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Valoriser les métiers du service public : 6 initiatives inspirantes

Publié le : 30 avril 2025 à 07:34
Dernière mise à jour : 30 avril 2025 à 15:47
Par Nastassja Korichi

En interne comme en externe, les communicants déploient des actions parfois innovantes pour répondre au besoin de reconnaissance des agents, aux difficultés de recrutement et au défi d’attractivité des métiers du service public. S’éloignant des discours institutionnels classiques, ces dispositifs s’appuient sur la valorisation des agents et sur une approche participative pour redonner du sens à l’engagement dans le service public. Retour sur six expériences réussies.

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Article rédigé à partir du compte-rendu de Solène Mauduit et Margot Furet, étudiantes en master 2 communication publique et démocratie participative à l'université de Lille, suite à la conférence Hop « Des idées pour valoriser les métiers du service public » au Forum de Lille. Vincent Lalire, responsable de la communication interne du département de la Seine-Maritime, Émilie Oddos, responsable de la coordination de la vie institutionnelle de la métropole de Lyon, Marie Traisnel, directrice de la communication de la ville de Pantin, Dominique Noc, chef de projet communication interne de la ville du Havre, Brigitte Sarazin, responsable de la communication interne de Grenoble Alpes Métropole, et Christine Cordon, responsable accueil-logistique-communication du centre de gestion d’Ille-et-Vilaine, ont présenté leurs campagnes de valorisation des métiers et des agents lors de cette conférence le 12 décembre 2024.

Recruter, fidéliser, valoriser : pour les collectivités territoriales et institutions publiques, le défi est de taille. Selon une étude du CNFPT reprise dans le rapport de France Stratégie publié en décembre 2024 sur l'attractivité de la fonction publique, 4 employeurs territoriaux sur 10 peinent à recruter. En parallèle, les restrictions budgétaires pèsent sur le moral des équipes et alimentent un climat parfois morose au sein des administrations. Mais, au-delà de ces difficultés conjoncturelles, c'est l'image même de la fonction publique qui est mise à mal par les clichés et discours dévalorisants : le « fonctionnaire bashing » n'épargne effectivement aucun territoire. Dans ce contexte, le fait de redonner ses lettres de noblesse au service public et réaffirmer son utilité auprès des citoyens comme des agents devient un vrai enjeu pour les communicants. Pour répondre à ces défis, plusieurs collectivités territoriales ont déployé des initiatives innovantes, mettant en lumière la richesse et l’importance des métiers du service public, tout en favorisant le lien avec les citoyens.

Encourager l’interconnaissance pour fédérer autour d’une culture commune

Parce que « tout commence par l’interne », instaurer une dynamique collective et partagée au sein des équipes est un levier constructif de connaissance mutuelle et de sens au travail. À ce titre, le service communication interne du département de la Seine-Maritime a déployé « Le questionnaire de Proust des directions ». Le projet s’est appuyé sur une approche participative et originale, utilisant le questionnaire de Proust pour présenter les 24 directions de manière décalée et humoristique.

La démarche poursuivait plusieurs objectifs :

  • instaurer une réflexion collective entre managers et agents ;
  • casser les codes des présentations institutionnelles classiques ;
  • et capter l’attention avec des contenus dynamiques.

Les directions ont participé à des sessions de travail, explorant les dix questions du questionnaire pour révéler une « carte d’identité », destinée aux 5 000 agents qui allaient en être les spectateurs. En tout, 240 agents ont contribué directement à l’élaboration des réponses. Pour accompagner cette campagne, des badges inspirés des questions de Proust ont été distribués, créant un engouement parmi les agents. Le projet a culminé avec la production de 24 capsules vidéo, qui ont généré près de 80 000 vues en deux mois.

Au total 24 capsules vidéo rythmées et amusantes (faisant témoigner 240 agents) ont été conçues à partir des réponses au questionnaire et diffusées sur l'intranet.

Cette initiative illustre une tentative innovante et participative de valoriser les talents internes et de renforcer la cohésion au sein du département, malgré des moyens limités.

