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Quand les États européens évaluent leur réputation

Publié le : 27 novembre 2019 à 21:48
Dernière mise à jour : 13 juillet 2021 à 10:57
Par Yves Charmont

Le 23 octobre 2019, un séminaire sur le thème de la gestion de l’image des pays, à l’échelle européenne, se déroulait à Bruxelles. Parmi les points de vue qui s’y sont exprimés, Cap’Com, organisme associé, a repéré plusieurs tendances intéressantes et, sans surprise, une expression des États qui recoupe en bien des points celle des territoires. Un bon préambule pour le rendez-vous du marketing territorial d'Annecy en février prochain !

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C’est à l’invitation du Club de Venise, le réseau des communicants gouvernementaux européens, que plusieurs spécialistes et responsables en communication publique ont disserté sur l’importance de la « réputation » pour l’économie, l’emploi, le tourisme et le bien-être d’un pays et de ses citoyens.

Philippe Lentschener, l’auteur de Marque France, a ouvert le séminaire par une conférence, n’hésitant pas à tourner la page des grandes campagnes stéréotypées pour parier sur l’authenticité comme fondement de la nouvelle marque de territoire (voir la marque Pérou).

Toujours animées par Arlin Bagdat, le directeur général de la com externe du Premier ministre belge, les interventions ont vu se succéder des acteurs locaux, comme Iva Hraste-Sočo, conseillère au ministère croate de la Coopération, et des experts internationaux, comme Robert Govers. Ce dernier a d’ailleurs dressé un portrait sans fard des réputations des pays grâce à un outil statistique d’évaluation qui met en valeur de fortes distorsions entre réalité et image. Certains grands pays sont rétrogradés alors que d’autres, plus petits, sont fortement valorisés. C’est lorsqu’on manque de puissance et de moyens qu’il faut faire preuve d’esprit et d’habileté ! Les pays baltes sont excellents à cet exercice. Comme on a pu le constater lors de l’intervention d’Akvilė Katilienė, cheffe analyste en Lituanie.

La com, un art liquide ?

On aurait pu se croire dans un atelier du Forum Cap’Com, à entendre des remarques comme « on peut être “rasoir” et lasser notre auditoire si on n’est pas pertinent dans le contexte de la concurrence entre marques. Il ne suffit pas de faire de “la réclame”, cela n’a pas forcément d’effet ». Et l’intervention du secrétaire général du Club de Venise, Vincenzo Le Voci, avait un ton familier : « Parfois, certains ont qualifié la communication d’art liquide ! Mais, soyons lucides, la marque a-t-elle ou non une influence sur la réputation d’un pays ? » La réponse fut positive, naturellement. À condition de ne pas se cantonner aux domaines touristique et économique. Car ceux qui se sont définis comme « les intendants de leur marque nationale » ont insisté sur le fait qu’une recherche constante et dynamique sur l’identité était un préalable à toute communication. Avec l’exemple de la marque I FEEL S LOVE NIA, ils ont mis en avant l’aspect « affectif » du branding national. L’émotion, toujours l’émotion…

Le marketing face à l’urgence

Mais l’actualité tragique vient bousculer les analyses et les stratégies. Comme en Belgique, comme en Suède : « Nous sommes paniqués lorsque quelqu’un critique la Suède. Récemment nous avons clarifié le rôle de chacun pour lutter contre la désinformation et être bien préparés. » Une partie des débats portait effectivement sur le caractère d’urgence en matière de réputation. Les réponses apportées : la création d’observatoires des médias numériques, d’une plateforme de fact-checking en relation avec les universités, des réunions régulières et interdisciplinaires… Mais cette lutte frontale ne suffit souvent pas à combattre des mythes à la vie d’autant plus dure qu’ils se nourrissent de l’imaginaire collectif : « On ne mesure pas encore les effets à long terme des infox. »

La rencontre entre com d’État et com locale

C’est d’ailleurs un point de convergence relevé par Cap’Com et le Club de Venise. Pour son président, Stefano Rolando, « les communicants dans les territoires sont plus exposés, mais également plus en phase avec les réalités ». La marque d’un pays peut promouvoir tout ce qu’elle veut, si le visiteur ne retrouve pas localement, dans un village, dans un quartier ou sur un site les clichés qui lui ont été vendus, l’effet est délétère. La cohérence d’image doit être non seulement transversale, mais également dans la profondeur !

C’est justement ce que l’universitaire italien pourra expliquer lors de sa venue aux Rencontres nationales du marketing et de l’identité des territoires, les 6 et 7 février 2020 à Annecy. Cette 7e édition verra d’ailleurs la rencontre entre de grands experts, comme lui qui dirigea la marque Milan, entre autres, et des communicants de communautés de communes, de grandes villes et des responsables de l’attractivité de territoires touristiques. Le temps du renouveau du marketing territorial est arrivé, à Bruxelles en tout cas. Et demain à Annecy ?