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Communication électorale : attention aux dépenses des candidats

Publié le : 27 novembre 2018 à 16:23
Dernière mise à jour : 2 avril 2020 à 18:35
Par Rolande Placidi

« Soyez vigilants », nous explique Rolande Placidi, avocate spécialisée, alors que débute ce 1er septembre 2019 la période électorale des municipales. Les dépenses de communication des candidats doivent respecter le cadre légal jusqu'aux élections des 15 et 22 mars 2020.

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Avocate au barreau de Strasbourg, ancienne directrice de cabinet en collectivité, et formatrice pour le réseau Cap'Com, Rolande Placidi (r.placidi@placidi-avocats.eu) intervient en droit électoral, droit de la communication et sur les questions touchant à l’intercommunalité. Elle accompagne de nombreuses collectivités dans leur stratégie de maîtrise des risques liés à leur communication. À quelques mois des élections municipales et communautaires de 2020, elle précise ici les règles applicables au financement d'une campagne électorale.

Dans les communes d’au moins 9 000 habitants, les candidats aux élections municipales des 15 et 22 mars 2020 doivent maîtriser les règles relatives au financement d’une campagne électorale. Ces règles visent à renforcer l’égalité entre les candidats en instaurant un plafond des dépenses. Les candidats ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés peuvent, à condition qu’ils aient parfaitement respecté la législation, voir l’État procéder au remboursement des dépenses à caractère électoral effectivement engagées et ce dans la limite de 47,5 % de ce plafond. Cet avantage exige toutefois une contrepartie : le respect de la transparence financière par le dépôt d’un compte de campagne retraçant la totalité des dépenses et des recettes accompagné de tous les justificatifs afférents.

Pour tous les candidats, et quelle que soit la taille de la commune (y compris dans les communes de moins de 9 000 habitants), le don par une personne morale publique ou privée, française ou étrangère, est interdit. Il s’agit d’une règle à caractère substantiel dont la méconnaissance est susceptible d’entraîner le rejet du compte de campagne. Seuls les partis politiques ou groupements politiques qui se conforment à la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique peuvent financer librement et sans limitation de plafond les campagnes électorales.

Le kit de la communication en période électorale

Période électorale et financement de campagne : les échéances à retenir

  • 1er septembre 2019 : ouverture de la période de financement électoral et de restrictions apportées par le droit électoral à la communication institutionnelle
  • 7 février 2020 : date limite d'inscription sur les listes électorales
  • 2 mars : ouverture de la campagne officielle
  • 14 mars : veille du scrutin, interdiction de diffuser des messages à caractère de propogande électorale
  • 15 mars : 1er tour de l’élection municipale interdiction de diffuser des résultats avant la fermeture des derniers bureaux de vote
  • 21 mars : veille du scrutin, interdiction de diffuser des messages à caractère de propogande électorale
  • 22 mars : 2e tour de l’élection municipale interdiction de diffuser des résultats avant la fermeture des derniers bureaux de vote
  • 22 mai avant 18 heures : date ultime pour procéder au dépôt du compte de campagne

1. Les formalités à accomplir pour les candidats aux élections municipales dans les communes d’au moins 9 000 habitants

L’ouverture de la période de financement électoral débute le premier jour du sixième mois (modification apportée par l’article 2 de la loi n° 2016-508 du 25 avril 2016) précédant le premier jour du mois de l’élection, c’est-à-dire concrètement le 1er septembre 2019 pour les élections municipales des 15 et 22 mars 2020. À compter de cette date, toutes les dépenses électorales doivent figurer dans le compte de campagne. L’attention des candidats est attirée sur le fait que, si des prestations étaient achetées avant le 1er septembre 2019 mais qu’elles continuaient à être livrées ou utilisées pendant la période des six mois, leur coût devra être inscrit au compte de campagne, en tout ou partie.

Bien évidemment, le candidat devra respecter le plafond légal des dépenses propre à sa circonscription.

En outre, la loi électorale prévoit que le candidat tête de liste déclare un mandataire financier, lequel recueillera les fonds destinés à la campagne et réglera les dépenses, après avoir ouvert un compte bancaire unique qui retracera l’ensemble des opérations financières.

Chaque candidat devra déposer ou adresser son compte de campagne, daté, signé et certifié exact, à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Pour les élections municipales des 15 et 22 mars 2020, ce dépôt devra donc intervenir le vendredi 22 mai 2020 à 18 heures au plus tard. Ce compte aura été au préalable visé par un expert-comptable.

Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit.

2. Le mandataire financier

Le mandataire financier est une personne physique ou une association de financement électorale (AFE). Il appartient au candidat de décider librement de nommer un mandataire personne physique ou bien de créer une association de financement électorale. L’objet de cette association de financement est spécifique, son existence est limitée. Cette association agit exclusivement au nom et pour le compte du candidat qui bénéficie de son concours.

Le mandataire financier ne peut être commun à plusieurs candidats pour une même élection. De même, les colistiers ne peuvent assurer la fonction de mandataire financier pour leur propre campagne électorale et ne peuvent pas être membres de l’association de financement créée pour leur campagne électorale. L’expert-comptable chargé de la présentation du compte de campagne ne peut pas exercer les fonctions de mandataire financier ni celles de président ou de trésorier de l’association de financement du candidat. La méconnaissance de ces dispositions entraîne le rejet du compte de campagne par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Le mandataire financier, personne physique ou association de financement électorale, doit être déclaré en préfecture par le candidat dès qu’il le souhaite et au plus tard lors de l’enregistrement de la candidature, laquelle est conditionnée par l’accomplissement de cette formalité substantielle. Dès la déclaration du mandataire, le candidat ne peut plus régler directement les dépenses électorales, même s’il se fait rembourser par la suite par le mandataire. Le règlement direct de dépenses par le candidat est uniquement toléré pour les menues dépenses c’est-à-dire à la fois « faibles » par rapport au total de celles-ci effectivement engagées et « négligeables » au regard du plafond des dépenses (conditions cumulatives).

Le mandataire financier est l’intermédiaire du candidat avec les tiers. À ce titre, il perçoit tous les fonds destinés au financement de la campagne, il est tenu de délivrer les reçus-dons aux donateurs. Il règle les dépenses de campagne par l’émission de chèques tirés sur le compte bancaire unique ouvert spécifiquement pour la campagne ou par carte bancaire à débit immédiat tout en s’assurant du respect du plafond légal des dépenses.

Le mandataire financier est chargé d’ouvrir le compte bancaire unique qui va retracer la totalité des dépenses et des recettes de la campagne ayant donné lieu à un mouvement financier. En cas de difficulté pour obtenir l’ouverture du compte bancaire spécifique, la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique prévoit dans son article 28 la possibilité de recourir au médiateur du crédit.

Les formalités à accomplir entre le 1er septembre 2019 et le 1er tour du scrutin :

Par le candidat

  • Déclarer un mandataire financier au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée.
  • Déclarer sa candidature auprès de la préfecture compétente.
  • Désigner un expert-comptable avant la fin de la campagne électorale.

Par le mandataire financier

  • Ouvrir un compte bancaire unique.
  • Se procurer les moyens de paiement adéquats (pas de carte bancaire à débit différé).
  • Recueillir les recettes sur le compte bancaire unique.
  • Régler les dépenses à partir du compte bancaire unique et conserver tous les justificatifs. À compter de la date de déclaration en préfecture du mandataire financier, seul ce dernier est autorisé à régler les dépenses, à l’exception des formations politiques entrant dans le champ de la loi de 1988.
  • Délivrer les reçus-dons aux donateurs.
  • Tenir une main courante journalière.

3. Les dépenses à caractère électoral

Les dépenses de campagne sont plafonnées. L’ensemble des dépenses effectuées pendant la période de financement autorisée doit figurer dans le compte de campagne, hormis les dépenses de la campagne officielle. Ces dépenses doivent transiter par le compte bancaire unique du mandataire financier, à l’exception des concours en nature dont le candidat a bénéficié et des dépenses payées directement par le parti politique.

