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Arthur Grimonpont : « Proscrire des médias sociaux ? La question est salutaire »

Publié le : 9 mai 2023 à 14:53
Dernière mise à jour : 11 mai 2023 à 11:23
Par Andréane Lecarpentier

À l’occasion de la nouvelle classe en ligne « Les défis de la compublique sur le web et les réseaux sociaux », Arthur Grimonpont, ingénieur et consultant spécialisé dans les enjeux de transition écologique, détaille les biais induits par l’économie de l’attention sur la citoyenneté. Dans un paysage informationnel désormais sous prédominance des réseaux sociaux, les communicants publics doivent jouer à armes égales pour émerger dans le débat public, sans pour autant perdre leur valeur d’intérêt général.

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Pour outiller les communicants face aux défis posés par le paysage numérique aujourd'hui, Cap’Com renouvelle la classe en ligne lancée en 2017 sur les usages de la communication numérique publique. Interrogé par Yves Charmont, délégué général de Cap’Com, Arthur Grimonpont livre des pistes de réflexion et de positionnement de la communication publique sur les réseaux sociaux. Il est fondamental de comprendre comment le débat public se joue sur des espaces animés par l’intérêt économique de quelques rares acteurs privés et les modèles créés par leurs algorithmes de recommandation. Alors que des solutions doivent se construire de manière réglementaire à l’échelle nationale voire supranationale, quelles pistes les communicants publics doivent-ils emprunter à l’échelle des territoires pour porter une parole publique audible et utile ?

La nouvelle classe en ligne #compublique est lancée

Arthur Grimonpont est ingénieur et consultant spécialisé dans les enjeux de transition face aux crises écologiques. Il est l'auteur d'Algocratie. Vivre libre à l’heure des algorithmes. Il s’intéresse « aux causes de l’inaction collective face aux catastrophes et aux crises écologiques en cours ». Il est l'un des intervenants du module d’introduction de la classe en ligne « Les défis de la compublique sur le web et les réseaux sociaux ». Ce module gratuit, laissé en accès libre au réseau Cap’Com, sera ouvert le premier juin 2023. Il aborde les questions qui seront approfondies dans le cadre de la classe en ligne : face à la démultiplication des canaux d’information, quel positionnement définir pour sa communication publique locale, quelle stratégie éditoriale plurimédia adopter, comment organiser sa direction de communication, quelles voies d’éco-responsabilité faire prendre à sa communication numérique ?

À l’origine du paradoxe, l’économie de l’attention contrôlée par les médias sociaux

C'est un paradoxe qui ne cesse d'étonner et qu'Arthur Grimonpont résume ainsi : « Depuis quelques décennies, on a accumulé une prodigieuse connaissance scientifique, le niveau moyen d'études n'a fait qu'augmenter, l'alphabétisation a progressé partout sur Terre, la vitesse de circulation de l'information a accéléré. Et ça n'a ni facilité l'éducation ni la coopération collective pour résoudre les enjeux climatiques. »

En cause : le paysage informationnel, qui repose sur la domination des médias sociaux et leurs mécanismes structurels : la guerre de l'attention, les algorithmes de recommandation et les bulles informationnelles qui en résultent.

Un des obstacles majeurs à la compréhension des problèmes en cours, c’est ce qu’on appelle le paysage informationnel au sens large.

« L’objectif des algorithmes de recommandation, c’est la prédation de notre vie sociale et culturelle à des fins de marketing ciblé », souligne Arthur Grimonpont, quitte à assumer ouvertement la recherche de l’addiction, non comme effet indésirable, mais comme motrice de l’économie de l’attention.

Et de rappeler l’incroyable cynisme de Reed Hastings, P.-D.G. de Netflix, lorsqu’il déclarait déjà en 2017 : « Quand vous regardez une série sur Netflix et que vous en devenez accro, vous veillez tard le soir. À la marge, nous sommes en concurrence avec le sommeil. »

Les questions d’intérêt général malmenées sur les médias sociaux

En 2019, Arthur Grimonpont co-fonde l’association Les Greniers de l’abondance, qui propose des solutions pour adapter notre système alimentaire face aux contraintes climatiques futures. Son rôle, en tant que médiateur, est d’éditer des synthèses nuancées et sourcées de la littérature scientifique. Il réalise alors que les contenus qu’il propose sont mis en concurrence, dans la guerre de l’attention, avec des contenus qui jouent avec des « codes bien moins responsables ».

« Le communicant public doit se donner des garde-fous »

Le paradoxe est grossier, approfondit Arthur Grimonpont : « Il n'y a pas si longtemps, les annonceurs privés se battaient pour afficher dans l'espace public, et aujourd'hui les annonceurs publics se demandent comment afficher dans l'espace privé. »

Alors le communicant public se doit d’être pragmatique sans perdre son identité : « Il est nécessaire de jouer dans les codes de ces plateformes pour exister dans le débat public. » Des propos qui résonnent au sein du réseau et dans les chroniques numériques de Marc Cervennansky : « Trois questions à se poser avant d'en choisir un autre (réseau social) » ou « Faut-il quitter TikTok avant même d'y être présent ? ».

Mais il est aussi fondamental d’élargir le débat.

Quel paysage informationnel voulons-nous pour nos démocraties ?

Face à la désinformation, la polarisation du débat public, le dévoiement des élections, il faut, selon Arthur Grimonpont, passer par une solution collective. La première qui semble évidente, c’est la loi. L’Europe a déjà fait quelques pas ambitieux avec les règlements DMA et DSA.

Les alternatives restent confidentielles dès lors qu’elles n'entrent pas dans cette économie de l’attention. Il faut donc encadrer le paysage informationnel.

Mais désormais, il est urgent de s’attaquer au modèle économique des médias sociaux : « Les obliger à basculer vers des modèles par abonnement » et « S’accorder démocratiquement sur le paysage informationnel » et sur « les règles de diffusion de l’information ».

À l’évidence, le communicant public devra trouver sa place dans ce paysage informationnel. Mais combien d’élections et de fausses informations faudra-t-il attendre pour ouvrir ce vaste débat démocratique ?

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