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Le marketing territorial pour les nuls

Publié le : 14 février 2018 à 11:49
Dernière mise à jour : 23 mars 2018 à 12:07
Par Marc Thébault

On a souvent le sentiment que la complexité est à fuir comme la peste, « les gens » ne comprenant rien à rien ! Pourtant, et surtout dans nos métiers où la tentation du simplisme et du jugement définitif sur les capacités cognitives des « gens » ne sont pas rares, il est des sujets complexes, forcément. Et si nous parvenions, néanmoins, à les rendre intelligibles sans pour autant sombrer dans l’outrance d’une simplification forcenée, Après tout, c’est aussi un exercice ce communication aussi, non ? Tentons donc l’exercice avec le marketing territorial. Voilà un thème bien complexe comme il faut et, dans le même temps, sujets à de trop nombreuses réductions de points de vue. Mon postulat de départ : le marketing territorial c’est, après tout, relativement simple à comprendre, il suffit juste de répondre, dans l’ordre, à 8 questions.

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Par Marc Thébault

D'abord une définition

Parfois confondu avec une simple opération de communication ou régulièrement réduit à la création d’une « marque », le marketing territorial mérite pourtant que l’on prenne quelques minutes pour revenir sur sa définition.

Mais, d’abord, redéfinissions le marketing lui-même. Pour Philip Kotler, grand maître américain du marketing : « Le marketing est la fonction qui identifie les besoins et les désirs non satisfaits, définit et mesure leur ampleur et leur rentabilité potentielle, détermine les marchés cibles que l’entreprise est la mieux placée pour servir, décide des produits, services et programmes d’actions les plus appropriés et demande à tout le monde, au sein de l’entreprise, de se mettre à l’écoute et au service du client ».

Qu’en est-il du marketing territorial ? Le marketing territorial est donc l’appropriation, par les territoires (et leurs institutions) des principes du marketing marchand, donc de la définition présentée ci-dessus, dont chaque mot est important. Dans Marketing territorial – Enjeux et pratiques (éditions Vuibert), Benoît Meyronin affirme, en conclusion de son ouvrage, que la meilleure définition serait sans doute : « comment faire de ma ville, de mon territoire, une chose et une histoire belles et désirables pour ceux qui y vivent et pour ceux que je souhaite séduire et attirer ? ». Il y a bien d’autres définitions que j’ai déjà présentées. Celle-ci a ma préférence pour l’instant.

Ensuite une méthode

Le marketing territorial est, je me répète, assez simple à comprendre, il suffit juste de répondre aux 8 questions suivantes : Que souhaite vendre le territoire ? À qui ? Face à quels concurrents ? Sur quelle base argumentaire, propre au territoire ? Avec quelle mobilisation interne (ou intra-muros) ? Avec quel plan d’action ? Épaulé par quels partenaires ? Avec quels outils et indicateurs d’évaluation ?

1 > Que souhaite vendre le territoire ? Avec cette première question on constate évidemment la nécessité de définir le projet à l’origine de la démarche. Parlons, pour être plus dans l’esprit du marketing, de l’offre que l’on veut promouvoir. Offre relative à un "marché" particulier (ou une part de ce marché) que l’on aura, au préalable, pris le soin d’étudier. Donc, en ligne de mire, des objectifs à atteindre seront à fixer également, ne serait-ce que pour répondre à la huitième et dernière question, celle de l’évaluation.

Les notions à maîtriser : Offre - Marché

2 > à qui le territoire veut-il vendre ? Il s’agit ici de la phase de détermination des cibles (que l’on cherchera à transformer en prospects, puis en clients) à qui l’on va s’adresser. D’où l’émergence de la notion de "segmentation". Puis, un travail sur l’offre territoriale sera entrepris pour affiner son adéquation aux attentes et besoins des cibles choisies : leurs demandes. Voici un autre enseignement du marketing, c’est la demande qui conditionne l’offre, rarement l’inverse.

Les notions à maîtriser :- Segmentation - Demande

3 > Face à quels concurrents est-il ? Il s’agit ici : - d’une part, de détecter quels sont les vrais concurrents, à la fois en terme de positionnements, de taille, de notoriété, d’offres … et donc d’écarter les faux concurrents : ceux qui ne représentent en fait pas de risques et/ou ceux qui pourraient même devenir des alliés. - d’autre part, d’analyser leurs démarches afin de s’adapter pour mieux se démarquer. Devenir donc plus lisible, plus visible et plus crédible, mais surtout rendre son offre perceptiblement supérieure à celles des concurrents. De là, une concentration à avoir sur l’argumentaire à développer pour lequel on privilégiera les arguments vraiment discriminants, fuyant donc comme la peste ce qui relève de l’air du temps ou de phénomènes de mode. C’est justement l’objet de la question suivante.