Les critères permettant d’apprécier le caractère électoral de la dépense sont les suivants :

  • le critère de l’objet : sont électorales les dépenses engagées en vue de l’obtention des suffrages des électeurs ;
  • le critère de la date : les dépenses inscrites au compte de campagne doivent avoir été engagées ou effectuées pendant la période de financement autorisé, c’est-à-dire, pour les élections municipales des 15 et 22 mars 2020, à compter du 1er septembre 2019 et jusqu’à la date où l’élection est acquise. Les dépenses effectuées le jour du scrutin ou postérieurement à l’élection ne sont pas des dépenses électorales. Attention toutefois, la Commission considère que, si des prestations ont été effectuées avant le 1er septembre 2019, c’est-à-dire avant l’ouverture de la période légale de financement, qui continueraient à être livrées ou qui seraient utilisées après cette date, elles doivent être inscrites dans le compte de campagne. Si un candidat achète par exemple des timbres avant le 1er septembre 2019 et qu’il les utilise après cette date dans le cadre de la campagne, la dépense devra être mentionnée dans le compte de campagne ;
  • le critère de la qualité de la personne : pour être électorale, la dépense doit avoir été engagée par le ou les candidats ou par un tiers pour le compte du candidat, c’est-à-dire avec son accord. Les colistiers sont considérés comme des candidats.

Parmi ces dépenses à caractère électoral, certaines sont remboursables par l’État et d’autres ne le sont pas. Ainsi ne sont pas remboursables les concours en nature et les dépenses payées directement par un parti politique ou un groupement politique. Ces deux catégories de dépenses doivent toutefois figurer dans le compte de campagne dans les rubriques adaptées afin de permettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques de vérifier que le plafond des dépenses est bien respecté par le candidat.

Ne sont également pas remboursables les dépenses pour lesquelles les justificatifs sont absents ou insuffisants. Il appartiendra, dès lors, au mandataire financier d’être particulièrement rigoureux dans la conservation des justificatifs (factures).

4. Les recettes 

Il n’y a pas de plafond légal des recettes encaissées par le mandataire. Le mandataire financier doit être déclaré avant tout encaissement des recettes.

Les recettes sont constituées par les catégories suivantes.

  • Les dons consentis par les personnes physiques

Le don est le financement consenti à un candidat par un tiers, à titre définitif et sans contrepartie. Depuis la loi du 15 septembre 2017, seules les personnes physiques de nationalité française ou résidant en France peuvent désormais verser un don à un candidat. Le mandataire financier devra s’assurer du respect de ces conditions.
Les montants des dons des personnes physiques sont limités à 4 600 euros pour une même élection tous candidats confondus ; le montant global des dons en espèces ne doit pas dépasser 20 % du plafond des dépenses dans les circonscriptions où celui-ci est égal ou supérieur à 15 000 euros. Tout don supérieur à 150 euros doit être versé par chèque, virement, prélèvement automatique ou carte bancaire.

Seul le mandataire financier doit recueillir les dons, si le candidat perçoit directement ces dons, le compte de campagne est irrégulier.

S’agissant des dispositifs de paiement en ligne, le Conseil constitutionnel a décidé le 25 mai 2018 que les dons collectés au moyen d’un dispositif de paiement en ligne doivent être versés directement sur le compte de dépôt unique du mandataire, ce qui exclut notamment le recours à un système de paiement faisant transiter les fonds par un compte tiers, même lorsque ce dernier est ouvert au nom du mandataire financier.

Le mandataire est tenu de délivrer un reçu-don à chacun des donateurs et ce quel que soit son montant. Toutefois, seuls les dons effectués par chèque, virement, prélèvement automatique ou carte bancaire donnent droit, pour les donateurs, à un crédit d’impôt sur le revenu. Celui-ci est égal à 66 % du montant du don dans la limite de 20 % du revenu imposable.

La liste des donateurs, comportant désormais l’indication de la nationalité et du pays de résidence, devra être jointe au compte de campagne en suivant l’ordre de délivrance des reçus.

Les contributions du candidat, des colistiers ne sont pas des dons mais des apports personnels.

  • L’apport personnel du candidat

Ce sont les fonds provenant du patrimoine personnel du candidat (et/ou de ses colistiers). Ces apports seront versés sur le compte bancaire unique spécialement ouvert par le mandataire financier. Les versements doivent intervenir avant le dépôt du compte de campagne. Le candidat doit être en mesure de justifier l’origine de ces fonds.

  • Les emprunts contractés par le candidat

Ces emprunts peuvent être souscrits auprès d’organismes bancaires, de partis politiques ou de personnes physiques.

L’emprunt contracté auprès d’un organisme bancaire doit être souscrit par le candidat et non pas par le mandataire. La copie du contrat de prêt doit être jointe au compte de campagne, ainsi que l’échéancier des intérêts.

Nouveauté : la loi du 15 septembre 2017 impose désormais le recours à des établissements de crédit ou sociétés de financement ayant leur siège social dans un État membre de l’Union européenne ou partie à un accord sur l’Espace économique européen.

