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Au Forum d'Angers, les communicants tissent leur récit

Publié le : 25 novembre 2025 à 23:17
Dernière mise à jour : 27 novembre 2025 à 21:43
Par Yves Charmont

À Angers, le 37e Forum Cap’Com, ce fut trois jours intenses, inspirants et chaleureux, où 1 200 communicants se sont racontés, rencontrés et projetés. Le thème cette année était le récit. Et ce sujet, nous les communicants, on le connaît bien. C’est même à ça qu’on nous reconnaît.

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Il y a des forums dont on repart avec des notes. Et puis il y a ceux dont on revient avec des histoires. Celui d’Angers, du 18 au 20 novembre, a clairement appartenu à la seconde catégorie, bien qu’il y eût des notes… de musique en ouverture ! Plus de 1 200 participants, un amphithéâtre comble dès le lancement, une ville qui porte en elle un récit puissant – celui de la douceur et du patrimoine – et surtout une édition où tout semblait fluide, évident, chaleureux. On nous avait promis des récits. Nous avons vécu des rencontres. Signe des temps, jamais sans doute ce Forum n’a autant fait l’objet de narrations sur les réseaux sociaux, retour d’expériences, confidences, réflexions. Toute cette matière viendra irriguer cet article. Parce que vos mots composent une belle histoire.

Dès les premières heures, quelque chose s’est installé : un climat de confiance, de proximité, de respiration collective. On le sait, réunir le réseau pendant trois jours constitue un défi logistique impressionnant. Et pourtant, tout a semblé couler de source. De la circulation entre les espaces à la qualité de l’accueil, de l’organisation des visites professionnelles au rythme des ateliers : Angers a offert au réseau une édition à la fois dense et fluide.

Une édition fluide, habitée, bien orchestrée

Les visites professionnelles ont donné le ton : ancrage territorial, découverte sensible, immersion dans les récits urbains. À Monplaisir, quartier en renouvellement, plusieurs participants ont été frappés par la manière dont la communication accompagne le lien social, tisse du sens, permet de croire ensemble à un horizon meilleur. Comme l’écrit Nicolas, directeur d’agence : « Un lieu où la communication fait du lien, donne du sens... tisse un récit qui nous unit et nous grandit (comme les magnifiques tapisseries de Jean Lurçat). » Cette immersion dans le territoire a été complétée par des découvertes culturelles fortes, notamment autour du patrimoine angevin et de l’extraordinaire tapisserie (eh oui, encore) de l’Apocalypse du XIVe siècle, véritable bande dessinée monumentale qui a inspiré nombre de discussions.

Les communicants angevins ont accueilli les participants qui ont pu découvrir un Anjou enjoué !

Une plénière d’ouverture qui donne le ton

L’ouverture du Forum a posé les fondations de ce qui allait se jouer : la narration comme outil démocratique, comme lien social, comme responsabilité collective. Après l’improvisation magistrale de Baptiste-Florian Marle-Ouvrard à l’orgue, pour un préambule tout en émotion et en harmonie grâce à l’incroyable présence de cet instrument qui a été conçu pour cet amphithéâtre, la plénière a réuni sur scène élus, philosophes et expertes pour interroger notre rôle. Florence Dabin, présidente du département de Maine-et-Loire, et Christophe Béchu, maire d’Angers, l’ont rappelé avec force : « La communication publique, c’est celle qui rend lisibles les décisions complexes. »

Devant les 1 200 communicants réunis en plénière d'ouverture, Florence Dabin, présidente du département de Maine-et-Loire, a rappelé le rôle fondamental de la compublique.

Puis la philosophe Emma Carenini a ouvert un espace précieux de réflexion et de raisonnement collectif ; toute l’assemblée suivant avec une grande attention ses propos, comme le lui a confirmé Julie, chargée de com : « Superbe intervention, j'aurais pu vous écouter pendant des heures ! » Un « moment suspendu » pour Nicolas, dircom, et des mots qui ont résonné longtemps dans les couloirs du centre de congrès : raconter n’est pas enjoliver, c’est donner du sens. Une réflexion qui a été prolongée par de nombreux participants, dont Marion, responsable des publications, qui note que « le récit éclaire le réel, il donne à voir ce qui est brouillé. Il illumine, comme le soleil ».

La philosophe et autrice Emma Carenini a exploré la question du récit devant un auditoire attentif.

En racontant, on rejoint le réel.

