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« 20h02 » : la web série des hôpitaux lyonnais sur la Covid-19

Publié le : 28 août 2020 à 10:43
Dernière mise à jour : 3 septembre 2020 à 16:59
Par Anne Revol

« Ça a été un moment collectif extrêmement fort avec plein de petites histoires dans la grande histoire. Il fallait trouver un moyen de raconter ce moment inédit de la manière la plus complète et la plus juste possible. » Marion Lefebvre-Chereul, directrice de la marque et de la communication des Hospices civils de Lyon (HCL), revient sur la réalisation de la web série « 20h02 ». Diffusée en début d'été, elle raconte la crise en dix épisodes à travers la parole de l'ensemble du personnel des hôpitaux lyonnais. Des témoignages de soignants, mais aussi d'agents administratifs, de directeurs, etc. qui relatent avec émotion et authenticité un vécu à la fois personnel et collectif et dont le format, emprunté aux séries actuelles, renforce l'intensité.

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« Nous avons rapidement eu le sentiment – et la demande – de garder la trace mémorielle de ce que nous avons vécu. Malgré notre charge de travail pendant la crise, nous avons commencé à réfléchir très tôt », explique Marion Lefebvre-Chereul. Ekno, leur agence conseil, les oriente vers le format vidéo et leur souffle l’idée d’une web série. Les épisodes permettent de témoigner de ce qui s’est passé à chaque étape de la crise depuis les prémices au mois de janvier jusqu’au déconfinement. Ils montrent au fur et à mesure les problèmes rencontrés par les différents professionnels : aux urgences, en réanimation, en gériatrie… mais aussi dans les services achats ou logistique quand il a fallu trouver du matériel ou des masques.

Des codes empruntés à l'univers des séries

Le principe retenu : séquencer l’histoire sur une journée à la manière de la série « 24h » – avec comme point d’arrivée 20h02, la fin des deux minutes d’applaudissements sur les balcons que même le président de la République attendait scrupuleusement pour commencer ses interventions télévisées. « Nous souhaitions trouver le point d’équilibre : que l'on ressente cette tension qui monte sans que ce soit larmoyant ou angoissant. » Les dix épisodes de 6 à 7 minutes chacun relatent la pandémie en empruntant les codes visuels et sonores des séries à succès qui nous tiennent en haleine : des fins d'épisode qui donnent envie de voir le suivant, une ambiance sonore qui fait monter la tension, des vues de drones d’une ville vidée de ses habitants, des témoignages des agents face caméra, que l’on voit également au travail dans les services hospitaliers.

Garder une trace d'un vécu collectif

Car la démarche s’adresse d’abord à eux : ces 23 000 agents qui travaillent dans les 13 hôpitaux des HCL. « Nous souhaitions que chaque professionnel puisse avoir une idée de ce qui a pu se passer dans les autres services et montrer que tout le monde a été impacté : les soignants, les personnels administratifs et techniques, les services supports… Mais c’était aussi l’occasion de donner le temps aux professionnels de raconter cette histoire à la fois dure et gaie, empreinte de doutes et de peurs, de solidarité et de mobilisation. » La web série, d'abord prévue pour une diffusion en interne, sera finalement postée sur les réseaux sociaux des HCL. « C’est intéressant de montrer au grand public ce qui s’est réellement passé, d’aller plus loin que les nombreux reportages télévisés sur la gestion de la crise du Covid-19 dans les services hospitaliers. »

L'interne privilégié jusque dans la diffusion

La diffusion de la web série a commencé le 29 juin 2020 en donnant systématiquement la priorité à l’interne, point de départ de la démarche. Chaque matin pendant deux semaines (du lundi au vendredi), un épisode est envoyé à heure fixe par mail à l’ensemble des agents, puis mis en ligne sur l’intranet. La diffusion sur le compte YouTube des HCL et sur les autres réseaux sociaux s’effectue ensuite dans l’après-midi. La web série y est également disponible en version complète depuis le 10 juillet.

