À Pantin, la compublique sous son meilleur visage
Revenir à l’essentiel : donner à voir celles et ceux pour qui la ville agit chaque jour. C’est ce qu’a réussi avec une efficace simplicité Pantin avec sa campagne « La ville aux 60 000 visages ». Une communication incarnée, humaine, rassembleuse et engagée qui a remporté le Grand Prix Cap’Com de la communication publique 2025. Décryptage de cette campagne qui, en rassemblant tous les visages, a remporté tous les suffrages.
« Tout est parti du cap symbolique des 60 000 habitants. Pantin, en l'espace de dix ans, a gagné plus de 10 000 habitants, et la ville s'est forcément transformée, agrandie, développée. Nous avons eu envie de remettre l'habitant au centre du récit de la ville et de construire une campagne axée sur l'humain, une campagne sensible, populaire, qui raconte la ville de Pantin autrement », explique Marie Traisnel, directrice de la communication de Pantin, lors de la cérémonie de remise des Prix, le 20 novembre. « Nous voulions aussi une campagne vraiment engagée, qui défende des valeurs et montre ce qui nous rassemble dans un contexte national un peu morose, ce qui donne envie de se réunir, de sourire, et qui témoigne un peu de cet attachement qu'on a à vivre ensemble. Et quoi de plus fort que la photo pour illustrer la richesse et la diversité de Pantin ? »
Une grande collecte lancée pour les vœux
Dès le 1er janvier 2025, une vaste campagne annonce à l’occasion des vœux le lancement de la grande collecte photographique. Le principe : chacun prend la pose de son choix, en gros plan façon Photomaton. Les habitants et agents peuvent participer jusqu’en mai lors des événements municipaux sur un stand photo itinérant ou en déposant leur cliché sur la plateforme ouverte sur le site de la ville. Elle affiche un compteur, expose les portraits et est mise à jour au fur et à mesure des dépôts.
« Vous êtes l’un des 60 000 visages qui composent notre ville et nous avons besoin de vous ! Participez à cette grande collecte photographique », peut-on lire sur les 10 000 exemplaires de la carte de vœux déposés dans les boîtes aux lettres, ou sur les posts publiés sur les réseaux sociaux. Le visuel « Pantin, la ville aux 60 000 visages », une esquisse au trait des contours de la ville et d’un visage dessiné à la main par Agnès Falandry, graphiste de la ville, s’affiche aussi avec ses couleurs vives sur tous les supports municipaux ; journaux électroniques d’information (JEI), magazine municipal, journal interne, intranet, et dans l’espace public sur le mobilier JCDecaux (senior, « mupi », panneaux administratifs), dans les structures municipales, et sur le centre administratif avec une bâche XXL. « La participation, c'était le vrai défi de la campagne. On ne savait pas si ça allait décoller ou si ça allait complètement tomber à plat », raconte Nella Rodrigues, responsable du pôle campagnes de communication plurimédia. « Mais rapidement, on s'est rendu compte que ça prenait. Les gens nous ont envoyé leurs selfies, ils ont participé en nombre au shooting photo. »
Une révélation dans toute la ville sous forme de happening géant
« Quelque chose d'hyper joyeux et de fédérateur s'est produit et a essaimé au sein de nos directions de la com », poursuit Nella Rodrigues. « On a tous été un peu galvanisés par la campagne et on s'est vraiment attachés à tous ces visages. Et c'est comme ça qu'on a eu l'idée de construire le temps de révélation des portraits dans l'espace public de façon complètement inédite pour nous avec une expo XXL. On a pris le parti d'inviter tous les Pantinois et Pantinoises à essayer de retrouver leurs portraits un peu partout, façon "Où est Charlie ?" » Les équipes com traitent en bichromie, autour de trois couleurs (rouge, bleu et violet) utilisées en alternance les photos prises par Émilie Hautier, photographe pantinoise qui a réalisé tous les shootings. Elles ont préparé 90 gabarits différents d’affiches. De quoi occuper près de 130 espaces d’affichage. Mobilier JCDecaux, palissades de chantiers, ponts, grilles de parcs, façades d’équipements municipaux, panneaux d’information de la ville, journaux électroniques d’information… Un « “hack” de l’espace public par l’immense portrait collectif de la ville aux multiples personnalités », résume Agnès Falandry.
