Aller au contenu principal

Sobriété numérique : des pistes pour les communicants

Publié le : 29 avril 2021 à 08:37
Dernière mise à jour : 22 juillet 2021 à 12:05
Par Anne Revol

Comment les communicants publics peuvent-ils utiliser le numérique, nécessaire à l’accomplissement de leurs missions, de façon la moins impactante possible sur l'environnement ? Matériel, usages, pratiques… Caroline Grand, directrice de la communication de l’université de La Rochelle, structure pionnière en matière de numérique responsable, nous donne quelques pistes d’actions concrètes.

Dans les mêmes thématiques :

« Utiliser le numérique de manière raisonnée et sobre, c'est répondre à toutes nos stratégies de communication et être probablement plus efficaces. C'est complètement au service de la lisibilité de notre stratégie, de nos messages, de notre information », a souligné Caroline Grand en introduction de son intervention au webinaire Cap’Com tour du 8 avril 2021.
Paradoxalement, le communicant public, qui véhicule des valeurs sociétales et œuvre pour la diminution de l'impact sur l'environnement de nos activités humaines globales, utilise de plus en plus les outils numériques pour remplir ces missions d’intérêt général. « On ne peut pas non plus refuser la technologie et les usages. Mais avoir conscience en tant que professionnel que nous sommes l’un des principaux services générateurs d’impacts du numérique dans les collectivités, c’est déjà un premier pas. Le deuxième : utiliser le numérique de manière raisonnée. »

Caroline Grand, directrice de la communication de l'université de La Rochelle a partagé avec les communicants son expérience en matière de numérique responsable lors du webinaire Cap'Com Tour du 8 avril 2021.

Matériel : tendre vers les 4 R

Le communicant peut difficilement travailler sans ordinateur et sans smartphone. Mais « il n’est pas obligé de changer de smartphone tous les trois mois, d’avoir le dernier ordinateur et de suivre absolument les tendances ». Refuser l’achat, voilà qui pour la dircom fait écho à la règle des 4 R – Refuser l’achat, Réduire notre consommation, Réutiliser/Réparer, Recycler – qui revient souvent dans les objectifs de développement durable et dans les campagnes de communication sur le sujet. « C'est complètement possible de réparer, réutiliser, recycler, mais il faut une véritable politique d'achat derrière. Dans nos structures publiques, si, dès que nous créons une demande, on nous offre un nouveau portable et qu’il n’y a pas de politique de réparation ou de recyclage, nous ne sommes pas dans une démarche vertueuse. En tant que directions de la communication, nous pouvons jouer ce rôle de pédagogie dans nos collectivités et auprès de nos collègues informatiques. » Car parfois même les plus spécialisés d’entre eux sur les technologies ne connaissent pas forcément les bonnes pratiques en matière de consommation numérique.

En pratique, Caroline Grand pointe quelques actions basiques et de bon sens à mettre en œuvre :

  • éteindre son ordinateur la nuit ;
  • arrêter également les écrans dynamiques installés dans les locaux de la structure alors que le public n’est pas présent ;
  • remplacer les imprimantes individuelles par des imprimantes partagées.

Ne pas abandonner complètement le print

Le passage au tout-numérique dans la dématérialisation de nos pratiques qui nous incline à supprimer le papier se heurte parfois à des questions de bon sens. « Imprimer par exemple une charte papier et se la faire passer entre collègues est beaucoup moins impactant que de s’envoyer un document pdf volumineux par mail », précise Caroline. « Ne pas enlever complètement le print de nos usages, c'est important. »

Mail : travailler en communication interne pour diminuer ses envois

Autre usage numérique quotidien à fort impact : le mail. Un sujet sur lequel nous commençons à être sensibilisés avec des incitations à vider sa corbeille ou à nettoyer régulièrement sa boîte de messagerie. Pour limiter les envois de mails souvent massifs, soit par newsletter soit même en interne notamment dans des grosses structures, nous pouvons changer quelques-unes de nos pratiques, souligne la dircom :

  • éviter de mettre tout le monde en copie, « même si ce n’est pas toujours évident parce que parfois on le fait pour avoir une forme de légitimité, laisser une trace ou obtenir une validation », reconnaît-elle ;
  • privilégier les messageries instantanées plutôt que d'envoyer certains mails ;
  • repenser la manière dont nous échangeons l’information en interne.

