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Portail usager, pour une révolution usager !

Publié le : 14 avril 2022 à 07:00
Dernière mise à jour : 14 avril 2022 à 12:34
Par Jean-Marc Borredon

Le mouvement est désormais lancé, impulsé par l'État depuis plusieurs années maintenant, place à la dématérialisation des services publics des collectivités (1). Mais cette réalité, personnellement, après avoir vu la mise en place de plusieurs portails depuis quelques années, laisse un goût légèrement amer au communicant que je suis. Explications…

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Par Jean-Marc Borredon, directeur de la communication d'Annemasse-Les Voirons Agglomération.

La dématérialisation d'un service dans une collectivité, cela se passe presque un peu toujours de la même manière : dans le meilleur des cas, le service métier va consulter son service informatique ou sa DSI qui va, ensuite, consulter l'éditeur du logiciel métier sur l'existence d'un module web usager (un extranet). Si l'éditeur en propose, alors service métier et service informatique passent commande sans se poser d'autres questions que celle du prix (question fondamentale certes, vu les coûts).

Puis vient le temps de la mise en ligne lorsque enfin on se dit que ce serait bien d'associer la com pour rendre plus joli le nouveau portail usager (avec le logo, une photo et quelques touches de couleur s'il vous plaît…), et c'est ainsi que DSI et direction opérationnelle se retrouvent à proposer à nos usagers des outils numériques dont l'interface et l'UX m'ont régulièrement mis, je dois le dire, en PLS. Dit autrement, nous, collectivités, nous retrouvons à proposer à nos usagers des outils numériques tout droit sortis du web des années nonantes (comme disent nos amis suisses), le web 1.0, la belle époque de Lycos, Yahoo et Altavista !

Alors pourquoi en sommes-nous là, pourquoi faut-il toujours que le service public ait du retard à l'allumage ? Sont-ce les développeurs des éditeurs qui n'ont pas su évoluer et s'armer d'UX designer pour proposer des outils contemporains ? Sont-ce les DSI qui, par ignorance et habitude sans doute (voire peut-être par peur du changement), n'ont pas su mettre en place une vraie gouvernance numérique ? Est-ce enfin la com qui, associée en bout de chaîne (mais qui aurait des choses à dire), se retrouve presque toujours dans la posture de l'empêcheur de tourner en rond ?

Il y a sans doute un peu de tout ça, et les torts sont partagés. Et si au début j'en voulais énormément aux éditeurs, finalement, comment leur en vouloir ? Si, en face d'eux, leurs clients, nous les techniciens des collectivités, nous n'exprimons aucune exigence en termes d'expérience utilisateur ? Et que dire de l'indifférence presque totale des élus à l'égard de tout cela ? Combien s'intéressent-ils réellement à ce à quoi ressemblent les guichets numériques de leurs services publics ? Combien ont-ils compris que c'est au prix d'une haute exigence de l'expérience utilisateur que la dématérialisation sera réellement une réussite ? Car il ne s'agit pas que d'image (et encore, c'est déjà beaucoup), que de forme ou de design, non, comme le disait quelqu'un qui a un peu percé dans le monde des services numériques : « Certaines personnes pensent que le design se limite à l’apparence d’un objet. Mais en creusant un peu plus, on se rend compte qu’il s’agit de la façon dont il fonctionne. » (Steve Jobs)

Alors, point d'épiphanie certes à venir, mais plutôt un long chemin vers une prise de conscience collective. À commencer par nous, les communicants : la prise de conscience qu'il faut changer notre état d'esprit, se battre pour être associés en amont, au démarrage de chaque projet, et faire valoir que la com, c'est bien plus qu'un logo et des couleurs ! Qu'en mettant l'usager au cœur de toutes nos préoccupations, qu'en essayant d'adopter son point de vue, sans compromis, la com sert aussi à structurer l'offre de service public, à sa manière. Nous n'avons donc pas fini, nous communicants, de devoir nous affirmer pour mieux définir ce à quoi nous servons : alors soyons plus sévères et exigeants, questionnons sur les développements des futures versions, demandons à devenir bêta-testeurs ! Bref faisons comprendre à nos DGS, DSI, directions, élus et fournisseurs que nous devons tous faire notre révolution UX et qu'il nous faut définir une vraie gouvernance numérique où chacun a un rôle à jouer. Il en va de la crédibilité du service public !


(1) Cela est d'autant plus une réalité à ce jour avec l'obligation imposée à toutes les collectivités, depuis le 1er janvier 2022, de proposer un service de paiement en ligne « accessible aux usagers par l'intermédiaire de téléservices, et le cas échéant d'applications mobiles, connectés à internet ».

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