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Communication comportementale, de la sensibilisation à l’acceptation

Publié le : 30 juin 2023 à 15:42
Dernière mise à jour : 6 juillet 2023 à 16:07
Par Nastassja Korichi

Retour sur les campagnes du Grand Prix Cap’Com présentées depuis dix ans dans la catégorie « faire évoluer les comportements des habitants en faveur du développement durable et de la transition écologique ». À l’occasion de l’ouverture aux candidatures de l’édition 2023 du Grand Prix de la communication publique et territoriale, Point commun porte un regard sur une décennie de communication comportementale territoriale. Comment ont évolué ces actions au fil des années ? Et que nous disent-elles de notre époque ?

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Le Grand Prix Cap’Com vise notamment à reconnaître et valoriser le professionnalisme des communicants publics. Mais il n’est pas qu’un concours ! Parce qu’il est également un observatoire des tendances du métier, nous avons regardé toutes les campagnes candidates dans la catégorie « communication comportementale » entre 2012 et 2022, ce qui représente un « corpus » d’environ 320 opérations de communication. Sans prétendre à l’exhaustivité ni à la robustesse absolue, nous avons ainsi pu observer les tendances qui se dessinent au regard des critères suivants : sujets traités, objectifs des campagnes, types de messages, supports et moyens mis en œuvre.

Faire comprendre avec pédagogie, tact et impact

Entre 2012 et 2022, la grande majorité des campagnes de communication comportementale a pour objectif la sensibilisation aux enjeux du développement durable, puis de la transition écologique. Elles préparent à un nécessaire changement des pratiques, au quotidien. On observe que les dispositifs sont toujours abordés avec le même souci : faire comprendre avec pédagogie, tact et impact.

En ce sens, les communications sont souvent très ludiques : beaucoup de jeux, de l’humour, des nudges, des événements, des challenges, etc. Les messages quant à eux sont bien souvent positifs. Les communicants publics évitent la stigmatisation ou la culpabilisation. Des campagnes « choc » existent. Mais elles sont minoritaires et concernent la plupart du temps deux domaines : les campagnes de sécurité routière et – parfois – les campagnes de lutte contre les incivilités.

De la sensibilisation à l'acceptation

À partir de 2022, un net tournant se dessine. Après avoir longtemps communiqué sur les risques – pour la santé, la planète, la société –, il s’agit désormais de faire accepter de nouvelles normes. Depuis la crise sanitaire, la prise de conscience et la montée en puissance de l’urgence climatique, la communication publique évolue dans le cadre d’une actualité délicate et bien tangible. Face à cet état de fait, les campagnes de communication comportementale expliquent désormais des réalités, des choix et des politiques publiques contraignantes qui impactent concrètement la vie des gens : mise en place des zones à faibles émissions, économies d’énergie, arrêtés préfectoraux de restriction d’eau, etc. Leurs objectifs évoluent donc de la sensibilisation aux risques à l’explication des contraintes, en vue de leur acceptation.

Un marqueur des préoccupations sociétales et des usages du moment

Si les années 2020/2021 sont une parenthèse, avec des communications essentiellement liées à la crise sanitaire (gestes barrières, port du masque, etc.), une certaine récurrence apparaît dans les thématiques abordées en matière de communication comportementale, et ce, sur l’ensemble de la décennie passée : tri des déchets, lutte contre les incivilités, gestion de l’eau, mobilités, production et consommation responsable. De quelle manière évolue le traitement de ces différentes thématiques en communication publique ?

Du tri des déchets à la sobriété

Le tri des déchets est l’un des sujets phares de la communication comportementale des collectivités locales et organismes publics. En une décennie, le traitement de cette thématique suit les évolutions d’une société qui conscientise peu à peu – et voit se concrétiser – les problématiques de la transition écologique. Alors qu’ils visaient majoritairement à faire comprendre les règles et les enjeux du tri des déchets au début des années 2010 – avec par exemple de nombreuses opérations du type « famille zéro déchet » –, les dispositifs de communication comportementale vont aujourd’hui beaucoup plus loin. Si le rappel pédagogique sur les modalités du tri est toujours d’actualité, ce sont la valorisation et la réutilisation des matières qui sont désormais mises en avant. Bien souvent, les campagnes s’appuient sur des fascicules ou vidéos explicatives « Faites-le vous-même » pour fournir trucs et astuces aux citoyens qui souhaitent donner une seconde vie aux objets, aux vêtements, aux déchets alimentaires, etc.

Au-delà, et au cours des deux dernières années, on constate que la thématique des déchets laisse peu à peu la place aux enjeux de sobriété énergétique, avec des campagnes sur la sobriété numérique ou bien les économies d’énergie.