Séquencer, recenser, organiser

Au milieu des nombreux et fréquents messages à communiquer pour accompagner les agents en interne et des nombreuses sollicitations presse, les équipes communication en télétravail commencent avec la dircom, toujours sur site, un gros travail de fond pour préparer la réalisation des vidéos de la web série.

« Nous avons d’abord constitué une énorme frise chronologique depuis janvier pour nous aider à reposer les choses et établir les grandes séquences de ce vécu, explique la dircom. Puis nous avons recensé les types de métiers impactés par la crise. » Il a fallu ensuite trouver les personnes qui acceptent de témoigner dans les 13 établissements des HCL pour être le plus représentatif possible, et organiser les trois semaines de tournage des interviews.

Un timing serré pour garder la mémoire

Le timing est serré pour récolter, une fois la crise passée, les témoignages des agents. « Nous ne devions pas laisser passer l’été, pour que ce soit encore suffisamment frais dans leur mémoire. Il ne fallait pas non plus solliciter trop tôt les personnels, qui avaient encore beaucoup à faire après la décrue », explique Marion Lefebvre-Chereul. Le tournage de trois semaines a eu lieu du 11 mai à début juin.

Laisser les agents raconter

Puis le service communication a laissé la main à Wait For It, la société de production audiovisuelle. Les interviews se déroulent sans la dircom pour que la parole soit la plus libre possible. « Nous leur demandions de ne surtout rien préparer, de raconter les faits, leurs émotions, et de ne pas se brider lorsque par exemple ils ont envie de dire ce qui leur a manqué dans leur travail à ce moment-là. » Le tournage vidéo prend la forme d’une conversation qui commence par une question : « Vous souvenez-vous de la première fois que vous avez entendu parler du coronavirus ? »

Au total 46 agents – infirmiers, médecins, aides-soignants, brancardiers, pharmaciens, biologistes, mais aussi techniciens, directeurs dont celle de la com, ingénieurs, acheteurs, administratifs – témoignent avec pudeur, simplement, de leur engagement, de leur capacité d’adaptation et de leur humanité. Au-delà des mots, les expressions trahissent sur certains visages l’intensité émotionnelle de ce vécu à la fois si personnel et si collectif.

À leur côté, un patient Covid-19 raconte son histoire depuis le centre de rééducation où il réside encore au moment du tournage. « Il fallait un patient dans ce film car tout ce que les professionnels ont fait, c’est pour la population. » Une population qui n’a cessé de leur exprimer son soutien chaque soir à 20 heures jusqu’à 20h02. 20h02, titre de la web série et du dernier épisode qui montre l’importance de ces deux minutes d’applaudissements, et de tous les dessins et autres messages de remerciements – pour tous ces agents des hôpitaux mobilisés. « On avait la population qui était derrière nous et ça, ça aide », explique dans le dernier épisode une ingénieure biomédicale. «Tous les soirs à 20 heures on descendait et ça nous faisait du bien », témoigne également la dircom. En écho, on peut entendre la voix pleine d'émotion du patient résumer : « Si y a pas ces gens-là, on n'est que dalle. »

Après l'interne, une deuxième vie pour la web série?

Conjuguant parfaitement émotion, information et authenticité, cette réalisation se distingue parmi toutes les initiatives mémorielles portées par les établissements hospitaliers : un format long (une heure) qui permet de se donner le temps de raconter et une qualité de rendu grâce à l'accompagnement de professionnels. « Nous avons eu beaucoup de retours positifs en interne : de la fierté, de l’émotion. Nous avons vécu quelque chose de très fort. Et tout ce qu’on raconte est vrai », rapporte Marion Lefebvre-Chereul. Au-delà des objectifs de communication interne déjà atteints, la web série constitue un support mémoriel et documentaire qui rassemble tous les ingrédients pour commencer une deuxième vie… avant la deuxième vague.

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