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Communiquer la relance par la preuve

Publié le : 22 septembre 2021 à 14:37
Dernière mise à jour : 13 octobre 2021 à 19:28
Par Yves Charmont

Immersion dans le Service d’information du gouvernement pour comprendre les partis pris de la campagne qui accompagne le plan France Relance. Un travail de communication publique qui explore, par le récit, un océan de plus de 100 milliards d’euros.

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Cela fait des mois qu’ils sont sur le pont, les communicants du Service d’information du gouvernement (SIG), mobilisant les acteurs de l’écosystème de l’État pour produire une série d’actions de communication visant à incarner et territorialiser ce plan, tout en gardant visible le sens général de cet effort d’investissement public sans précédent. Depuis fin 2020, déjà 50 milliards d’euros ont été engagés au titre du plan de relance, et 70 le seront d’ici à la fin de l’année.

Le simple énoncé de ces faits, vertigineux, à la mesure du choc de la pandémie, montre la complexité de la tâche. Il fallait, pour prendre le taureau par les cornes, développer une approche au moins aussi forte, innovante et efficace, au risque, sinon, de voir l’ensemble se diluer dans une indifférente distanciation, comme le rappelle Michaël Nathan, directeur du SIG : « France Relance a bénéficié d’une forte visibilité à son annonce il y a un an, mais nous savions que son succès demeurait suspendu à la perception rapide de résultats tangibles et concrets pour les Français, d’autant plus dans un contexte dominé par l’épidémie. »

Une ambition qui dépasse la crise

Car, rappelons-le, la feuille de route est conséquente : il s’agit de rattraper la perte de croissance due à la pandémie, de renforcer la compétitivité du pays, d’initier une dynamique qui signe un autre élan (et pas seulement le retour au monde d’avant…) mais aussi d'assurer « une transition écologique efficace et rationnelle, qui est la condition de notre avenir collectif », comme le rappelle Jean Castex, Premier ministre. On imagine ce qu’une communication « superlative » pourrait donner, étouffée par l’ampleur des ambitions, « anabolisée » par les montants colossaux des crédits mobilisés. Tout est là : personne ne peut raisonnablement prendre la mesure du plan, l’appréhender, et, a fortiori, en comprendre l’impact à son échelle.

Afin de remplir leur mission, les communicants du gouvernement ont donc misé sur une approche par le récit, à échelle humaine, découpée en séquences – ce qui se lit au premier regard lorsque l’on consulte les insertions actuellement diffusées. Ces séquences, remises en perspective par chacun, ébauchent une histoire. Pour Michaël Nathan, il aura fallu « donner la parole aux Français bénéficiaires, car ce sont eux qui parlent le mieux de la relance », mais également partitionner ce travail pour essaimer dans tout le territoire. Il insiste également sur la volonté de « développer une caisse de résonance » en mobilisant de façon systématisée l’écosystème de l’État (dont le réseau préfectoral et les services déconcentrés) et les partenaires, à tous les échelons, avec des dispositifs dédiés. Cette approche locale/globale n’est pas sans rappeler l’antienne du développement durable : penser global, agir local.

Une com qui prend corps

Pour rendre accessible la communication du plan France Relance, un site unique a été mis en place il y a presque un an, construit de façon à pouvoir rapidement comprendre l’ambition du plan : francerelance.gouv.fr. En parallèle, un travail de visualisation était réalisé pour suivre à la trace les mises en œuvre concrètes : un tableau de bord actualisé (qui applique les règles communes des KPI – Key Performance Indicator) et un travail important de cartographies dynamiques. Le ton était donné. À partir d’un calendrier d’appels à projets et après avoir sensibilisé les acteurs (collectivités, entreprises), le SIG a alimenté le système en produisant des contenus, les « Portraits de la relance », déclinés en différents formats et présentant la variété des formes et la diversité des localisations.

Exemple de fiche portrait : Ermo

Localisation : Marcillé-la-Ville, Pays-de-la-Loire
Entreprise créée en 1979 / 135 employés / Fabrication de moules / 3 sites en France / Chiffre d’affaires : 16 millions d’euros

Axe : compétitivité

Mesure : fonds de soutien à l’investissement industriel dans les territoires. (…) Ces dernières années, Ermo a réorganisé son activité pour s’adapter aux nouvelles réglementations sur le plastique (allègement des pièces, utilisation de matières organiques) et répondre à une forte demande de matériel médical à la suite de la crise sanitaire. Avec l’aide du fonds de soutien au développement industriel dans les territoires (400 millions d’euros), la société lance un investissement d’un montant total de 5 millions d’euros sur trois ans, pour agrandir de 1 300 mètres carrés son site de Marcillé. Ces travaux lui permettront d’augmenter sa capacité de production, de fabriquer des moules de plus grande taille et d’améliorer les conditions de travail des personnels de production. Le nouveau site comptera un atelier de montage « 4.0 », doté de machines connectées. La direction, qui prévoit 5 à 10 % de recrutements supplémentaires dans les prochaines années, espère que ces nouveaux équipements attireront des jeunes désireux de se former à la manipulation de machines robotisées.

