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4 leçons à tirer des élections municipales

Publié le : 30 juin 2020 à 19:20
Dernière mise à jour : 2 juillet 2020 à 11:11
Par Bernard Deljarrie

Les élections municipales et intercommunales entreront dans l’histoire non seulement en raison de la pandémie qui en a bousculé le calendrier, mais aussi compte tenu de l’ampleur du renouvellement, notamment dans les grandes villes. Pour les communicants territoriaux, le monde d’après commence en ce 28 juin 2020. Car les leçons à tirer de ces élections les invitent à explorer de nouvelles directions pour le mandat qui s’engage.

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Leçon n°1

Ampleur de l’abstention : il va falloir communiquer vers les publics jeunes et populaires

Les municipales ont livré un résultat consternant : 60 % des inscrits n’ont pas voté ! Un record historique, et de très loin. Dans bien des villes, comme Mulhouse, Roubaix, Vitry-sur-Seine, Florac, Nice ou Cherbourg, le taux d’abstention dépasse les 70 %. Les politologues en conviennent, le Covid n’explique pas tout. Peu de corrélations peuvent être faites entre les zones les plus touchées par la pandémie et celles qui enregistrent de très faibles participations. Certes ces élections étalées sur trois mois n’ont pas favorisé la mobilisation électorale. Mais le problème est plus profond et le mal est fait. Il va falloir ramener les citoyens aux urnes.

L'absention est massive chez les moins de 35 ans.

Brice Teinturier

Comme l’analysait déjà la sociologue Céline Braconnier, en 2017 pour Cap’Com, ce sont souvent dans les villes les plus jeunes, les plus ouvrières, les plus marquées par l’immigration, les plus affectées par le chômage, que l’abstention est la plus forte, de l’ordre de deux fois supérieure au taux enregistré dans les quartiers urbains marqués par la surreprésentation des cadres supérieurs et des diplômés. « On reste dans une abstention très corrélée à l'âge, analyse aussi Brice Teinturier (Ipsos), au regard du second tour, elle est massive chez les moins de 35 ans, et plus faible chez les plus de 60 ans. »

C’est vers ces publics jeunes et populaires que la communication publique va devoir se tourner. Priorité : expliquer les politiques locales et faire participer ces publics éloignés de la politique. Les stratégies de communication du mandat vont devoir développer des actions qui s’adressent aux jeunes, qui résonnent dans les quartiers populaires. Elles devront faire œuvre de pédagogie en pensant les contenus et le langage en fonction. Un enseignement à tirer notamment en prévision des élections départementales et régionales qui se tiendront – peut-être comme prévu – en mars prochain.

Leçon n°2

Légitimité de l’action publique : il va falloir concerter et associer les citoyens

Ils étaient parfois inconnus avant de remporter les élections. Souvent jeunes en politique, ils n’ont pas un long parcours durant lequel ils auraient construit cette notoriété qui facilite tant l’exercice du mandat. Les nouveaux maires vont devoir construire leur image pour incarner leur ville. Une nécessité, expliquent les communicants publics.

Cette incarnation repose inévitablement sur la légitimation que le maire acquiert par l’élection. Mais « quand à peine quatre électeurs sur dix se déplacent pour choisir leur maire, la légitimité de ce dernier sera forcément fragilisée », pouvait-on lire dans une analyse publiée dans Le Monde. Avec le très faible taux de participation et les nombreuses triangulaires, certains maires ont même été élus par à peine 15 % des électeurs, comme à Metz, Poitiers ou Gardanne, villes qui ont changé de majorité. Pas facile alors de s’appuyer sur la légitimité populaire pour assumer ses futurs choix de gestion.

La réponse sera sans aucun doute dans la participation des habitants à tous les niveaux. Il va falloir que la communication sache animer le débat public. Les décisions ne devront être prises qu’après concertation, au risque, à défaut, d’accroître la fracture et la crise de confiance envers « les élites », souvent appelées à la démission lors des manifestations des gilets jaunes.

Leçon n°3

Programmes écologiques : il va falloir une parole publique forte

Que de belles promesses ! Les priorités environnementales ont été au centre de la plupart des programmes, bien au-delà des listes écologiques. Maintenant il va falloir passer à l’acte, car les citoyens en ont fait une priorité.
Dans les territoires, la transition socio-écologique va mobiliser les communicants publics. Mais attention au greenwashing politique. Les communicants publics ont une vraie responsabilité dans l’accompagnement des politiques publiques liées à la transition. Deux certitudes : la parole publique devra être plus forte et elle devra être davantage audible sur les questions environnementales.

Une parole publique plus forte, c’est-à-dire en mesure de sensibiliser les habitants sur des enjeux thématiques larges : mobilité, consommation, biodiversité, modes de vie… Une parole publique capable aussi d’expliquer des politiques publiques nouvelles, qui seront parfois contraignantes, et prête à porter les changements de comportement nécessaires. "Un large domaine d’action pour les communicants publics", rappelait Valérie Martin, dircom de l'Ademe, lors d'un groupe de travail de Cap'Com.

La parole publique devra aussi être davantage audible. Les citoyens sont en mesure de décrypter la sincérité des messages et d’identifier les dissonances. Il est de la responsabilité de la communication publique d’être cohérente, entre les messages et les mesures prises, et transparente dans les objectifs et les résultats. Il lui faudra aussi être pédagogue, sans refuser la complexité des sujets, en se donnant les moyens d’expliquer, voire de former les citoyens, en adaptant les contenus aux différents publics cibles, en travaillant les messages dans la durée, en définissant le juste ton, au-delà du catastrophisme, de l’injonction, de la culpabilisation, pour rendre « la ville d’après » désirable. Un vrai défi pour les communicants publics.

Leçon n°4

Renouvellement : il va falloir prendre en compte la dimension politique du métier

59 % des dircoms des villes concèdent que leur fonction est principalement ou plutôt politique. Et ils sont moins de 10 % à reconnaître que leur métier est principalement technique. Des données révélées par une étude de Cap’Com d’octobre 2019. La ligne de démarcation entre communication publique et communication politique est aujourd’hui relativement claire. Mais la direction de la communication d’une collectivité n’en reste pas moins une fonction politique. D’où la nécessité d’une relation de confiance entre le maire et « son » dircom.

Ces élections municipales ont conduit à changer la majorité municipale dans près de 25 % des communes de plus de 15 000 habitants. Dans ces villes, la relation de confiance entre le dircom et son maire va devoir se rebâtir. Mais ce n’est pas toujours possible. Les dircoms le savent bien et c’est une dimension de leur métier. Leur statut est précaire et, comme à chaque élection, les mobilités vont s’engager. Mais le réseau Cap’Com des communicants publics leur a permis de tisser des liens au-delà de leur ville, et c’est en ces moments-là que l’on mesure toute l’importance de son réseau professionnel.

Crédit photo principale : Benoît Prieur - CC-BY-SA

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