De gauche à droite : En 2015, Annemasse Agglomération détourne les codes presse people pour interpeller les usagers sur le tri des déchets ; en 2021, le SIGIDURS propose des DIY pour donner une seconde vie aux déchets.

De la préservation de l'eau à la sécheresse

Le sujet de l’eau est abordé de manière constante et récurrente. Entre 2012 et 2021, la majeure partie des communications visent à expliquer la régie publique et à valoriser la qualité de son eau. À partir de 2022 – et dans le cadre d’un été tout particulièrement sec – un tournant s’opère. Par la force des choses, les communicants publics accompagnent les arrêtés préfectoraux de restriction d’eau. Les campagnes ont désormais pour objectif de faire comprendre la raréfaction manifeste de la ressource et à faire efficacement changer les usages, dans un cadre restrictif.

En 2013, la campagne « Ouvrez un grand cru » d’Eau de Paris fait connaître la qualité de l’eau en régie publique ; en 2022, la communauté d’agglomération du Cotentin accompagne l’arrêté préfectoral de restriction d’eau.

L'éternel sujet des incivilités

Le grand marronnier en matière de communication comportementale est la lutte contre les incivilités. Dépôts sauvages, crottes de chien, mégots, etc. Mise en avant de la responsabilité de chacun ou bien de l’amende encourue. Messages colorés et positifs, désespérés ou incisifs. Les collectivités traitent inlassablement cette thématique, sous toutes ses formes. L'une des parenthèses notables sur le sujet est la loi zéro phyto qui amène, en 2017 et 2018, à des campagnes visant à l’acceptation de la nature sauvage en ville. La lutte contre les incivilités est donc un éternel classique. Et elle semble être traitée comme tel en communication publique, même si certaines collectivités tentent de se renouveler.

En 2018, la métropole de Lyon accompagne l’acceptation de la nature sauvage en ville ; en 2019, la ville de Villeurbanne lance une nouvelle campagne propreté.

Des politiques publiques mobilités à l’usage des modes doux

Les campagnes mobilités ont toujours été très présentes. Dans les années 2010, et dans un contexte post-Grenelle de l’environnement, elles donnaient surtout à voir les politiques publiques liées aux transports collectifs. En une décennie, et de manière progressive, les communications publiques liées aux transports ont accompagné la démocratisation des modes doux et l’impératif en termes de réduction des émissions carbone. Signe d’une évolution des pratiques, c’est ainsi qu’on voit apparaître, autour de 2018, des campagnes de sensibilisation qui certes donnent à voir les aménagements en matière de réseaux de pistes cyclables mais qui placent surtout le curseur sur les bons usages du Code de la route appliqué à tous, et sur le partage de la voirie entre voitures, transports en commun, vélos, piétons et trottinettes. Avec la mise en place des zones à faibles émissions dans les métropoles, les communications comportementales vont jusqu’à expliquer les contraintes, sans détours, tout en mettant en avant les dispositifs d’aides pour les accompagner.

En 2014, Caen sensibilise à la pratique du vélo en ville ; en 2018, la métropole de Lyon sensibilise au bon partage de la voirie entre piétons, cyclistes et automobilistes ; en 2022, l’eurométropole de Strasbourg accompagne la mise en place de la ZFE.

La transition, un sujet transversal placé au cœur des projets de territoire

Le mot « transition » apparaît de manière évidente dans les années 2018/2019.
Factuellement, le nombre de candidatures dans la catégorie « communication comportementale » est globalement stable depuis les années 2010 (entre 15 et 20 % des candidatures totales présentées aux Grands Prix Cap’Com). Si elles sont toujours présentes, on observe depuis 2022 – année « tournant » – une légère diminution du nombre de campagnes candidates dans ladite catégorie. Parce que les campagnes liées à la transition écologique infusent désormais dans toutes les catégories. De la communication institutionnelle à l’accompagnement de projet, en passant par la communication interne et le marketing territorial. Axés autour des transitions, les projets de territoire se concrétisent. Et l’on doit désormais les expliquer, sous toutes leurs formes. Avec méthode, segmentation et répétition, les communicants publics expliquent les modalités d’une zone à faibles émissions ou accompagnent les arrêtés préfectoraux de restriction d’eau. L’enjeu pour la profession ? Bâtir les fondamentaux de la confiance autour de ces nouveaux projets et faire accepter les nouvelles normes. 

Quid de l'efficacité ?

En matière de communication comportementale surtout, il est difficile d’évaluer l’impact des campagnes, de savoir en quoi elles contribuent à faire changer concrètement les consciences et les usages. A minima, il apparaît assez clairement que la répétition, les stratégies et l’outillage complet des dispositifs participent à la bonne connaissance des enjeux, par tous les publics. Répétition et progression semblent alors les maîtres mots des communicants publics en matière de communication pour faire évoluer les comportements.

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