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Ne plus croire en rien ou croire en tout

Publié le : 2 mai 2024 à 07:45
Dernière mise à jour : 2 mai 2024 à 16:18
Par Marc Cervennansky

Quand l’IA permet de croire à tout… et de douter de tout. Que devient notre rapport à la réalité ?

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Avant de lire cette chronique, visionnez cette vidéo du youtubeur Cyprien. Mais après, vous revenez, hein ?

De quoi s’agit-il ? Le youtubeur Cyprien, comme de nombreuses autres personnalités médiatiques, est le complice involontaire d’escrocs qui exploitent l’intelligence artificielle (IA) pour arnaquer leur prochain.

Sur Facebook ou Instagram circulent ainsi des publicités avec notamment Cyril Hanouna qui vante les résultats d’une intelligence artificielle « quantique », Nina Masson, présentatrice de France 24, qui évoque une application « géniale » qui peut faire gagner beaucoup d’argent, ou Stromae qui vous offre personnellement 2 000 euros si l’on ne gagne pas le gros lot avec son application préférée.

Le problème est que, techniquement, ces vidéos « deepfake » sont crédibles. Grâce aux « progrès » de l’IA qui rendent de plus en plus réalistes les avatars de personnalités, quelqu’un d’un peu crédule ou fragile pense réellement avoir affaire à Omar Sy, Kylian Mbappé, Zinédine Zidane, Didier Raoult ou Michel Cymes.

Cyprien de son côté réagit en émettant l’hypothèse qu’il pourrait réellement se faire remplacer avec succès par son avatar généré par l’IA, capable de disserter sur n’importe quel sujet.

De la fiction ? Pas vraiment. Vous l'avez peut-être vu : l'avatar d'Assaël Adary, le directeur de l’agence Occurrence, qui se réjouit de pouvoir se démultiplier pour partager davantage de vidéos sur les prestations de son agence.

L’amélioration technique de l’IA n’est très certainement pas un progrès éthique et moral

Cette nouvelle capacité à créer des fausses réalités crédibles en photos, vidéos ou audios soulève des questions sur notre perception de la vérité et des faits. D'ailleurs, avez-vous écouté Johnny chanter les Pokémon ?

Il était déjà compliqué avant l’IA de savoir si une information propagée par les réseaux sociaux était une infox ou une véritable information. Certains médias comme Le Monde ont fait preuve de pédagogie pour donner des clés de compréhension, de vérification des informations, des sources, du contexte… Mais cela relève clairement du parcours du combattant.

Aujourd’hui, avec l’IA, on invente le monde que l’on veut, on crée à volonté des vérités alternatives, qui plaisent tant à un certain Donald Trump. Voyez en France la fausse nièce de Marine Le Pen, créée de toutes pièces et qui compte déjà plus de 30 000 abonnés sur TikTok.

L’amélioration technique de l’IA n’est très certainement pas un progrès éthique et moral. Elle ouvre grand les portes à toutes les manipulations. Avec le risque de deux grandes tendances : ceux qui ne croiront plus à rien et se méfieront de tout… au risque de devenir complotistes. Et ceux qui croiront à tout ce qu’ils verront… au risque de devenir également complotistes ?

À moins… À moins, et j’ose espérer que nous irons dans cette direction, que nous finissions, par expérience, par identifier ce qui sera produit par l’lA. Certes parfait sur le plan technique, mais justement trop lisse. Ne se lasse-t-on pas déjà des films hollywoodiens aux effets spéciaux hyper réalistes et sans limites, qui finalement rendent totalement abstraite la réalité ?

La valeur humaine et ses imperfections seront peut-être ce en quoi nous aurons envie de croire dans quelque temps. Comme les produits alimentaires labellisés « sans additif », nous chercherons peut-être à l’avenir des contenus labellisés « créé sans IA ».

Illustration : « Johnny chante les Pokémon », créée avec Leonardo IA et Adobe Firefly.

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