Emma Carenini

Dans son intervention, le délégué général de Cap’Com a rappelé combien la responsabilité de la construction d’un discours commun et partagé nous engage collectivement. Et cela dans un contexte plus tendu mais aussi avec une profession qui est mieux reconnue : « Le communicant public de 2025 est plus qualifié, plus connecté, plus expérimenté, mais aussi plus exposé à la complexité et à la pression. Nous sommes armés et légitimes, mais notre écosystème est mis à l’épreuve. »

Cette introduction permettait également d’insister sur la nécessité d’un récit robuste et sincère, capable de rassembler : « Nous sommes des tisserands. Nous sommes en quelque sorte les nouveaux griots du récit collectif. » Cette vision a trouvé écho dans de nombreux témoignages, notamment celui de Julien, responsable marketing territorial et attractivité : « En ces temps compliqués et chahutés, la communication publique est importante car elle permet de valoriser les institutions et de combattre la désinformation et le slop (1). » La plénière s’est achevée avec un dialogue entre Louna Wemære de QuotaClimat et Emma Carenini pour évoquer le récit appliqué aux questions de transition. Un sondage a été réalisé dans la salle pendant ce temps (voir encadré) et il a permis de relancer les intervenantes pour clore cette plénière riche, qui a donné un cap, un horizon commun : raconter le réel pour renforcer la confiance démocratique.

Louna Wemære de QuotaClimat et Emma Carenini clôturent la plénière.

Docteur narration ou mister récit ?

Lors de la plénière d’ouverture, nous vous avons posé deux questions auxquelles vous avez pu répondre nombreux par le biais de l’application du Forum. Les résultats ont été présentés et commentés en direct ; les voici.

Question 1 : En matière de transition environnementale et de climat, qui – selon vous – gagne la bataille du récit ?
Les climatosceptiques = 51 %
Les auteurs des transitions positives = 49 %

Question 2 : Selon vous, raconter c’est manipuler ?
Oui = 22 %
Non = 78 %

Ces résultats montrent une conscience de la lutte impitoyable qui se joue autour des faits et de leur pédagogie. Et le match nul entre réalité alternative et consensus scientifique prouve toute l’importance de notre travail. Les communicants présents ont également massivement exprimé une confiance dans l’utilisation de la narration pour le bien commun, un outil que la communication publique connaît pour ses qualités : accessibilité, clarté, capacité à fédérer.

Le Forum raconté par vous

Cette édition aura été profondément marquée par les récits que vous avez publiés au retour d’Angers, dans le train ou en arrivant au bureau.

Venir au forum, c'est désormais faire famille.

Christophe, consultant

Rarement un Forum aura suscité autant d’expressions personnelles, sensibles, enthousiastes. Vous avez parlé de chaleur humaine, de respiration, d’inspiration, de réseau, d’amitiés professionnelles. Marine, responsable de la com, évoque « une colo pour les grands », où l’on se retrouve, où l’on partage, où l’on respire. Isabelle, dircom, souligne ces « trois jours intenses consacrés au récit, où l’on mesure combien notre travail repose sur une idée simple mais exigeante : dire le réel, le rendre lisible, créer du lien ». Pour Nicolas, dircom, l’essentiel se joue ailleurs que dans le programme : « Ces petites conversations improvisées qui durent cinq minutes… et qui parfois changent une façon de voir les choses. » Lucille, dircom, raconte son atelier surprise sur la gestion des émotions (organisé à partir de sa chronique dans Point commun) : « Les émotions sont notre force : comprenons-les pour mieux les vivre ! » Pour Pierre, dircom adjoint et responsable éditorial, l’édition fut « (trop) bien » pour dix raisons, dont la première tient à la fierté de partager des démarches originales, d’être reconnu, de faire réseau. Sarah, chargée de com, pour sa première participation, dit avoir « encore plus envie de s’investir dans la communication publique ». Et puis il y a cette phrase de Nicolas : « On en repart toujours un peu différent. »

L’histoire de la compublique s’écrit, mais surtout, elle se vit ensemble !

Magali, cheffe de service com

À ces retours enthousiastes s’ajoutent ceux de nombreux participants qui ont souligné l’importance du collectif et de la transmission. Julien rappelle ainsi que notre métier valorise les institutions et protège le débat démocratique. Pour lui, le récit devient une arme contre la désinformation : « Ne rien raconter, c’est disparaître. » Sandra, responsable de service com, insiste sur la vigilance nécessaire face aux usages de l’IA : « À Angers, on a vu de belles campagnes où l’IA était un outil au service de la créativité, pas une fin en soi. » Jeanne, responsable de la com, de son côté, retient une prise de conscience : « Je sais maintenant que j’écris des récits, mais pas des histoires, car je reste dans le réel en utilisant les imaginaires collectifs. » Enfin, plusieurs d’entre vous ont rappelé que le Forum, au-delà de son programme, est une expérience humaine qui soude : « On parle le même langage, et surtout, on s’écoute vraiment. Dans un secteur souvent sous pression, ça fait du bien », écrit Magali.

Cap’Com, c’est notre bulle d’oxygène.