Cohésion et proximité : humaniser le service public

Il y a dix ans, la métropole de Lyon naissait de la fusion du département et de la communauté urbaine. Ce changement a nécessité une réorganisation des services, des compétences ainsi qu’une intégration de cultures professionnelles différentes. Pour expliquer et donner à voir ces transformations, la métropole de Lyon organise depuis 2023 « Les rencontres métropolitaines », événement qui vise à fédérer les agents et à renforcer la relation avec les habitants, tout en mettant en valeur les services publics au quotidien. L'initiative repose sur une approche participative pour illustrer la diversité des métiers, impliquant des agents volontaires de divers secteurs, même ceux éloignés du contact direct avec le public. Le projet inclut des formations favorisant l’échange et la coopération entre agents, et vise à mieux informer les habitants, recueillir leur avis, et faciliter leur accès aux services. Il répond aussi aux spécificités des 58 communes de la métropole en se rapprochant des habitants sur des lieux de vie tels que les marchés, écoles et parcs.

En 2024, 400 agents volontaires ont été déployés sur une quarantaine de sites publics, rencontrant 2 000 habitants et réalisant 1 751 entretiens d'environ 30 minutes chacun. Ce projet, axé sur l’échange direct avec les citoyens, vise à favoriser le lien humain dans un contexte de dématérialisation croissante. En plus des espaces publics, des minibus ont été utilisés pour atteindre des zones sans transports en commun, et l'année prochaine, des marcheurs seront déployés dans des zones encore moins accessibles. Les retours enthousiastes des agents et des habitants mettent en lumière l’aspect humain de l’initiative, avec une mention particulière pour les agents, qui ont redécouvert le sens de leur engagement.

Cinq clés de réussite se dégagent :

  • un soutien politique solide et une grande confiance ;
  • des outils pédagogiques innovants comme un Monopoly adapté pour orienter les agents ;
  • une collaboration interservices efficace ;
  • une ouverture à l’expérimentation pour tester de nouvelles pratiques ;
  • et la volonté d’ancrer durablement ces avancées dans la collectivité.

Ce projet est désormais un rendez-vous attendu des agents, bien que toucher l’ensemble des habitants reste un défi à cette échelle.
Un projet marqué par une volonté d’expérimentation et un fort ancrage territorial, renforcé par l’usage d’outils ludiques et d’une approche immersive.

Le sensible pour incarner le vivre-ensemble

Les agents du service public jouent un rôle clé dans la préservation du respect, du civisme et du lien social. Pour mettre en lumière les agents propreté de la municipalité ainsi que leur rôle, la ville de Pantin a mis en place un dispositif à l’approche très humaine. À l’origine, il s’agissait d’une campagne classique de lutte contre les incivilités, où la propreté de l’espace public était un enjeu majeur. Mais le projet a évolué et choix a été fait de placer les agents de propreté urbaine au cœur de l’action de communication.

Tout a commencé par des rencontres au centre technique municipal, où les agents ont partagé leur quotidien : anecdotes touchantes, parfois difficiles, mais aussi une fierté sincère pour un métier exigeant. Ces témoignages sont devenus la base d’une campagne centrée sur le respect, en montrant les visages et le courage de ceux qui assurent la propreté de la ville. Pour donner vie à cette vision, une photographe locale a été sollicitée. Avec une technique photographique rare du XIXᵉ siècle - le collodion humide - Aude Boissaye (Studio Cui Cui) a immortalisé les agents dans des portraits qui rappellent les grandes traditions artistiques. Ces images ont été déclinées sur différents supports : affiches, bâches XXL, et une exposition sur les grilles de l’hôtel de ville. Parallèlement, un volet participatif a invité les habitants à vivre une journée dans la peau d’un agent, renforçant ainsi l’empathie et la compréhension de leur travail.

Si mesurer l’impact concret sur la propreté de l’espace public reste complexe, les retours qualitatifs sont éloquents. Les agents, autrefois dans l’ombre, expriment une nouvelle fierté et un sentiment de reconnaissance. Certains d’entre eux sont même devenus les ambassadeurs de la politique RH de la collectivité.