Maurizio Del Nevo, dirigeant : « L’aide du plan France Relance nous a permis de prendre la décision d’investir avec plus de sérénité, en nous projetant sur le long terme. Avec ces nouveaux équipements, nous comptons conquérir de nouveaux marchés et attirer, dans notre usine de Marcillé-la-Ville, des jeunes qui ont envie de travailler dans un atelier de montage 4.0. »

Ces contenus sont ensuite mis à disposition, épinglés, partagés, utilisés en relation de presse, intégrés dans des infolettres, des publications sur les réseaux sociaux, etc. Ils servent même de base pour les spots « La Minute France TV ». « Déjà 20 millions de personnes ont été touchées depuis début juillet ! C’est la preuve que les efforts combinés produisent de grands effets en termes de visibilité et de lisibilité », déclare Michaël Nathan.

En paroles comme en actions

L’esprit de la communication du plan France Relance commandait, on le comprend, que sa mise en œuvre soit tout aussi participative et décentralisée. Au travers de comités de pilotage territoriaux mensuels (dans chaque préfecture de région), l’envoi hebdomadaire des priorités de communication, mais aussi un kit de communication adaptable en fonction des réalités locales ou l’accompagnement personnalisé des acteurs en région, tous les moyens sont mis pour, comme le répète Michaël Nathan, « aller à la rencontre des Français, là où ils se trouvent et partout sur le territoire, pour leur parler d’une relance qui se déploie au plus proche d’eux et dont ils peuvent être les acteurs ». Le discours suit les mêmes circuits que les sommes investies, produisant l’effet d’un système organique transmettant énergie et information dans les deux sens dans tout le corps social.

En complément – et dans une démarche itinérante et agrégative – un Train de la relance est en chemin actuellement et génère des événements de deux jours dans différentes agglomérations du territoire, afin de faire la pédagogie du plan, mais surtout pour donner une dimension palpable, assise sur un « Village de l’emploi » impliquant à chaque étape des acteurs de la région.

Autour de ce schéma, pour s’assurer de la bonne perception du sens général de ces efforts de grande ampleur, le SIG produit et déploie une campagne « vision » (« La France se réalise ») et une série de campagnes thématiques (sur la transformation numérique ou les formations proposées aux jeunes dans le cadre du programme « 1 jeune 1 solution ») à destination du grand public. Elles devraient permettre de rendre perceptible l’ambition de « transformation » du pays par le gouvernement.

Avec ces films et leurs déclinaisons, le but annoncé est de faire partager une narration, celle d’un État qui se mobilise et d’un engagement collectif pour sortir de la crise, tout en investissant pour qu’en 2030 la France soit plus écologique, plus solidaire et plus compétitive.

Le tout s’exprime dans chaque exemple

Ce modèle de communication publique est sans doute déclinable sur d’autres axes majeurs de l’action publique dans les territoires, face à des défis à fragmentation, lorsque l’élan doit se matérialiser dans des réseaux, selon un maillage territorial fin, comme pour l’éducation, le transport public, la santé, etc. On le retrouve d’ailleurs, à une autre échelle, avec la communication de l’Union européenne sur les financements de projets dans les territoires. Toutefois, la nouveauté, avec France Relance, c’est cette volonté affichée de donner à voir cette « machine transformative en action ». La communication de France Relance met en scène, avec un effet de perspective, le détail dans le tout, le résultat dans le constat, tout en assurant la sincérité du discours par un ancrage réel, les deux pieds dans les fameux « Portraits de la relance ».

Le succès de l’opération se mesurera donc en fonction de sa capacité à former une image cohérente à partir de 700 portraits : soit le nombre « de bénéficiaires du plan identifiés par un travail de fourmi réalisé en grande partie par les préfectures. Ces exemples incarnés et concrets de la mise en œuvre de France Relance couvrent aujourd’hui l’ensemble des départements et collectivités en France métropolitaine et dans les outre-mer », précise Michaël Nathan. Cela peut faire penser, pour ceux qui s'en souviennent, aux photographies en relief dites holographiques, dont chaque partie contenait l’image en entier. Une métaphore assez juste de cette communication « tout en un », c’est-à-dire où le tout s’exprime dans chaque exemple et où les exemples réunis forment un tout.

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