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L’éthique des journalistes peut-elle inspirer celle des communicants publics ?

Publié le : 23 juin 2025 à 19:51
Dernière mise à jour : 27 juin 2025 à 16:39
Par Bernard Deljarrie

Pierre Savary, directeur de l’École supérieure de journalisme de Lille, s’est livré à une audition devant le groupe éthique des communicants du réseau Cap’Com. Un échange qui conduit à identifier des moyens de conforter l’éthique de notre profession.

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Pierre Savary (en haut à gauche) lors de son audition par le groupe éthique du réseau Cap'Com.

Pierre Savary est directeur de l'École supérieure de journalisme (ESJ) de Lille et membre du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM). Ancien étudiant de l’école, passionné de radio, il a travaillé à Europe 1 puis au sein des antennes locales du groupe Radio France.

Texte publié à la suite de son intervention, le 16 juin 2025, devant les membres du groupe « Éthique » du réseau des communicants publics Cap’Com.

L’éthique fait appel à plusieurs notions. La morale, le droit, la déontologie.
La morale, chacun a la sienne, fondée sur des valeurs individuelles.
Le droit, c’est la loi.
La déontologie, ce sont les chartes, les codes de conduite, qui régissent une profession.
L'éthique est ce qui transcende, ce qui permet de passer de l'une à l'autre de ces notions. C’est une démarche qui consister à identifier tous les conflits de valeurs qui peuvent être en cause dans l'exercice professionnel.

Pour la profession de journaliste, il y a principalement trois textes déontologiques.

  • Le premier est la charte d'éthique professionnelle. Elle date de 1918. Elle a été remaniée en 1938 et en 2011. Elle est dite charte du SNJ, le Syndicat national des journalistes. C'est une vingtaine de points différents.
  • Le deuxième est ce qu'on appelle la déclaration de Munich. Elle date de 1971. Elle formule des droits et des devoirs comme le respect de la vérité, quelles que puissent en être les conséquences, la défense de la liberté de l'information, l’opposition aux méthodes déloyales pour obtenir des informations, etc.
  • Le troisième, le texte le plus récent, est la charte d'éthique mondiale de la Fédération internationale des journalistes. Elle a été adoptée à Tunis en 2019.

La profession de journaliste se fonde sur ces chartes de déontologie. Les écoles de journalisme les enseignent, comme à l'École supérieure de journalisme de Lille. Dans la formation, mais aussi plus globalement au sein de la profession, il s’agit d'observer ces chartes au regard de situations concrètes. C’est notamment le travail du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM).

Le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) est une instance de médiation entre les journalistes, les médias, les agences de presse et les publics sur toutes les questions relatives à la déontologie journalistique. Tout citoyen peut saisir le CDJM pour qu’il se prononce sur un acte journalistique jugé problématique. Organe d’autorégulation, le Conseil, dont les membres représentent les journalistes, les médias et le public, prend ses décisions en toute indépendance.

Le CDJM rend des avis, estimant si la saisine qui lui est soumise est fondée, partiellement fondée ou non fondée. Il n'a pas de pouvoir de sanction, mais diffuse ses avis, les transmet aux journalistes concernés, à sa hiérarchie, au média.

On observe, a expliqué Pierre Savary, qu’au début, quand les premiers avis du CDJM ont été publiés, cela suscitait seulement des sourires, pour ne pas dire des rires un peu moqueurs. Aujourd’hui, les avis ont de l’effet. Même les médias de certains groupes de presse, qui ne répondaient même pas au CDJM, sont maintenant attentifs. Une publication, un journaliste, montré du doigt pour un non-respect de la déontologie, cela se sait au sein de la profession. Une majorité des titres de presse adhèrent maintenant au CDJM et sont à l'écoute de ce qu’il dit. Le CDJM n'a pas de pouvoir de police, de justice, il a seulement une capacité d’affichage mais qui se révèle avoir un peu de poids.

Le respect de la déontologie donne forcément lieu à des débats

Les débats peuvent être complexes. Par exemple, le plagiat est interdit, mais à quel moment commence la définition du plagiat ? Un journaliste, quand il est en reportage, ne peut pas accepter une contribution ou un cadeau, mais accepter de boire un café avec quelqu'un avec qui on vient de passer trois heures en interview, ce n'est pas la même chose qu'accepter une caisse de bouteilles de vin alors qu'on est en train de faire un reportage chez un vigneron. Un journaliste doit la vérité et doit donner une information quand il en dispose, mais si cette information met des gens en danger, il a la responsabilité de ne pas nuire. Ce qui peut apparaître relativement simple ne l'est pas toujours et donne forcément lieu à des débats et interprétations.

C’est le cas aussi au regard de règles de déontologie par rapport à l'intelligence artificielle. Ce qui est fait par de l'intelligence artificielle générative doit être dit. Nous allons donc probablement vers un affichage plus précis. Une photo sera accompagnée d’indications sur le jour où elle a été prise, par qui, à quel endroit, dans quelles conditions, ou alors il sera indiqué par quel logiciel elle aura été générée.

Beaucoup de journalistes se posent actuellement la question : « Comment parler du conflit au Moyen-Orient ? » Si vous évoquez une action par l’un des protagonistes, vous êtes immédiatement suspecté, et vice versa évidemment. C’est là que la déontologie joue son rôle. Le CDJM n'a jamais eu autant de saisines de lecteurs, d'auditeurs, de téléspectateurs, qui estiment que l’information qui leur est donnée est biaisée. Le journaliste doit décider d'un angle, de la manière de parler d'un sujet mais pour créer la confiance avec son lecteur il lui faut respecter, dans ce cas de figure comme dans d’autres, les règles déontologiques qui s’appliquent à son métier.

L’éthique des communicants publics

Dès l'origine de Cap’Com, il y a trente-cinq ans, les questions d'éthique se sont posées. Une charte éthique, dite charte de Marseille, travaillée au sein du réseau, a été publiée en 2002. Depuis cette charte, qui reste d’actualité, les questions éthiques ont été régulièrement débattues au sein de la profession, notamment lors des Forums Cap’Com (en 2014 avec Pierre-Henri Tavoillot, président du Collège de philosophie de Paris-Sorbonne, en 2018 autour de Catherine Husson-Trochain, magistrate et déontologue). Depuis 2024, un groupe de travail « Éthique » s’est constitué au sein du réseau des communicants publics. Il a engagé son travail en auditionnant des experts, dont Stéphane Manson, professeur de droit public, et Pierre Savary, directeur de l’ESJ Lille et membre du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM).

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