Cette dernière piste, Caroline Grand l’a expérimentée : « À l’université en 2018, en interne, nous envoyions pas moins de 51 000 mails. Chaque fois qu'on échangeait avec un enseignant ou qu’on avait besoin de donner une information à nos étudiants, nous balancions un mail. Nous avons concentré, grâce à une vraie stratégie de communication interne, l’ensemble de ces mails qui étaient envoyés indifféremment par les services en une seule et même newsletter. En 2019 nous avons réussi à n’envoyer que 45 600 mails. »

Site web : agir à chaque étape des projets

« En tant que communicants, nous sommes quand même assez souvent à l'origine de projets web, refonte ou/et création de site web », observe Caroline Grand. « Comme nous travaillons presque à chaque étape du cycle de vie du projet, nous pouvons agir et viser ce qu'on appelle l’éco-conception, c’est-à-dire concevoir l'outil de manière la moins impactante possible sur l'environnement. » La dircom voit là un intérêt majeur pour le communicant, engageant ainsi une vraie démarche d’efficience qui vise à dépenser le moins de ressources possible pour atteindre des objectifs de communication. Une démarche qui permet d’agir dès l'expression du besoin en indiquant dans notre cahier des charges un certain nombre de préconisations graphiques et techniques en ce sens, « à condition bien sûr d'être sensibilisés et d'avoir cette connaissance des différentes petites clés ».

L’une des premières consiste, selon elle, à préférer l’approche mobile first : « Concevoir un site de cette manière-là, c'est s'assurer par exemple que les pages sont moins lourdes. En vingt ans le poids moyen d'une page web a été multiplié par 115. C’est vraiment un phénomène obésitiel qui s’explique par la présence sur nos pages de carrousel, d’images, de films, et qui pèse lorsque nous, les internautes, plus de 52 % de la population mondiale, accédons à ces pages stockées et traitées par plus de 60 millions de serveurs. »

Viser la sobriété, la simplicité donc l'accessibilité, c'est assurer la visibilité de nos contenus.

Au-delà de la diminution de l’impact environnemental, la dircom y voit une fois encore un point de jonction avec nos stratégies de communication : « Viser la sobriété, la simplicité donc l'accessibilité, c'est assurer la visibilité de nos contenus. Si nous éliminons des fonctionnalités non essentielles, nous limitons la navigation des internautes entre les pages. » En ce sens, elle pointe plusieurs autres actions possibles :

  • avoir un historique avec un principe de navigation facile ;
  • éviter les redirections qui font à chaque fois dialoguer plusieurs serveurs en même temps ;
  • éviter les pages 404 qui feront arriver effectivement les internautes sur une page d'erreur.

Autres astuces pour limiter le poids des pages de nos sites :

  • optimiser le poids des pdf et des images insérées sur le site en les passant en 72 dpi, une résolution qui suffit largement pour l'affichage sur internet ;
  • générer ces fichiers et redimensionner ces images en dehors de notre outil de gestion ;
  • utiliser un thème graphique léger.

Mais quand le site existe déjà, comment identifier les chantiers à attaquer en priorité ? Pour fixer ce diagnostic initial, des outils existent comme le site ecoindex.fr. « En saisissant l'adresse de votre site web, vous pouvez connaître l'impact de votre site et comprendre quelles pages fonctionnent. C’est un point de départ intéressant et qui permet ensuite de mesurer notre développement et notre optimisation. Tout est améliorable au fur et à mesure », insiste la dircom qui renvoie vers les nombreuses préconisations des think tanks, comme notamment celles du collectif Green IT, dans lesquelles les communicants peuvent venir piocher en fonction de leur besoin.

Certification éco-responsable du site et de l’hébergement : quelles solutions ?

« Je n’ai pas connaissance d'un label numérique responsable qui viendrait estampiller un site web. Par contre, l'institution pour laquelle vous travaillez peut se faire certifier. » L’Institut du numérique responsable pratique ces certifications avec les entreprises privées comme avec les collectivités et les institutions publiques, ce qui leur permet derrière de montrer que leurs outils sont propres. Côté serveur, précise la dircom, il existe des hébergeurs web verts avec lesquels travailler. Une démarche intéressante qui peut ensuite être valorisée.

Enfin, dernière piste pour réduire l’impact énergétique de nos sites web : prévoir la fin de vie de son site. « Une chose à laquelle on ne pense que très rarement alors que nos anciens sites restent sur des serveurs physiques qui deviennent après des zombies. »

Des ouvrages pour aller plus loin sur le numérique responsable :

À lire aussi :
Comment éco-concevoir notre communication ?
Lire la suite
Numérique responsable : un kit pédagogique du citoyen
Lire la suite
Numérique : comprendre et réduire son impact environnemental
Lire la suite