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4 consignes aux communicants pour répondre à l’impératif participatif

Publié le : 17 janvier 2022 à 21:38
Dernière mise à jour : 20 janvier 2022 à 12:13
Par Bernard Deljarrie

Il est professeur de sciences politiques, membre de la Commission nationale du débat public. Il arpente les tribunes et rencontre les acteurs publics avec une idée fixe : ranimer une démocratie qui s’effondre. Intervenant lors du Forum de la communication publique de Rennes en décembre 2021, il a bien failli désespérer le millier de participants. Car l’état des lieux de la démocratie dans le monde pourrait conduire au plus grand pessimisme. Mais, pour Loïc Blondiaux, « la situation semble désespérée mais cela doit vous conduire justement à agir ».

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L’état des lieux de la démocratie dans le monde pourrait conduire au plus grand pessimisme. Mais Loïc Blondiaux fait partie de ces penseurs qui considèrent que la question démocratique est la première des batailles et qu'elle n’est pas vaine. Sans la transformation de nos institutions, les crises sociales qui vont s’amplifier nécessairement ne se régleront pas, ni la crise environnementale qui ne peut que progresser et pourrait conduire à mettre à mal nos institutions démocratiques. Aussi invite-t-il tous les communicants publics, non seulement à contribuer à améliorer le fonctionnement de nos institutions démocratiques, mais aussi à les défendre partout où elles sont menacées. C’est la raison d’être, la mission et le cadre de travail des communicants publics qui lui semblent aujourd’hui menacés.

Détecter les « bonnes nouvelles »

Que pouvons-nous donc faire ? D’abord ne pas être pessimiste et savoir détecter les « bonnes nouvelles », nous rassure Loïc Blondiaux.
Les revendications pour les droits, les droits des femmes, des minorités, le statut des animaux… ces mouvements progressent, explique Loïc Blondiaux. Le mouvement pour l’égalité, qui est le propre de la démocratie, comme disait Tocqueville, se poursuit.

© Julien Mignot / Cap'Com

Il y a aussi une aspiration profonde à la démocratie, comme le montrent les mouvements sociaux comme les gilets jaunes, ou les mobilisations pour le climat. Pour une démocratie plus inclusive, plus horizontale, plus respectueuse des idées des uns et des autres, plus coopérative. Il y a aussi une vraie disponibilité pour la politique. Un intérêt constant, que constatent toutes les études, notamment chez les jeunes. Il y a l’aspiration pour une démocratie du « faire », c’est-à-dire une volonté à contribuer véritablement. La focalisation a trop porté sur les discours, sur les idées, sur les programmes, mais aujourd’hui la disponibilité est plutôt à l’action, au fait de changer les choses en agissant autour de l’imagination, de l’expérimentation.

Nous redécouvrons aujourd’hui le tirage au sort, l’initiative citoyenne, la révocation, tout un ensemble d’outils que l’on avait abandonnés au profit de l’élection. Il y a partout des expériences d’assemblées délibératives, de processus participatifs, qui tracent une voie nouvelle pour notre démocratie. C’est une véritable vague délibérative qu'il faut savoir discerner.

Les quatre voies de l’impératif participatif

Mais, pour ranimer la démocratie, Loïc Blondiaux veut aller plus loin. Il révèle quatre voies à suivre, quatre impératifs participatifs.

I - L’action éducative

La première est la voie de l’action éducative. « Nos politiques scolaires forment des élites proches de l’arrogance dans leur revendication d’une prétendue compétence. » Elles créent aussi beaucoup de souffrance pour ceux qui n’ont pas réussi selon les critères scolaires. Elles n’apprennent rien des compétences qui permettent de réfléchir ensemble, de débattre.

II - Les réformes institutionnelles

En numéro deux, la voie de la réforme institutionnelle. Il y aurait bien des changements à faire dans nos institutions pour les rendre plus participatives, des réformes qui pourraient être conduites relativement facilement. Changer nos manières de voter, par exemple, en introduisant la proportionnelle mais aussi le vote par jugement majoritaire, que défend l’universitaire.

Le vote par jugement majoritaire

Pour la première fois, un sondage Opinion Way – Mieux Voter a interrogé un même panel représentatif de Français sur leurs intentions de vote aux élections présidentielles de 2022 selon deux modes de scrutin différents : le scrutin uninominal majoritaire et le jugement majoritaire.
Résultat : les équilibres sont bouleversés ! Valérie Pécresse arrive en tête, la gauche remonte dans le classement et Éric Zemmour se classe dernier. 65 % des Français seraient favorables à l'adoption du scrutin par jugement majoritaire pour les élections présidentielles.

III - La voie locale

En troisième position, la voie locale à une échelle plus réduite, où il est possible de transformer les choses, d’expérimenter des formes de démocratie plus authentiques. Les citoyens s’investissent à ce niveau local et le bilan des expériences est encourageant. De vraies politiques participatives se développent dans certaines villes. Des dispositifs conduisant à une véritable gouvernance participative ont fait leurs preuves. Notamment le budget participatif, s’enthousiasme Loïc Blondiaux, même s’il y a des caricatures, reconnaît-il. Ou encore les assemblées citoyennes, comme la Convention pour le climat « qui a démontré la capacité d’une assemblée d’être une instance législative, même si la traduction de leurs travaux est décevante ». Mais le problème est que « la synchronicité de ces expériences et leur unicité sont laborieuses et que pendant ce temps les systèmes de solidarité nationaux et de gouvernance des États se décomposent ».

Communiquer sur les résultats

La communication est là pour faire fonctionner les outils participatifs. Sans elle, la plupart des citoyens ne s’y associeraient pas, ne se sentiraient pas concernés. Elle porte les dispositifs, accompagne leur mise en place et leur déroulement. Mais elle doit aussi – et plus fortement selon Loïc Blondiaux – informer sur les résultats. « Il y a un déficit très fort en France sur la reconnaissance de l’apport des citoyens, il y a encore beaucoup de mépris. » Cette absence d’information sur les résultats crée de la déception et explique souvent la démobilisation.

IV - La voie de l’impératif démocratique

Le recours à des formes d’innovation démocratique visant à associer les citoyens aux processus de décisions publiques, visant à organiser une délibération inclusive entre tous ceux qui sont concernés par ces décisions, est absolument impératif. Mais les obstacles sont nombreux, à nous de les dépasser.
Comme tous les acteurs publics, il appartient aux communicants de ne pas être en retard sur les attentes des citoyens. Trop d’acteurs publics considèrent encore que la participation est un frein à leur action, qu’elle coûte et conduit à complexifier la décision. Et pourtant, sans plus aucun doute, « les processus participatifs aboutissent à de meilleures décisions, nous le constatons chaque fois », insiste celui qui participe à la Commission nationale du débat public.

Soyez convaincu que la participation est utile, non pas à l’image de l’exécutif, mais à la qualité de la décision publique et à son acceptation.

Loïc Blondiaux

Communicants publics, ne raisonnez pas en termes d’outils, interpelle Loïc Blondiaux, mais en termes de projet politique et soyez convaincus que la participation est utile, non pas à l’image de l’exécutif, mais à la qualité de la décision publique et à son acceptation. Admettons que le conflit, le débat, font partie du jeu démocratique, que la reconnaissance de l’expertise des citoyens ne menace pas, au contraire, le rôle de l’exécutif.
Ce changement de paradigme est fondamental et les communicants publics peuvent y contribuer.

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