Les portraits des Pantinois et des Pantinoises sont astucieusement révélés sur un stand spécial « Pantin, la ville aux 60 000 visages » lors de la fête de la ville en juin 2025, à travers une exposition de photos miniatures façon « Où est Charlie ? » et des détournements malins de jeux de société comme « Qui est-ce ? » ou un mémory.
La découverte des portraits se prolonge sur les espaces numériques de la ville avec des quiz sur les Pantinois et Pantinoises, des stories façon coulisses de l’événement et une vidéo « retour sur » postés sur les réseaux sociaux, le détournement de la page d’accueil du site de la ville, mais aussi avec une couverture du magazine municipal dédiée aux portraits d’habitants.
Une aventure collective et participative entièrement réalisée en interne
En envoyant leur portrait, près de 1 500 Pantinois et Pantinoises ont pris part à cette campagne. En interne aussi les services municipaux se sont fortement impliqués pour la collecte des photos (maisons de quartier, participation citoyenne…) et pour l’affichage des portraits (espaces publics, accueils…) aux côtés d’une direction de la communication qui a entièrement réalisé cette campagne en interne pour un budget de 27 700 euros.
Un récit collectif et universel
« En voyant tous ces portraits affichés, ça a donné un côté très universel à la campagne qui fait que c'est une campagne simple, accessible, mais qui parle à tout le monde », ajoute Nella Rodrigues. « Dans l'universel, il y a l'universalité de ce qu'on peut représenter en tant que collectif, mais aussi l'universel d'émotion », a abondé Laëtitia Hélouet, la présidente du jury du Grand Prix Cap'Com 2025, en leur remettant le trophée. « Il y a de la joie dans ce que vous avez montré. Il y a quelque chose qui est très fort de cet ordre-là, une possibilité d'accueil, d'ouverture et d'hospitalité à l'autre. Je crois profondément que, dans les actions de communication, on raconte quelque chose d'important sur ce que vivre ensemble, faire ensemble, veut dire. Ça fait récit. Et là, il y a à la fois un récit collectif et le fait que chacun a sa place, chacun à sa place. »
Les équipes com continuent de faire vivre ce récit en mettant en avant les portraits sur l'ensemble des supports de la ville, et elles vont approfondir le récit en 2026 en demandant aux habitants de raconter ce qui les lie à la ville avec une campagne encore plus participative, et plus intime.
Mettre les gens sur la photo, tout simplement
Pour Laëtitia Hélouet, la campagne de Pantin fait écho à une analyse de Jérôme Fourquet, directeur du département opinion à l'Ifop, qui pointe l’importance pour les gens de savoir s'ils ont leur place sur la photo. « Mettre les gens sur la photo, les communicants doivent s’y employer pour parler à la diversité des habitants du territoire comme des agents de la collectivité », analysait-il quelques mois après les élections législatives. Pantin l’a fait avec force et simplicité. « Lorsque j'ai vu ma photo sur la banderole des 60 000 visages, j'ai ressenti une grande fierté et surtout je me suis sentie une citoyenne à part entière », exprime une habitante sur LinkedIn. « Sur certains sujets les réponses, quand on s'en donne la peine, peuvent avoir une efficacité et une simplicité qui nous font du bien, qui nous relient à un moment aussi où les tendances de repli, d'exclusion sont peut-être un peu plus fortes. C'est une réponse que je trouve extrêmement forte d'un point de vue de la communication et d'un point de vue politique, au sens de la vie de la cité », a conclu la présidente.