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Marque employeur : l’exemple du département des Yvelines

Publié le : 6 novembre 2020 à 17:23
Dernière mise à jour : 12 novembre 2020 à 11:05
Par Sylvain Léauthier

Comment les collectivités développent-elles leur marque employeur ? Pour défricher le terrain de la communication de recrutement, Sylvain Léauthier a interrogé Myriam Lepetit-Brière, directrice des ressources humaines du département des Yvelines, et nous rapporte cet échange avec une « DRH inspirante » qui crée des ponts entre communication et ressources humaines.

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Sylvain Léauthier est content manager, consultant en stratégie digitale et dirigeant de la fabrik à click. Il partage avec nous cet entretien déjà publié sur son blog.

Un vent de fraîcheur. C’est la sensation qui m’est venue à l’esprit après mon entretien avec Myriam Lepetit-Brière, directrice des ressources humaines au département des Yvelines.

Un vent de fraîcheur et une énergie folle, car on perçoit immédiatement la détermination de Myriam quand elle nous parle de son métier, de sa vision de la marque employeur dans sa collectivité, et de sa sensibilité pour la communication.

Après être passée par le groupe La Poste et l’Autorité des marchés financiers (AMF), Myriam débarque en février 2018 au département des Yvelines avec une carte blanche pour transformer la fonction RH.

La promesse avant tout

« On veut une DRH 4.0. » Immédiatement, Myriam s’approprie cette commande, aussi indéfinie qu’inspirante, faite à son arrivée par la direction générale.

La fonction RH ne peut se réaliser si on n’aborde pas l’aspect communication.

Attirer et recruter des talents qui sauront porter l’ambition du département, mobiliser les collaborateurs, professionnaliser la fonction RH : trois enjeux clés pour la définition de la marque employeur, parmi les six constituant la politique RH du département.

Une vision et une conviction forte : « La fonction RH ne peut se réaliser si on n’aborde pas l’aspect communication », déclare-t-elle.

Dès son arrivée, Myriam reprend en main la page entreprise LinkedIn du département et s’attaque à un point qui lui paraît central : clarifier la promesse employeur pour les candidats et collaborateurs : « Qu’est-ce qui fait notre différence ? (…) Il ne faut pas raconter une belle histoire mais être authentique… Je ne cherche pas à recruter exclusivement des fonctionnaires. Je cherche à recruter des compétences, qu’elles soient détenues par un fonctionnaire ou une personne issue du secteur privé  », souligne Myriam.

« Je veux de l’énergie ! »

Trois piliers émergent de cette réflexion :

  • le sens : agir pour l’intérêt général (une promesse qui fait sens pour les personnes provenant du privé) et l’innovation, œuvrer avec une liberté d’action ;
  • le développement de l’employabilité de tous les collaborateurs ;
  • trouver l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

Et si la baseline créée – « Mettez votre ambition au service de ce qui compte vraiment » – heurte des sensibilités en interne peu à l’aise avec la valeur d’ambition, Myriam persiste et signe, convaincue par ce message qui place l’ambition individuelle au service du collectif et non dans une opposition de valeurs.

« Au-delà des compétences, ce que nous cherchons c’est cette énergie qui met les personnes en mouvement ! », déclare Myriam avec force. Création d’un manifesto, repositionnement éditorial du compte entreprise LinkedIn, création d’un nouveau site dédié au recrutement, la DRH développe les supports mais aussi et surtout le contenu. « On a impliqué les collaborateurs afin qu’ils illustrent la promesse et qu’ils parlent de leur métier. »

Agent de maintenance au collège, sous-directeur des espaces verts, travailleur social, juriste… neuf vidéos présentant des personnes et leur métier sont réalisées dans cet objectif.

Former, faire progresser

Bien évidemment, les promesses doivent être en phase avec la réalité : la direction des ressources humaines du département des Yvelines s’engage à développer l’employabilité de ses collaborateurs : « On investit sur les compétences. Nous finançons beaucoup de formations, parfois même jusqu’au MBA. Nous nous attachons à ne pas fixer les gens, à dynamiser leur parcours professionnel et donc leur quotidien. »

Myriam met également en place des cycles de conférences organisées avec des experts sur des thèmes inspirants : place de la femme dans les organisations, potentiels cachés, responsabilisation, feedback entre collègues, psychologie positive.

Les conférences sont données sur le site principal à Guyancourt, qui rassemble 800 personnes (sur un total de 4 000), et aussi sur un autre site, et sont accessibles également en vidéo (en replay).