Des emprunts peuvent également être souscrits auprès des partis politiques ou auprès de personnes physiques mais des conditions particulières doivent être respectées (article L. 52-8 et L. 52-7-1 du Code électoral).

  • Les concours en nature

Il s’agit de toutes les prestations dont le candidat a pu bénéficier, qui n’ont pas donné lieu à une facture ou à un mouvement de fonds, ou ayant fait l’objet d’une évaluation. Ces concours doivent être inscrits en recettes et en dépenses. Les concours en nature provenant de personnes morales sont bien évidemment interdits.

Les formalités à accomplir entre la date de l’élection et le 10e vendredi suivant le 1er tour du scrutin (date limite de dépôt du compte de campagne)

Par le candidat

  • Faire viser le compte par l’expert-comptable désigné.
  • Déposer le compte de campagne dans le délai imparti. Le candidat est seul responsable de son compte de campagne.

Par le mandataire financier

  • Encaisser les dernières recettes et payer les factures non encore acquittées.
  • S’assurer que toutes les factures ont été acquittées.
  • Délivrer les reçus-dons aux donateurs.
  • Finaliser la main courante journalière.
  • Produire tous les justificatifs des recettes, des dépenses ainsi que les documents bancaires.

5. Les conséquences et sanctions

En cas de dépassement du plafond des dépenses électorales, d’absence de dépôt du compte de campagne ou de dépôt tardif, ou en cas de volonté de fraude ou d’un manquement d’une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales, l’article L. 118-3 du Code électoral prévoit que le juge de l’élection peut prononcer l’inéligibilité du candidat.

En outre, dans certaines hypothèses, le candidat perd également le bénéfice du remboursement forfaitaire. En cas de dépassement du plafond des dépenses, il sera également contraint de verser au Trésor public une somme égale au montant du dépassement (article L. 52-15 du Code électoral).

Enfin, l’article L. 113-1 du Code électoral prévoit les sanctions pénales suivantes. « I. – Sera puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende tout candidat, en cas de scrutin uninominal ou binominal, ou tout candidat tête de liste, en cas de scrutin de liste, qui : 1° aura, en vue de financer une campagne électorale, recueilli des fonds en violation de l'article L. 52-4 ;
2° aura accepté des fonds en violation des articles L. 52-7-1, L. 52-8 ou L. 308-1 ;
3° aura dépassé le plafond des dépenses électorales fixé en application de l'article L. 52-11 ;
4° n'aura pas respecté les formalités d'établissement du compte de campagne prévues aux articles L. 52-12 et L. 52-13 ;
5° aura fait état, dans le compte de campagne ou dans ses annexes, d'éléments comptables sciemment minorés.

II. – Sera puni d' un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende tout candidat, en cas de scrutin uninominal ou binominal, ou tout candidat tête de liste, en cas de scrutin de liste, qui :
1° aura bénéficié, sur sa demande ou avec son accord exprès, d'affichages ou de publicité commerciale ne respectant pas les articles L. 51 et [L. 52-1](L. 52-1) ;
2° aura bénéficié, sur sa demande ou avec son accord exprès, de la diffusion auprès du public d'un numéro d'appel téléphonique ou télématique gratuit.

III. – Sera puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende quiconque aura, en vue d'une campagne électorale, accordé un don ou un prêt en violation des articles L. 52-7-1 et L. 52-8. Lorsque le donateur ou le prêteur sera une personne morale, le premier alinéa du présent III sera applicable à ses dirigeants de droit ou de fait.

IV. – Sera puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende quiconque aura, pour le compte d'un candidat, d'un binôme de candidats ou d'un candidat tête de liste, sans agir sur sa demande ou sans avoir recueilli son accord exprès, effectué une dépense de la nature de celles prévues à l'article L. 52-12.

V. – Sera puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende le fait, pour un candidat bénéficiaire d'un prêt conclu dans les conditions prévues à l'article L. 52-7-1, de ne pas transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques le document mentionné au dernier alinéa du même article L. 52-7-1. »

Les candidats attacheront donc une particulière attention au respect du plafond des dépenses, au choix du mandataire financier, à la présentation du compte de campagne puisque les sanctions pénales ont été aggravées par les dispositions de l’article 26 de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.