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Naming et cession du nom : comme à Vendôme, un patrimoine mis à l’encan

Publié le : 18 février 2021 à 07:07
Dernière mise à jour : 18 février 2021 à 13:01
Par Alain Doudiès

Autour des noms et des biens des collectivités, des intérêts contradictoires se positionnent. La frontière entre domaine public et territoire privé s’efface.

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Par Alain Doudiès, consultant en communication publique, ancien journaliste, membre du Comité de pilotage de Cap’Com.

La ville de Vendôme a cédé à Louis Vuitton, filiale du groupe LVMH, l’usage de son nom pour la joaillerie (classe 14 de l’Institut national de la propriété industrielle). Une affaire pour cette commune de 17 000 habitants ? Tu parles ! Un apport de 10 000 euros, en tout et pour tout. En revanche, belle opération pour Louis Vuitton Moët Hennessy, avec, face aux 25 millions d’euros de budget de Vendôme, ses 44 milliards d’euros de ventes et ses 4,7 milliards de résultat net.

En 2020, le leader mondial du luxe a manifesté « une bonne résistance face à la crise pandémique », affirme le communiqué officiel. Nous voilà rassurés… sauf si l’on considère cette transaction comme la dilapidation par Vendôme d’une partie des bijoux de famille au profit du marchand de bijoux haut de gamme. Le maire évoque une autre contrepartie : un atelier LVMH en construction avec « 500 emplois créés, à court et moyen terme », sans que l’on sache le contenu et la solidité de l’engagement de la multinationale. L’affaire prend un tour cocasse lorsqu’on découvre que la marque… de la ville est « Bien plus qu’une place ». Télescopage d’images entre le haut lieu parisien du luxe et la ville moyenne du Loir-et-Cher.

Confusion entre le domaine public et le territoire privé

« Vices privés, vertus publiques » ? Ne soyons pas caricaturaux. Mais une question surgit lorsqu’on constate le phénomène croissant du naming : une marque déployée sur un équipement public, voulu par une institution publique, réalisé avec des financements publics. D’où des économies dans la gestion du bâtiment, certes. Mais la bannière de la communication de la collectivité est ainsi quelque peu mise en berne. Plus fondamentalement, dans l’entretien de la confusion entre le domaine public et le territoire privé, où est l’intérêt général ? L’attention légitime qu’élus et contribuables portent à la rigueur budgétaire autorise-t-elle, pour recourir à quelques subsides, cet effacement de la frontière ? N’est-ce pas une partie du patrimoine collectif qui est ainsi bradée ?

Les optimistes rétorqueront : « Ça va, tant qu’on n’installe pas, au-dessus de ce grand lieu de passage qu’est la mairie, une énorme enseigne Carrefour. »