Objectifs : former, faire progresser les collaborateurs mais aussi faire changer les mentalités. « Certains peuvent avoir un a priori négatif vis-à-vis des conditions de travail dans les collectivités alors qu’on y trouve un environnement de travail protecteur et beaucoup d’avantages, comme le nombre de congés. »

Séance photo & formation LinkedIn au programme

Condition indispensable selon Myriam pour qu’une marque employeur puisse se diffuser efficacement : elle doit être portée par la direction. Elle prend donc une demi-journée pour former les managers à LinkedIn, organise une séance photo avec un photographe professionnel pour les 300 managers afin qu’ils puissent avoir une photo de qualité sur leur profil LinkedIn (et ainsi éviter la fameuse photo de plage recadrée qu’on choisit comme photo de profil parce qu’on a le teint hâlé et des lunettes de soleil). Myriam forme également son équipe à LinkedIn : « Quand je suis arrivée, un seul de mes n-1 avait un compte. » Et quand des collaborateurs lui demandent si utiliser LinkedIn est une obligation, Myriam leur répond simplement : « Non, mais il faut le faire si on veut donner envie à des personnes de rejoindre notre équipe. »

Quand la DRH dépoussière la com

Car Myriam est une communicante dans l’âme : sur la page LinkedIn, elle rompt avec le style institutionnel et recherche davantage de proximité avec ses publics. Il lui arrive de réécrire certains posts pour proposer des accroches moins conventionnelles qui interpellent le lecteur. « Je trouve que les communicants ont parfois un ton trop institutionnel, un peu coincé. Il faut s’autoriser plus de proximité. »

Résultat : la page LinkedIn du département passe de 3 800 à son arrivée à 15 000 abonnés aujourd’hui, dont un certain nombre travaillent dans d’autres départements, preuve de la force de la marque employeur du département des Yvelines. Myriam applique cette approche dans la communication avec ses collègues : « Au début, tout le monde me vouvoyait ; j’essaie de briser la frontière car, si on y parvient, on arrive à comprendre ses collègues, ce qui est bien évidemment fondamental. » Et Myriam d’ajouter, pleine de clairvoyance : « Et la proximité n’exclut pas le respect ! »

Communicante et hackeuse

Proximité et respect, vision utilisateur plutôt qu’institutionnelle, Myriam contourne les barrières, casse les silos et les codes de la « com institutionnelle » dans le ton, mais aussi dans l’usage des moyens de communication : elle crée un groupe WhatsApp pour communiquer avec son équipe, échange avec son DGS par message LinkedIn ; des pratiques qui feraient bondir plus d’un DSI ou d’un dircom qu’on imagine bien répondre en chœur : « Il faut utiliser nos outils internes pour communiquer (intranet et les mails) ! »

On peut toucher aussi, avec une affiche, des personnes saturées de messages sur le digital.

Myriam envisage en fait tous les moyens pour que les messages portés atteignent leur public : « hackage » des fonds d’écran des ordinateurs de tous les collaborateurs pour le lancement du nouveau site de recrutements, affichage papier pour certains messages : « Il faut revenir parfois à l’affichage. L’alphabétisation ne concerne pas tout le monde et certaines personnes ne sont pas du tout sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, on peut toucher aussi, avec une affiche, des personnes saturées de messages sur le digital. »

En fait, Myriam place le souci de l’utilisateur et du message avant le média, le pourquoi avant le comment.

Et c’est bien évidemment le fait de mettre l'utilisateur au début et au centre du processus qui fait aujourd'hui la différence dans un paysage médiatique saturé, alors que tant de communicants sont empêtrés, malgré eux, dans l'objectif de « représenter une institution » au détriment de celui « d’incarner une marque ».

Humaine, simplement humaine

Après tous ces chantiers menés en un peu plus de deux ans, Myriam travaille actuellement sur le déploiement d’une plateforme d’employee advocacy (SociallyUp) et sur une nouvelle campagne de marque employeur : « Il faut toujours surprendre, toujours se réinventer sur les modèles, les formats. »

Quand je lui demande, en fin d’entretien, d’où vient cette si vive sensibilité pour la communication, Myriam me répond tout simplement, comme une évidence : « De la vie, de mon expérience ! »

Après notre échange, je réalise que Myriam n’a jamais employé le terme de « personnels » ni « d’agents » (les équivalents de « salariés » dans le secteur public), mais de « gens » ou de « personnes », preuve qu’elle envisage la personne, avant de considérer la fonction.

Et c’est sans doute cette vision qui est le point commun et le trait d’union entre les fonctions de communication et de ressources humaines : l’humain au cœur et à la base de toute action, comme commencement et comme finalité.

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