Révéler les compétences pour renverser les préjugés

Pour valoriser le métier des agents d’accueil des centres de recyclage, Le Havre Seine Métropole s’appuie également sur la photographie. Dans son dispositif, l’objectif était de mettre en lumière leurs missions et leurs compétences, tout en améliorant leur image et en leur apportant une reconnaissance. Ces agents, souvent perçus à tort comme de simples manutentionnaires, jouent en réalité un rôle clé dans la gestion des déchets et le tri de qualité.

Le projet s'inscrit dans le contexte de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, qui regroupe 54 communes, 265 000 habitants et 1 300 agents. Depuis 2019, des efforts significatifs ont été faits pour transformer les anciennes déchetteries en véritables centres de recyclage, avec des installations modernes et des espaces accueillants. Ce changement visait à améliorer à la fois les conditions de travail des agents et l’expérience des usagers.

Les 67 agents concernés orientent les usagers pour garantir un tri efficace et entretiennent la propreté des lieux. Leur métier a considérablement évolué, avec des formations à la conduite d’engins, au tri des déchets dangereux et à la réception de matériaux spécifiques. Pourtant, leur sentiment de reconnaissance n’a pas suivi cette évolution. Une équipe projet a été constituée, incluant des responsables des centres de recyclage, des chargés de mission et de communication, ainsi qu’un pôle images. La méthodologie reposait sur une immersion sur le terrain pour comprendre les réalités des agents et repérer les espaces pouvant transmettre des messages positifs. L’idée clé était de faire des agents les ambassadeurs de leur propre métier.

Ces initiatives visent à valoriser l’expertise des agents tout en renforçant l’estime de soi. Le projet a rencontré un véritable engouement parmi les agents, qui ont apprécié d’être associés à chaque étape. Au final, 98 photos ont été produites, réunies dans un recueil offert aux agents et partagé avec les autres services de la collectivité.

Trois actions principales ont été mises en place :

  • une exposition photo dans les espaces dédiés aux agents ;
  • des panneaux d’affichage avec des portraits et messages clés ;
  • et la création d’un ouvrage regroupant l’ensemble des photos.
Exposition photo dans les espaces dédiés aux agents.
Affichage de photos grand format avec messages à destination des usagers.
Extrait de l'ouvrage destiné aux 67 agents d’accueil, réunissant toutes les photos.

« Fonctionnaire bashing » : briser les stéréotypes pour mieux valoriser les métiers

En complément de ces initiatives de valorisation, la conférence de clôture des prochaines Rencontres nationales de la communication interne fera intervenir Claire Lemercier, historienne au CNRS et co-autrice de l'ouvrage La Haine des fonctionnaires. Sa perspective historique et éclairée permettra d'analyser en profondeur les principales idées reçues pour mieux les déconstruire dans un objectif de promotion des missions d'intérêt général.

S’associer pour renforcer l’attractivité des métiers

La marque employeur DEN.bzh est une initiative régionale visant à valoriser les métiers territoriaux en Bretagne, en rassemblant les quatre CDG bretons : Morbihan, Finistère, Côtes-d'Armor et Ille-et-Vilaine. L'objectif principal était de redorer l'image des métiers de la fonction publique, souvent associée à des stéréotypes négatifs, et de rendre ces métiers plus attractifs. Cette démarche, baptisée « Den Breizh » (signifiant « demain » en breton), s'appuie sur une plateforme numérique centralisant les offres d'emploi, les dispositifs de remplacement, ainsi que des événements comme des forums ou job datings.

La plateforme a été conçue pour être simple d'accès et s'accompagne de reportages et de témoignages d'agents pour déconstruire les clichés sur la fonction publique. Le projet repose sur une collaboration de 90 agents des quatre CDG bretons, soutenus par des experts externes et un budget de 800 000 euros sur quatre ans. La plateforme a été lancée en janvier 2023 avec une large campagne de communication, incluant des affichages, spots radio et une couverture médiatique locale. Des événements sur le terrain, comme des job datings, sont également organisés pour toucher les plus petites collectivités.