Sandra, responsable de service com

Ces récits, singuliers et sincères, composent une mosaïque qui dit beaucoup du réseau : engagé, curieux, chaleureux, et profondément attaché à son rôle démocratique. Tous ces visages ont également composé une soirée mémorable, grâce à l’investissement de nos partenaires, Ville et Métropole. Après un mot sympathique de Mathilde Fabre d’Anne, adjointe au maire chargée du rayonnement et du tourisme, et de Pierre-Luc Chenel, représentant les communicateurs québécois, prononcé dans le cadre majestueux de l’hôpital Saint-Jean, entouré de la précieuse tapisserie de Jean Lurçat, Le Chant du monde, les convives cheminèrent par le cloître médiéval pour envahir l’incroyable salle des greniers Saint-Jean avec ses voûtes en croisées d’ogive, et une mise en scène et un son qui resteront dans les annales. Les réseaux sociaux en ont été témoins. Les paroles de Louise Attaque, en fin de soirée, résonnent encore : « Je voudrais que tu te ramènes devant, Que tu sois là de temps en temps, Et je voudrais que tu te rappelles. » Une promesse que, visiblement, les communicants publics se sont faite.

Grand Prix Cap’Com et Forum des étudiants

Le jeudi après-midi fut un temps magique sous la présidence de Laëtitia Hélouet qui a mis en perspective le palmarès du Grand Prix Cap’Com et marqué l’assemblée par ses phrases finement ciselées. À quelques rues du centre de congrès, à l’Université catholique de l’Ouest, un autre moment fort s’est joué : le Forum des étudiants. Ce temps particulier, souvent discret, a pourtant une valeur essentielle : il rappelle que la communication publique est un métier qui se transmet, qui se raconte, qui se construit avec les nouvelles générations. Les échanges ont porté sur l’évolution des métiers, sur la manière d’intéresser les jeunes citoyens à la vie publique, sur la posture du communicant. L’une des phrases prononcées en ouverture par Mathéo résume bien ce moment : « Être communicant public, c’est participer à la vie démocratique, donner du sens à l’action publique, rendre compréhensible ce qui nous relie : le bien commun. »

Laëtitia Hélouet, une présidente du jury du Grand Prix heureuse de contribuer par la cérémonie de remise des trophées à mettre en lumière les communicants au travers de leurs réalisations.

Les étudiants ont interrogé, questionné, échangé. Et ils ont rappelé une évidence : la créativité naît du réel, des rencontres, des expériences. Et nos métiers ont évolué, comme ont pu le raconter Sophie Quéran, dircom de Villejuif, Amandine Blanchard-Schneider, dircom du département de Maine-et-Loire (et ancienne étudiante de l’UCO) et Mary Mackay de l’IUT Nord-Franche-Comté, qui résumait le contexte ainsi : « On voit vraiment une porosité entre tous ces mondes, ceux de la communication et de la communication publique, qui collaborent pour aboutir à un récit collectif. » Et, finalement, cette passerelle entre générations y participait pleinement.

Et maintenant, cap sur Biarritz

Ce Forum, c’est celui d’une forme de maturité, un « effet cliquet » (pour reprendre une remarque entendue parmi la foule des participants rassemblée dans le foyer). Un moment attendu par tout un réseau rajeuni et dynamique, un rendez-vous nécessaire. On y vient pour apprendre, se former, s’inspirer. On en repart avec des idées, des outils, mais surtout avec une énergie renouvelée, un sentiment d’appartenance, la conviction d’être utile. Pour beaucoup d’entre vous, ce rendez-vous annuel agit comme une respiration, un espace où l’on se sent compris, où l’on retrouve des pairs, où l’on se reconnecte à l’essence même de nos métiers. Pour Marc, responsable d’un service com, cette édition a été l’occasion de « faire le plein d’échanges, de benchmarker, de partager ce qui fonctionne, mais aussi d’affiner sa compréhension de l’intelligence artificielle et de ses usages, de trouver des connaissances et de s’en faire de nouvelles ». Cette année encore, le Forum a joué son rôle : inspirer, transmettre, connecter.

Rendez-vous à Biarritz avec la même sensation : celle d’être exactement à l’endroit où l’on doit être.

Nicolas, dircom

Cette année, plusieurs participants ont également souligné la force du réseau : la capacité à créer du lien, à partager, à se soutenir. Christophe parle d’une « cohésion rare ». L’année prochaine, venant de l'Est, du Nord, du Sud ou de l’Ouest, nous nous retrouverons toutes et tous à Biarritz, les 1er, 2 et 3 décembre 2026, avec cette phrase en tête : « On a tout pour nous : les vents, les astres et la mer ; ça tombe bien, c'est la devise de Biarritz », comme Christophe le soulignait. « Retour au bureau maintenant, avec des milliers d’idées, place à l'action », commente Séverine, dircom.


(1) Slop, n. m., anglicisme, désignait à l’origine un amas de boue, aujourd’hui employé pour qualifier l’avalanche de contenus dupliqués et sans intérêt générés par l’IA sur internet.

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