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Qui est vraiment derrière le mug « J’❤ ma collectivité » ? 

Publié le : 15 mai 2025 à 07:07
Dernière mise à jour : 15 mai 2025 à 12:32
Par Mary Mackay

Imaginez. Nous sommes à une réception, un événement interne organisé pour les agents de la collectivité : cérémonie des vœux, des médaillés ou retraités, galette des rois, teambuilding en tout genre. À ce moment de la soirée où nos dirigeants nous remettent un cadeau pour nous signifier toute leur gratitude. Imaginez.

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Par Mary Mackay,
responsable de la communication interne de Pays de Montbéliard Agglomération, membre du Comité de pilotage de Cap'Com.

Ou en fait non, nous sommes simplement un lundi matin, nous arrivons à notre bureau et là, que découvrons-nous, posé sur notre bureau ? Un mug. Mais pas n’importe quel mug ! Stylisé, moderne, tout droit sorti d’un catalogue, d’un marché public et d’un bon fichier vectoriel. Une porcelaine immaculée assortie d’un message en bichromie : « J’❤ ma collectivité ».

Alors dites-moi, fierté ou gêne ? Objet totem ou gadget inutile ?

Depuis quelques années, on assiste à une prolifération de ces objets de communication interne : tote bags, stylos, tee-shirts, gourdes, agendas… souvent estampillés de slogans aux élans affectifs. On pourrait croire à une communication interne bienveillante, joyeuse, engageante. Bien sûr, c’est parfois le cas et certaines collectivités ont réussi le pari de mobiliser ainsi leurs collaborateurs. Mais parfois, on y décèle autre chose : une tentative désespérée de compenser ce qui manque vraiment. Parce qu’un cadeau, c’est sympa, mais ça ne remplace ni une vraie reconnaissance professionnelle, ni une parole managériale sincère. Un stylo « fier d’être agent » n’écrira jamais ce que personne n’ose dire en réunion. Et un tee-shirt floqué « équipe mobilisation bien-être » ne cachera pas longtemps un burn-out déguisé en arrêt maladie.

Quand le cadeau remplace le merci

Cette communication s’achète (kits, goodies, slogans…) et perpétue cette étrange logique des cadeaux institutionnels appliquée à l’interne mais qui ne répond, au fond, à aucun besoin réel. Ou, tout du moins, pas au besoin de reconnaissance exprimé par les agents. Peut-être est-il bon de rappeler que le terme goodies se traduit en français par « petit cadeau » et par « objet publicitaire ». Une publicité pour une marque ou un produit. Aussi posons-nous simplement cette question : l’attachement – que l’on ressent pour notre collectivité, ou que l’on souhaite faire ressentir – peut-il faire l’objet d’un marquage publicitaire ? Avec ce risque de décalage entre message transmis « on vous aime » ou « aime-moi » – selon d’où on place le point de vue – et réalité perçue : « On vous offre cela car c’est simple à produire et que ça ne coûte pas cher. » Il ne s’agit pas de bouder les goodies. Il s’agit de ne pas en faire le cœur de la relation. Un objet, aussi bien pensé soit-il, ne crée pas du lien. Il l’illustre… quand celui-ci existe déjà. Non, un cadeau ne peut pas devenir une monnaie d’échange émotionnelle.

Qui se cache derrière l’iconographie de la reconnaissance ?

Des dirigeants pensant illustrer la fierté et l’appartenance ? Des agents arborant un engagement sincère ? Il y a probablement autant de réponses que d’individus. Mais ces objets disent quelque chose : un besoin de gratitude, de légitimation, de lien, de sens. Un besoin de faire corps. Et si on offrait d’abord une autre forme de relation : du temps, de l’écoute, de vrais signes ? Une communication interne structurée, qui s’appuie sur les besoins et attentes de l’ensemble des parties prenantes. Une communication interne singulière et impactante. Une tasse sérigraphiée ne vaut rien sans une culture de la reconnaissance authentique. Qui peut penser que l’amour du service public passera par un cadeau produit à moindres frais et dont le bilan carbone fera encore plus mal au cœur ? Peut-être quelqu’un qui imagine bien faire, préférant offrir un objet que de poser la question : « Comment tu vas, vraiment, dans ta collectivité ? » Mais poser la question, c’est aussi en accepter la réponse, et peut-être boire la tasse.

Pour la petite histoire… de cœur

Tous ces cœurs n'auraient sans doute pas envahi nos mugs et autres goodies sans la création du fameux logo « I ❤ NY ». « Certains logos marquent durablement les territoires, à tel point qu'ils deviennent des standards copiés partout dans le monde ! En 1977, alors que New York était aux prises avec des dizaines d’incendies et un tourisme en chute libre, la ville a engagé un artiste pour redorer son image », explique Damien Pfister, directeur de la communication et des relations publiques de la ville de Villeparisis. « Son fameux croquis, réalisé à l’arrière d’un taxi jaune, est devenu le logo le plus imité de l’histoire. »