Direction de la communication et pages jaunes : même combat !
« Allô oui bonjour, c’est pour un renseignement. Je ne sais pas si c’est vers vous que je dois me tourner mais j’essaye quand même. J’ai une facture du CCAS (Centre communal d’action sociale) et je…
— Oui bon là, vous êtes à l’agglo, à la direction de la communication.
— Ah… Vous n’avez pas leur numéro par hasard ?
— Non, mais il y a écrit pages jaunes sur ma carte de visite ? »
Par Mary Mackay, chargée de communication de Pays de Montbéliard Agglomération.
Oui, cette conversation est réellement tirée de ma vie professionnelle. Mais rassurez-vous, ma réponse est restée dans ma tête et je lui ai trouvé le numéro de téléphone du CCAS de la commune. Parce que j’ai le sens du service. Le pauvre, rien de pire que d’être baladé d’un poste téléphonique à l’autre à la recherche du bon interlocuteur. Mais bon, franchement, est-ce vraiment le travail d’une direction de la communication ?
« À la com, ils savent tout »
Selon l’organisation interne de sa structure, le nombre d’agents ou la gestion des renvois d’appel en cas d’absence, nous sommes amenés, parfois, à recevoir des questions d’usagers qui ne nous concernent pas au premier abord. Si cela relève des compétences de sa collectivité, passe encore. Mais personnellement je travaille dans une agglomération, donc quand on me demande comment effectuer un service civique alors que cela relève de la mission locale, je m’interroge encore sur notre capacité à expliciter clairement la répartition des compétences des collectivités aux citoyens (mais là n’est pas l’objet de ce billet).
Et finalement, en interne, c’est un peu pareil. Pourquoi, quand les collègues ne savent pas vers qui se tourner, les regards, eux, se tournent vers la direction de la communication ? « Je ne sais pas, tu devrais appeler la com », « À la com, ils savent tout », « On passe voir la com, vous avez toujours des trucs sous la main pour dépanner »… Que de petites phrases souvent entendues. Volonté de refiler une patate chaude ou réelle conviction d’une plus-value de notre service ? Je préfère croire en la seconde option, évidemment.
Récemment un collègue m’a appelée :
« Mary, je dois installer une signalétique temporaire pour un événement, tu peux m’aider ?
— Eh bien pas de souci, une planche d’OSB, une bâche PVC, une scie sauteuse et hop je te fabrique un chevalet. »
Parce que, oui, il est écrit « menuisière à ses heures perdues » sur ma fiche de poste, c’est bien connu !
Je suis chargée de com, pas...
Pour animer les réunions, ma collectivité possède un écran géant tactile, pour faire des présentations dynamiques. Le truc qui en impose genre Les Experts à Montbéliard Miami. Sauf que, pour le faire fonctionner, il faut un diplôme d’ingénieur doublé d’une thèse. Alors les services, quand ils sont en galère, à votre avis qui appellent-ils ? Pas la direction informatique, et je me demande bien pourquoi. Je suis chargée de communication, pas dépanneuse, je suis chargée de com, pas informaticienne, je suis chargée de com, pas graphiste ou ingénieure du son, je suis chargée de com, pas... enfin, vous avez compris.
Sous prétexte que l’on a construit le trombinoscope de la collectivité, on devrait connaître tout le monde ? Sous prétexte que l’on a piloté la refonte de l’intranet, on devrait connaître tous les contenus à destination des agents ? Je ne serais finalement ni plus ni moins que le sommaire automatique de ce site ? Et en disant cela je mesure bien qu’il y a un problème et qu’une nouvelle refonte est à envisager 😉. Sous prétexte qu’on est proche du cabinet et de la direction générale, on aurait une sorte de vision privilégiée de l’écosystème et un accès privilégié aux décisions ? Oui, évidemment, mais on ne remplace pas les décideurs.
Une forme d’omniscience justifiée « par nécessité de service »
Ça peut paraître incongru comme réflexion, sauf que voilà, les choses n’arrivent pas par hasard. Si les collègues appellent la direction de la communication, c’est bien qu’il y a une raison. Oui, on sait beaucoup de choses, ce n’est pas dû à une intelligence supérieure, à un charisme particulier, n’en déplaise à certains qui le croient. Non, c’est dû au fait que nous sommes un service transversal par nature. Connaître les moindres projets de notre collectivité fait partie de notre essence, tout comme cultiver un réseau d’informateurs et de contributeurs complices. C’est le fondement même de notre métier, pour pouvoir expliquer, vulgariser, illustrer… En communication interne, c’est pareil. Connaître les rouages de notre organisation, le projet d’administration, qui fait quoi et qui est qui. Pour pouvoir montrer le sens de tout cela. Une forme d’omniscience justifiée « par nécessité de service ». La curiosité, l’ouverture d’esprit, l’intérêt sincère pour les autres, leurs projets, leurs méthodes de travail… Tout cela fait partie des qualités d’un bon communicant. Alors oui, finalement, c’est très bien qu’on nous appelle pour nous demander où trouver un simple paperboard, c’est que la direction de la communication est identifiée comme un élément facilitateur dans l’organisation. Et c’est déjà un bon début.
Photo d'Eduardo Sanchez sur Unsplash.