bonnes pratiques, écarter de mauvaises, pour prendre conscience des évolutions et des usages, pour en voir émerger de nouveaux, mais également pour vérifier à partir de quel moment le risque de tomber dans le plagiat ou la pâle copie existe.

4 - Devoir de médiation

Porteur du discours institutionnel, le dircom public se doit d’être un élément de liaison entre sa collectivité et ses diverses cibles. Sa mission n’est pas de trancher entre les différents points de vue, cela est du domaine des élus. Elle est par contre d’établir une médiation (créer les conduites du dialogue et de l’échange) qui fasse chacun se connaisse pour mieux se reconnaître, et de veiller à ce que les liens qu’il a permis de tisser entre les groupes en présence ne se rompent pas.

5 - Devoir de rassembler

Dans le prolongement exact du devoir précédent, le dircom public porte des missions de fédérations, pas de clivage. En communication externe comme en communication interne, sa mission est de bâtir du collectif, de délivrer les codes communs, et de présenter et d’expliquer le sens de ce que signifie, dans le contexte territorial qui est le sien, "vivre et faire ensemble".

6 - Devoir de s’adapter

Le dircom devra adapter au contexte, à l’instant et aux publics les différentes actions prévues, privilégiant alors des réponses uniques plutôt qu’un plaquage artificiel de réponses toutes faites. Par ailleurs, il devra définir les moyens nécessaires à la mise en œuvre de ses projets de manière proportionnée aux capacités de sa collectivité.

7 - Devoir d’être une direction fonctionnelle

La direction de la communication est à classée au sein des directions fonctionnelles de la collectivité, ce qui marque clairement le fait qu’elle soit d’abord au service des autres directions. Par ailleurs, le dircom ne s’appropriera pas indûment les actions menées par d’autres quand il n’aura fait, lui, que de les promouvoir. Partie prenante de l’administration, le dircom tissera des liens permanents avec ses collègues pour avoir une vision globale des opérations menées par et dans sa collectivité et, ensuite, pour planifier, préparer et concevoir les actions de communication nécessaires.

8 – Devoir d’être pédagogue

Le dircom aura en tête d’opérer en toute transparence. À la fois pour éviter d’alimenter suspicions ou méfiance. À la fois pour expliquer, donc apprendre à ses collègues comment mieux travailler avec lui, comment mieux utiliser, à leur service, la communication et ses ressources.

9 - Devoir d’être légitime

Plutôt haut placé dans la hiérarchie, cette position doit être confortée par toute la légitimité que donnera un professionnalisme solide. Parce que ses fonctions vont l’amener à devoir connaître et comprendre les multiples champs d’actions de sa collectivité et parce qu’il doit posséder les fondements des innombrables métiers à mettre en œuvre pour agir efficacement en communication, le dircom à une lourde tâche et de grandes responsabilités. Il devra s’en montrer digne.

10 - Devoir d’être opérationnel

Volontiers théoricien et suffisamment en recul pour avoir en permanence un regard large sur la vie de sa collectivité et de son territoire, le dircom public peut et doit, pour autant, sortir régulièrement du cercle restreint des proches collaborateurs de la direction générale ou du cabinet de sa collectivité et de ses élus, pour aller se confronter à la vraie vie et vérifier l’application et l’impact de ses actions.

Les 10 droits des dircoms publics

1 – Le droit de dire "non"

Un dircom public est doué, normalement, de certaines capacités d’analyse et de réflexion. Ainsi, il doit pouvoir retoquer poliment une commande, ou même ne pas y répondre, s’il estime qu’en l’état elle n’est pas pertinente au regard des termes employés ou des objectifs fixés. Voire, qu’elle n’est pas en lien avec la stratégie globale de communication. Et si la commande impose une démarche ou des supports inadaptés, le dircom est en droit de les réfuter.

2 – Le droit de penser autrement

Un dircom public a le droit de penser différemment de ses employeurs ou de ses collègues. Non pas pour être un contradicteur permanent mais bien pour amener des points de vue originaux, complémentaires et qui ouvrent de nouvelles perspectives.

3 – Le droit d’innover

Un dircom public ne peut se contenter de reproduire simplement les actions ou les supports conçus ou menés par d’autres. Le dircom public a donc le droit de trouver une solution propre, qui sera la plus adaptée à la situation et à ses données, quitte à devoir l’inventer, car elle n’a jamais été réalisée ! Le droit à l’imagination et à la créativité n’est donc jamais loin.

4 – Le droit de faire

Le dircom public peut parfois, non pour contourner les règles légales qui s’imposent à lui mais pour être opérationnel, trouver quelques raccourcis dans les processus internes notamment lorsqu’il s’agit de répondre rapidement à des situations qui nécessitent une certaine réactivité. Et il rendra compte après.

5 – Le droit d’être associé aux projets

Si l’on part du principe que la mission d’un dircom public est d’accompagner, tout au long de leur gestation, les projets publics, on devrait s’attendre à ce qu’il soit associé le plus en amont possible. D’une part, théoriquement chargé d’être à l’écoute de la population, les différents échos qu’il a pu percevoir depuis le terrain peuvent être utiles à partager dès l’origine d’un projet. D’autre part, il doit pouvoir, au cours du processus de conception, mettre en œuvre ses réseaux ou ses outils d’analyse pour recueillir avis et réactions et faire remonter ces éléments indispensables aux prises de décision de ses collègues et/ou de ses élus.

6 – Le droit à l’intuition

Même si un dircom public a le devoir de concevoir une stratégie de communication, il ne doit pas pour autant oublier l’empathie, qui le mettra, un peu plus que certains, en capacité de voir le monde avec les yeux des autres. Surtout, afin d’être plus en phase et plus en capacité de ressentir attentes et besoins.

7 – Le droit à l’erreur

Les sciences de la communication, profondément humaines, ne sont, ni ne peuvent être, des sciences exactes. Le dircom va donc devoir agir en sachant parfaitement qu’il ne maîtrise, en réalité, que peu de choses. Surtout pas le résultat. Il pourra donc se tromper. Et l’assumer devant ses collègues.

8 – Le droit à des délais raisonnables

Le dircom public n’est pas le maillon faible dans la grande chaîne communicante de sa collectivité, il est le dernier. Grosse nuance ! Pour autant, rien ne doit pouvoir l’obliger à vivre perpétuellement selon le bon vouloir et l’agenda de ses collègues ou supérieurs. Définitivement, son temps n’est pas moins précieux que le leur.

9 – Le droit à l’autonomie

Un dircom public sait qu’il ne peut agir entièrement à sa guise, sans soumettre à validation ses projets ni sans rendre compte des résultats. Néanmoins, une fois les grands objectifs validés par qui de droit, la mise en œuvre doit pouvoir se faire sans demandes incessantes d’accords. Loin d’être un simple exécutant, un dircom public doit pouvoir choisir seul, avec une réelle marge de manœuvre, parmi la gamme d’outils à sa disposition, ceux qui lui sembleront les plus pertinents face à chaque mission. Ou ceux qui seront à inventer de toutes pièces.

10 – Le droit de ne pas tout savoir

N’est-il pas temps de plaider pour le droit de ne pas tout savoir, malgré ces mots qui reviennent sans cesse lorsqu’on interpelle un dircom : « Vous qui êtes un spécialiste de la communication... » ? Détail : ce n’est pas la marque d’une tare, c’est plutôt le signe d’une certaine humilité clairvoyante.