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« À nous d’inventer de nouvelles formes d’interactions avec les publics »

Publié le : 28 octobre 2021 à 12:31
Dernière mise à jour : 4 novembre 2021 à 15:52
Par Nastassja Korichi

Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes de Radio France est cette année la présidente du jury du 33e Grand Prix Cap’Com. Elle nous livre son regard avisé sur le rôle de la communication publique et territoriale.

Vous présiderez dans quelques jours le jury du 33e Grand Prix de la communication publique et territoriale. Qu’attendez-vous de ces travaux ?

Emmanuelle Daviet : Je suis ravie de présider le jury de ce Grand Prix de la communication publique et de succéder à Céline Pascual-Espuny, professeure des universités en sciences de l'information et de la communication. Je serai sensible aux projets originaux où se mêlent la créativité et la rigueur, aux travaux qui peuvent être inspirants pour tous. L’innovation me paraît indispensable pour maintenir l’intérêt du public, elle témoigne également de la vitalité d’une équipe. Tout en restant dans les modalités de l’information de proximité, les projets qui s’affranchissent des codes, les terrains d’expression où l’on s’aventure en s’autorisant le pas de côté, les nouvelles influences qui font bouger les lignes de la communication m’intéressent particulièrement.

Obtenir un prix n’est pas anodin. Un prix objective l’expertise et la créativité. Il traduit l’engagement de professionnels. Il peut réellement impulser une dynamique dans une collectivité et constitue une formidable émulation, je serai donc très attentive aux projets que je vais découvrir et à la sélection que nous ferons, car je sais le rejaillissement qui peut en résulter.

Emmanuelle Daviet est médiatrice des antennes de Radio France. Auparavant chef du service Société à France Inter, elle a créé en 2015, à la suite des attentats, InterClass’, un dispositif pédagogique et humaniste d’éducation aux médias et à la citoyenneté destiné à développer l'esprit critique par l'apprentissage des pratiques journalistiques.

Crédit photo : Radio France – Christophe Abramowitz.

Vous êtes actuellement médiatrice des antennes de Radio France. Pouvez-vous nous expliquer votre rôle et vos missions ?

E. D. : C’est ma quatrième saison radiophonique à ce poste. Ma feuille de route est claire : renforcer la confiance avec les publics en favorisant le dialogue entre les chaînes et leurs auditeurs. Il est important de rappeler que Radio France accompagne près de 15 millions d’auditeurs quotidiens avec sept antennes ayant chacune une personnalité bien définie : France Inter, la chaîne généraliste du service public et première radio de France ; Franceinfo, le média global d’information du service public ; France Bleu et ses 44 locales alliant information, musique et programmes de proximité en région ; France Culture, la chaîne de référence de la connaissance, de la vie des idées, des savoirs et de la création ; France Musique, pour un public de mélomanes aimant la musique classique et le jazz ; Fip, qui panache l’éclectisme musical ; et Mouv’ pour les jeunes.

Les auditeurs qui m’écrivent sont essentiellement ceux de France Inter, France Culture et Franceinfo. Je reçois en moyenne 900 courriels par jour. Le service de la médiation est la seule instance qui offre aux auditeurs un accès aux journalistes, producteurs et directions des antennes. Ils nous adressent leurs remarques, leurs critiques, ils nous font part de leur incompréhension sur le choix d’un reportage ou la présence d’un invité en studio. Les auditeurs expriment aussi des attentes et sont exigeants. Ils ont une écoute attentive et clairvoyante, ils ne laissent rien passer.

Mon rôle n’est pas de juger si ces messages sont légitimes mais plutôt de faire entendre les arguments de chacun, en somme de me faire l’avocate des auditeurs auprès des rédactions et l’avocate des rédactions auprès des auditeurs : un rôle d’équilibriste en quelque sorte. Je relaie les messages auprès des rédactions afin que les auditeurs soient entendus. C’est une autre manière de faire du journalisme, par la pédagogie puisque nous leur répondons afin de leur expliquer les lignes éditoriales de nos antennes, le travail des journalistes, nos pratiques professionnelles.

Les auditeurs nous écrivent et ils sont très nombreux à le faire.

Toutes les thématiques qui se dégagent des mails sont également synthétisées et transmises aux rédactions et aux responsables des chaînes. Le service de la médiation est donc une instance stratégique pour identifier des tendances, comprendre les fluctuations d’humeur des auditeurs qui nous écrivent, et ils sont très nombreux à le faire. Avec plus de 215 000 messages reçus entre le 1er janvier 2020 et le 1er janvier 2021, notre positionnement est tout à fait unique dans la presse en termes de volume de mails traités, de réponses apportées et de réactivité. Ce service centralise tous les mails adressés aux antennes, je sais donc précisément ce que les auditeurs pensent de chaque station, des journalistes et des producteurs, ce qui permet d’apporter des réponses personnalisées.

Il est capital de préciser que tout ce que nous recevons est lu. Chaque courriel est pris en compte, sans exception aucune. Pas question de passer à côté d’un mail sensible ou d’une alerte. Aucun média télé, radio ou presse écrite n’accomplit ce travail à une telle échelle. La médiation à Radio France a donc pris une dimension sans équivalent dans l’univers médiatique français, et même européen. Je m’appuie sur deux collaboratrices très investies pour accomplir cette mission.

Quel regard portez-vous sur la communication publique et territoriale aujourd’hui ?

