Pages de com : « Guide anti-greenwashing » par Mathieu Jahnich et Valérie Martin
L’Ademe publie en 2025 une version entièrement actualisée de son guide anti-greenwashing, treize ans après la première édition. Conçu d’abord pour les communicants d’entreprise, du marketing et de la publicité, il répond au durcissement du cadre réglementaire, à la multiplication des affaires judiciaires et à l’attente croissante de transparence du public. Mais les communicants publics ne sont pas hors-champ : le guide souligne que les organisations publiques et les collectivités sont elles aussi exposées aux risques de surpromesse, d’allégations ambiguës ou d’imaginaires naturels trompeurs.
La nouvelle version du guide intervient dans un contexte où le greenwashing n’est plus un irritant : c’est un risque juridique, réputationnel et démocratique. Le document rappelle que les allégations environnementales trompeuses tombent désormais sous le coup de lois renforcées – loi AGEC, loi Climat et résilience, nouvelles directives européennes – et que les sanctions peuvent être lourdes : amendes, injonctions de retrait, obligation de publication des décisions.
Pour les communicants privés, c’est un outil de conformité ; pour les communicants publics, un repère clair sur les formulations à éviter, par exemple les expressions trop globales (« durable », « responsable ») appliquées à un service ou à une infrastructure, les représentations visuelles idéalisées de nature pouvant laisser croire à un impact nul ou bénéfique, ou les discours institutionnels laissant penser que l’action publique « protège la planète », alors que tout projet, même vertueux, comporte des impacts.
Même si le cœur de cible est clairement la communication commerciale (marques, agences, réseaux sociaux, influence, packaging), l’Ademe, partenaire de Cap'Com, précise que les organisations publiques sont également concernées. Le risque de greenwashing n’est pas réservé aux multinationales : « Une collectivité qui valorise une politique déchets, un réseau de transport ou une rénovation énergétique peut elle aussi surinterpréter ses résultats, accroître la confusion du public ou susciter de la défiance. »
La nouvelle édition de ce guide parle aussi aux territoires
Plusieurs passages du guide se révèlent directement transposables dans les actions de communication publique locale.
Communiquer après avoir agi, pas avant. Pour éviter le « wishwashing », le guide insiste : on ne communique que lorsque des résultats significatifs sont démontrés, avec des indicateurs publics et vérifiables. Une logique pleinement applicable aux collectivités publiant leurs bilans PCAET, leurs stratégies climat, ou inaugurant un nouvel équipement.
Utiliser des allégations précises, contextualisées et proportionnées. Dans la communication publique, dire qu’un projet « réduit l’impact environnemental du territoire » est insuffisant. Le guide invite à quantifier, qualifier, expliquer le périmètre, éviter les formules globalisantes et préférer des messages situés et sourcés.
Ne pas laisser croire qu’une action publique est « neutre » ou « positive pour la planète ». Le guide rappelle que tout service, toute infrastructure génère des impacts. Présenter une politique ou un équipement local comme « vert », « écologique » ou « à impact positif » expose au même risque de surpromesse que dans le privé.
Travailler étroitement avec les services techniques et les directions développement durable. Le guide recommande des briefs complets, intégrant données, preuves, évaluations, limites et contextualisation : un conseil particulièrement utile dans des collectivités où l’information technique est dispersée.
Visuels, récits, sobriété : des enjeux clés
Le guide rappelle la puissance évocatrice des images de nature et la manière dont elles peuvent involontairement suggérer un impact positif ou nul. Pour les territoires, et leurs récits (référence au dernier Forum d'Angers), cela met en question la place des imaginaires naturalistes dans la communication publique :
- un réseau de bus représenté dans une forêt,
- un bâtiment public entouré de verdure luxuriante,
- des slogans génériques sur la « ville durable ».
Ces images séduisent mais peuvent induire en erreur. Elles invitent à passer d’un imaginaire de la promesse à un imaginaire de la transformation réelle, où l’effort, les arbitrages et parfois les limites sont assumés.
Ce que les communicants publics peuvent en retenir
Le Guide anti-greenwashing 2025 n’est pas un manuel de plus : c’est un appel à une communication écologique mature, fondée sur la précision, la transparence et la responsabilité. Pour les collectivités, ce guide met en lumière trois objectifs importants. D'abord l’exemplarité narrative car la puissance publique doit éviter les raccourcis que l’on reproche souvent aux marques.
Ensuite et naturellement, la pédagogie puisqu'il faut expliquer les impacts, les progrès, mais aussi les contraintes et limites. C’est une attente forte des citoyens. Et enfin il faut agir en confiance et s'éloigner des surpromesses pour que la communication publique renforce la crédibilité des politiques de transition. Au moment où la transition écologique devient le cœur des stratégies territoriales – mobilités, énergie, alimentation, aménagement –, « communiquer juste » est pour les auteurs « un acte politique autant qu’un acte professionnel ».
Cet ouvrage est en téléchargement gratuit.
Guide anti-greenwashing
Mathieu Jahnich et Valérie Martin
Ademe Éditions
Novembre 2025
62 pages