Les notions à maîtriser : Concurrence - Différenciation - Discrimination

4 > Sur quelle base argumentaire, propre au territoire, va se fonder la stratégie ? Nous pouvons aussi évoquer la notion de "positionnement". Ou de narration, car il est bien question d’écrire l’histoire (le récit) qui rendra le territoire et son offre d’abord visibles et lisibles, puis plus attractifs que d’autres. Surtout, différents. Pour répondre à cette question complexe, il conviendra de procéder au "diagnostic territorial", à savoir : - retrouver ses fondamentaux identitaires : recenser les éléments (matériels et immatériels) caractéristiques de l’identité du territoire, principalement ceux qui permettront de révéler l’essence même du territoire. Ce qui va bien au-delà de la simple description du territoire et de la présentation de ses chiffres-clefs et aménités. - passer ces éléments au crible du regard des cibles pour déterminer leur perception, donc l’image (ou les images) du territoire qui émerge. - trier et classer ensuite dans ces éléments perçus, les signaux forts (ce qui est vu, su et/ou cru), les signaux potentiels (ce que les cibles pourraient accepter d’entendre et de croire) et les signaux faibles (ce qui n’est ni perçu, ni crédible). L’objectif : construire un argumentaire au service de l’offre, pour la doter d’une plus-value, d’une valeur qui doit être perçue par les cibles comme supérieure à celles des concurrents. Plus-value non artificielle (la réalité doit valider le discours) et fondée sur les éléments de la personnalité du territoire ("territorialisation" du discours donc) afin que les cibles perçoivent offres et territoires comme plus audibles et plus séduisants que la concurrence. Précision : on vient de le voir, la notion de "crédibilité" de l’offre est sous-jacente dans toute cette étape. Et elle est liée à la crédibilité du territoire lui-même à incarner l’offre et à la faire percevoir comme authentique.

Les notions à maîtriser : Diagnostic territorial - Identité (portrait identitaire) > les marqueurs identitaires - Image - Perception (analyse de la perception) - Visibilité et lisibilité - Crédibilité et authenticité - Valeur de l’offre - Territorialisation du discours - Positionnement

5 > Avec quelle mobilisation interne (ou intra-muros) va se construire le plan d’action ? L’objectif : mobiliser des soutiens. Ici, ce qui va importer, ce sont les notions de sensibilisation et de fédération : - de la population (terme générique regroupant toutes les composantes du territoire) pour repartager avec elle ce qui fait sens collectivement, faire redécouvrir (ou proposer de s’approprier) racines, histoire et valeurs communes puis développer la fierté d’appartenir à un même territoire et, enfin, lui proposer de porter le même discours. - de tous les services et personnels impactés dans les institutions qui sont concernées par la démarche globale.

Les notions à maîtriser : Sentiment d’appartenance - Faire"‟territoire" - Fédération - Partage

6 > Avec quel plan d’action ? Ici, c’est l’occasion de se plonger dans la notion de ‟marketing territorial mix” et ses 4, 5, 6 ou 7 « P » (voir aussi sous ce lien). C’est dans ce cadre que les opérations promotionnelles (la classique communication donc, qui n’est, ici, qu’un volet du marketing territorial, création de « marques » comprise) seront déterminées et réalisées. À retenir, une approche systémique est attendue, car chacun des P dépend des autres, mais les enrichit également. À noter aussi que ce plan d’action aura un double volet : - volet extra-muros : vers les cibles. - volet intra-muros : pour mobiliser toutes les forces du territoire.

Les notions à maîtriser : Stratégie d’action - Approche systémique - Planification - Communication

7 > Avec quels partenaires ? Là, nous évoquerons le champ délicat, mais indispensable à maîtriser, de la gouvernance collective pour : - Partager les mêmes objectifs. - Rassembler pour porter le même discours (éviter la cacophonie). - Mobiliser et mutualiser des moyens (financiers, matériels, humains, …). - Agir ensemble. Cette gouvernance collective s’appuyant sur des réseaux d’information et de diffusion existants ou à créer, afin de développer la "connectivité" des réseaux, d’abord entre eux, mais aussi avec les instigateurs de la démarche. Son aspect opérationnel demandant de définir un ‟pilotage”, avec son versant technique et avec son versant politique.

Les notions à maîtriser : Gouvernance collective - Pilotage - Partenariats - Stratégie de réseaux - Connectivité territoriale

8 > Avec quels outils et indicateurs d’évaluations ? Pas de démarche sans objectifs, donc sans mise en place d’indicateurs de réussite, donc d’outils de mesures, qu’il s’agisse d’évaluer les résultats quantitatifs ou des résultats qualitatifs.

Les notions à maîtriser : Evaluation - Quantitatif - Qualitatif

Pour compléter cette lecture, je vous recommande de jeter un œil à ce billet « Neuf « si » pour mettre le marketing territorial en bouteille », sous ce lien.