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Web : faire face à la crise de la trentaine

Publié le : 18 mars 2019 à 08:32
Dernière mise à jour : 21 mars 2019 à 14:58
Par Marc Cervennansky

Le Web fête ses 30 ans en 2019. Aussi importante que la révolution de l’imprimerie au XVe siècle, la révolution numérique a bouleversé la société, les services, l’information, les échanges entre les individus. La communication publique n’a évidemment pas été épargnée. Elle doit faire face aujourd’hui à de nouveaux défis.

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Par Marc Cervennansky
@Cervasky

« Toi, tu es le dernier arrivé dans l’équipe, tu es le plus jeune, c’est toi qui vas t’occuper du site web ! » C’était en 1996. L’élu en charge de la communication de la collectivité où je travaillais alors était un des rares à croire au potentiel de l’Internet. Pour ma part, je ne m’étais connecté qu’une seule fois dans ma vie, grâce à une disquette AOL et son forfait gratuit d’une heure, hors coût téléphonique. Que dire de mon dircom qui n’avait pas d'ordinateur et n’en voulait pas ? Le plus drôle, c’est que, depuis qu’il est en retraite, il est devenu très actif sur Facebook.

À la fin des années 1990, l’accès à l’Internet commençait à se démocratiser, alors qu’en France nous pianotions encore allégrement sur les 3615 du Minitel. Les premiers sites publics commençaient à investir la Toile encore balbutiante. Pour les anciens, rappelez-vous : nous organisions des Fêtes de l’Internet, sur le même modèle que la Fête de la musique. Trente ans après la création du Web, il n’est plus vraiment question de fête.

Une vaste entreprise de manipulation

Où en sommes-nous aujourd’hui ? La presse s’est fait l’écho de cet anniversaire sous deux angles. Certains médias ont posé un regard nostalgique et amusé sur les premiers sites, avec des retours en images sur les premières versions de Yahoo, le navigateur Netscape et autre Altavista, le moteur de recherche de l’époque, avant l’arrivée de Google.

D’autres ont profité de cet anniversaire pour bâtir un bilan critique et désabusé sur ce qu’est devenu le Web aujourd’hui : auparavant un espace de liberté, dominé désormais par les GAFA (Google Amazon Facebook Apple), un défouloir de haine et d’agressivité pour certains, une vaste entreprise de manipulation des foules et de fausses informations pour d’autres.

L’exemple de ce qui se passe en Chine est assez effrayant : à la fois une censure interdisant l’accès à certains sites et une population cybersurveillée qui se voit attribuer des notes sociales, autorisant ou non les habitants à se déplacer en fonction de leur évaluation. En Occident, nous n’en sommes pas encore là, mais restons vigilants. Les progrès technologiques, telle la reconnaissance faciale, sont la promesse d’innovations tout aussi passionnantes qu’inquiétantes.

Comment la communication publique s’est-elle positionnée dans cette révolution digitale qui a bouleversé la vie quotidienne de la plupart de nos concitoyens ? Du Web aux réseaux sociaux en passant par les applications, le smartphone scotché à la main, elle a plutôt adhéré au mouvement, avec plus ou moins de retard.

D’un espace ouvert et libre, à l’image des premières radios FM, le Web s’est structuré pour être investi par les acteurs privés, qui ont rapidement saisi son potentiel économique. Il était une époque où on regardait avec amusement le e-commerce. On sait ce qu’il en est aujourd’hui. Dans « GAFA », il y a Amazon.

Une défiance publique à l’égard des médias

Le Web public a donc plutôt suivi et copié ce qui se faisait dans la sphère privée et commerciale, avec les injonctions de vitesse et de réactivité qui l’accompagnent. L’habitant est aussi passé du statut de citoyen à usager, puis, disons-le franchement, à celui de consommateur. Il aurait tort de se priver : il est tellement facile et rapide de commander sur Cdiscount et de se faire livrer dès le lendemain. Pourquoi pas la même qualité de service avec la mairie de son domicile ?

Comment regagner en crédibilité, comment appréhender la prise de parole des habitants, qu’elle soit dans la rue ou sur le Web ?

Ce qui se joue aujourd’hui est différent. Nous faisons face globalement à une défiance publique à l’égard des médias, des politiques ou des institutions. L’individu lambda va davantage faire confiance à ce que son ami a partagé sur Facebook qu'à l’article de fond publié par un titre de presse nationale. La parole de mon voisin a autant de portée que l’information diffusée par ma collectivité sur le projet de réaménagement urbain du quartier.

C’est un défi passionnant qui se pose à nous : comment regagner en crédibilité, comment appréhender la prise de parole des habitants, qu’elle soit dans la rue ou sur le Web ? Ce n’est pas un défi lié au Web ou aux réseaux sociaux, qui ne sont que des amplificateurs, c’est, osons le dire, un défi démocratique.

Crédit photo : Annie Spratt – Unsplash