E. D. : Il me semble qu’elle se porte bien et que son rôle dans la vie de la cité est plus que jamais décisif ! La communication publique et territoriale a pleinement montré son utilité, son agilité et sa force à l’occasion de la crise sanitaire en multipliant les supports pour transmettre l’information en temps réel. Les communicants territoriaux ont dû déployer d’impressionnantes ressources et faire preuve d’initiative et d’efficacité, notamment dans les contenus numériques, sur les pages officielles, sur les réseaux sociaux où nos concitoyens allaient chercher l’information concernant leur commune. D’ailleurs, les Français ont plébiscité les moyens mis en œuvre par leur mairie pour les informer de la situation très évolutive que traversait notre pays.

À l’échelon local, cette réactivité, cet accès immédiat à l’information ont largement contribué à renforcer le lien de confiance entre les citoyens et leur mairie, et il en découle naturellement qu’ils accordent une forte crédibilité aux messages qu’elle délivre. Les autres collectivités territoriales ont bien sûr joué un rôle majeur pour irriguer l’information en misant sur différents canaux très complémentaires, le numérique, le papier, les réseaux sociaux, ce qui a pu largement satisfaire l’appétit de nos concitoyens qui consultent en moyenne neuf supports différents pour s’informer.

La communication publique et territoriale n’est ni figée ni enfermée.

Tout cet écosystème informationnel est très vivant, il est en évolution constante et invite donc à être créatif, à révolutionner les pratiques communicationnelles, à découvrir d’autres façons de transmettre une information utile et de qualité. La communication publique et territoriale n’est ni figée ni enfermée. C’est extrêmement stimulant !

Comment, selon vous, la communication publique peut-elle travailler à recréer ce lien de confiance entre les citoyens et les institutions ?

E. D. : Par la transparence, la proximité et la cohérence. Le service de la médiation de Radio France publie chaque semaine les remarques qui sont formulées sur le travail des rédactions et des antennes. Quelle autre institution de service public fait ce travail de transparence ? À ma connaissance, aucune. J’ajoute qu’aucun autre média français, public ou privé, ne donne à lire les critiques que lui adresse son public chaque semaine. Mettre en œuvre une telle politique de transparence nécessite du courage et renforce notre positionnement très assumé de média vivant en prise directe avec ses auditeurs. Nous ne sommes pas hors-sol, déconnectés de ce qu’ils ont à nous dire, nous ne sommes pas dans une tour d’ivoire. Bien au contraire !

En communication publique, la proximité est également essentielle pour créer ce lien de confiance. Le réel, le quotidien de nos concitoyens nous importent, que l’on travaille dans une collectivité locale ou une institution nationale. Il faut toujours se demander quelle plus-value une information apporte, en quoi elle éclaire sur notre société, notre ville ou notre commune, pourquoi elle peut s’avérer indispensable. Toujours avoir à l’esprit la notion de service public, donc s’adresser au collectif tout en prenant en considération les individualités.

S’adresser au collectif tout en prenant en considération les individualités.

E. D. : La cohérence est aussi, bien sûr, un vecteur de confiance. Un exemple très concret : des auditeurs ne comprennent pas que nous puissions d’un côté proposer davantage de programmes consacrés à la transition énergétique et de l’autre faire la promotion de véhicules émetteurs de CO2. Les auditeurs paient la redevance audiovisuelle. Ils se sentent un peu propriétaires de Radio France. Leur attente à l’égard du service public audiovisuel est immense, ils ont une exigence de qualité et de cohérence qu’on ne peut pas décevoir. Depuis le mois de janvier 2021, Radio France a donc décidé d’aligner ses pratiques publicitaires avec ses engagements éditoriaux pour l’environnement. Concrètement, la régie publicitaire du groupe valorise les initiatives agissant activement en faveur de la transition écologique avec la création d’une série de nouveaux espaces publicitaires responsables. On a là une traduction tangible de la cohérence qui s’inscrit dans « une démarche vertueuse », selon la volonté de Sibyle Veil, P-DG de Radio France.

Au-delà de toutes ces valeurs, nous vivons à une époque où la diversité pour s’exprimer et toucher les publics est foisonnante. Avec tous les outils à notre disposition – réseaux sociaux, sites internet, vidéo, webdesign, infographie –, à nous d’inventer de nouvelles formes d’interactions pour nouer le dialogue et créer ce lien de confiance.

Des projets analysés par trois jurys successifs, experts de la communication publique

En cette première quinzaine du mois de novembre, trois jurys se penchent sur l'analyse des 145 dossiers présentés par les collectivités locales et organismes territoriaux.

Le jury pro
Composé d'une trentaine de professionnels de la communication publique et d'observateurs du secteur public local, le jury pro se réunit durant une journée à l'Assemblée des communautés de France pour analyser l'ensemble des campagnes présentées au concours et déterminer les meilleures campagnes de communication publique de l'année : les « nominés ».

Le grand jury
Le grand jury est composé de représentants du monde de la communication et des médias, ainsi que des lauréats du Grand Prix de l'année précédente. Il est présidé par une personnalité choisie pour le regard particulier qu'elle porte sur la communication des institutions publiques. Le grand jury établit le palmarès en décernant les prix de catégories et le Grand Prix de l’année parmi les campagnes nominées par le jury pro.

Le jury des jeunes
Une sélection de campagnes est soumise à l’analyse d’une dizaine de représentants des conseils de jeunes, qui décernent le Prix spécial jeunes. Ce prix spécial est organisé en partenariat avec l'Association nationale des conseils d'enfants et de jeunes (Anacej).

>>Consulter la liste des membres des jurys du Grand Prix Cap'Com 2021.

Les nominés seront annoncés dans la newsletter Point commun du jeudi 18 novembre et le palmarès complet sera dévoilé le jeudi 9 décembre, en clôture du 33e Forum de la communication publique et territoriale, et en présence de la présidente du jury.