Le projet a connu un grand succès médiatique et a permis de dynamiser la visibilité des métiers de la fonction publique territoriale. Depuis septembre 2024, une nouvelle campagne digitale a relancé l'initiative, avec une approche pragmatique sur les réseaux sociaux et des partenariats avec les collectivités. À l'avenir, l'objectif est de fournir aux collectivités partenaires une boîte à outils pour les aider à promouvoir leurs offres d'emploi et à améliorer leur communication.

Mobiliser l'interne pour promouvoir l'image employeur

Pour répondre aux difficultés de recrutement rencontrées, notamment dans les métiers techniques et administratifs, Grenoble Alpes Métropole met en place un dispositif très structuré de marque employeur, axé tant sur l’interne que sur l’externe.

L'une des premières actions a été la création d'une vidéo mettant en avant des agents et leurs métiers. Parallèlement, des portraits d'agents ont été réalisés en interne et diffusés sur l'intranet. Ces vidéos ont également été partagées sur les réseaux sociaux et lors de salons professionnels.

En complément, un kit de communication a été déployé, comprenant des cartes postales, des roll-up et des supports pour les forums et job datings, ainsi que des partenariats avec des écoles et universités.

Dépliant, Cartes postales, salons.

En interne, l’objectif est aussi de promouvoir la mobilité et les opportunités de progression professionnelle, avec la mise en place d’une carte des métiers pour encourager les changements de poste au sein des équipes. Des formations sont proposées aux agents pour les aider à développer leur présence sur LinkedIn et devenir des ambassadeurs des métiers publics.

La stratégie inclut également un travail de fond avec les managers, pour améliorer la rédaction des offres d’emploi et les adapter aux profils recherchés. Le tout s'inscrit dans une volonté de renforcer la coordination entre la communication interne, les ressources humaines et les actions externes, tout en gardant une approche sobre et responsable dans la diffusion des contenus et la communication en général.

Qualité, proximité, visibilité, effet levier

Présentés lors de la conférence Hop « Valoriser les métiers du service public » du Forum Cap’Com de Lille, ces dispositifs ont été analysés et mis en perspective par Bruno Lafosse, président de l’agence Boréal communication et rédacteur en chef de L’inspiration politique. Pour lui, quatre mots essentiels sont à retenir pour mener efficacement une action de valorisation des métiers du service public : qualité, proximité, visibilité et effet levier.

Qualité. Malgré des moyens souvent limités, il est essentiel de se donner les moyens de produire des actions de qualité, comme les vidéos et photos professionnelles, pour valoriser les agents et leur travail. C’est d’abord une question de respect vis-à-vis des agents que l’on souhaite mettre en avant. C’est ensuite la condition de la réussite auprès du public.

Proximité. C'est en étant proche des agents et en allant à la rencontre des usagers que les actions ont de l'impact. Les initiatives observées à Lyon, Pantin ou Le Havre montrent l'importance de la rencontre directe, un principe fondamental de la communication de proximité.

Visibilité. Les campagnes permettent de mettre en lumière les métiers souvent invisibles des collectivités, qu’ils soient déqualifiés ou très qualifiés, et de valoriser le travail et l'engagement des agents, comme on l'observe dans des villes comme Pantin où des métiers de terrain sont reconnus. Cette visibilité s'accompagne d'un travail sur le sens des métiers publics, rappelant que l’engagement des agents est souvent motivé par le désir de servir l’intérêt public.

Effet de levier. La communication interne a évolué de manière significative en vingt ans, et aujourd'hui elle a un réel impact sur la communication externe. Ce n’est plus seulement une question de marketing territorial, mais bien de créer une dynamique d’attractivité du territoire, comme le montre l'exemple des CDG. En valorisant les besoins internes, les collectivités créent des campagnes de recrutement qui deviennent de véritables leviers pour l’image du territoire.


Illustration principale : avec une technique photographique rare du XIXᵉ siècle – le collodion humide –, Aude Boissaye (Studio Cui Cui) a immortalisé les agents dans des portraits qui rappellent les grandes traditions artistiques.

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