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Mon élu, notre page Facebook, quelle stratégie ?

Publié le : 12 octobre 2020 à 06:32
Dernière mise à jour : 21 juillet 2021 à 19:00
Par Marc Cervennansky

Après les dernières élections municipales, de nouveaux élus ont décidé de s’emparer des réseaux sociaux de leur collectivité. Provoquant parfois le désarroi des communicants publics. Quelle attitude adopter face à des pratiques parfois hasardeuses ?

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Par Marc Cervennansky.
@Cervasky

Nous étions tous masqués, et pourtant quel plaisir de se retrouver, physiquement, pour de vrai et plus seulement en visio. Réunis à Paris pour les dernières Rencontres de la communication numérique de Cap’Com, un événement qui était aussi l’occasion de jauger l’ambiance du moment : « Et toi, comment ça se passe après les élections ? », « La com sur la covid, vous l’avez gérée comment ? »

Eh bien vous savez quoi ? Je suis tombé de ma chaise lorsque plusieurs de mes pairs m’ont annoncé, mi-effarés, mi-défaitistes, que leur nouveau maire ou président avait exigé les codes d’accès de la page Facebook de la collectivité et/ou du compte Twitter, et qu’il s’y exprimait joyeusement, répondant directement aux messages reçus.

J’observais mes camarades la mine déconfite déclarer essayer de jongler entre la ligne éditoriale mise en place et les prises de parole parfois incohérentes ou pas toujours réfléchies du premier édile. Je m'interrogeais : sommeillerait-il donc en chaque élu un twittophile compulsif, type Donald Trump ?

Cette réflexion m’amène à identifier trois cas de figure, après la prise de pouvoir de nouvelles équipes politiques. Quelle attitude adopter alors pour chacun de ces trois cas ?

1. L'élu veut tout contrôler, tout incarner, y compris la page Facebook de la ville

C’est le pire cas de figure. Celui que certains d’entre vous subissent actuellement. Le nouvel élu est un adepte des réseaux sociaux, il pense savoir les maîtriser et il estime qu’il est de son devoir de communiquer personnellement avec les habitants sur les comptes de la collectivité, et non les siens, dans un souci de proximité et de visibilité rapide.

Il ne fait clairement pas la différence entre son statut de personnalité politique et la communication publique de l’institution, mission d’intérêt général reconnue comme un service public à part entière. Et là, outre le fait qu’il va rapidement être débordé par une activité qu’il n’imaginait pas aussi chronophage, l’élu prend un risque en utilisant les moyens de communication de la collectivité à des fins avant tout politiques. Je serais membre de l’opposition, j’exigerais de disposer des mêmes moyens de communication pour m’exprimer.

Vous imaginez la page Facebook de la ville alimentée à la fois par le maire et les membres de l’opposition ? Des jurisprudences existent hélas en la matière. Le cauchemar du communicant.

Comment faire face à cette situation de prise de contrôle politique des réseaux sociaux de la collectivité ?

Première solution : laisser l’élu s’épuiser. Car inévitablement il va s’éreinter et délaisser la gestion des publications, des commentaires et des messages privés auxquels il ne pourra plus faire face.

Seconde solution : prendre son courage à deux mains et démontrer avec pédagogie, chiffres et graphiques que la communication, y compris sur les réseaux sociaux, est un métier à part entière. Plus important encore : vous devez gagner sa confiance et le convaincre que c’est à vous de mettre en œuvre ses objectifs politiques, comme l’expliquait très justement Yann-Yves Biffe dans sa chronique Anciens agents et nouveaux élus : une expertise à justifier.

2. L'élu ne comprend rien à Facebook et s'en fout

À l’opposé du cas de figure précédent, le nouvel exécutif n’est pas du tout sensibilisé à l’usage des réseaux sociaux et il est clairement non pratiquant, voire non croyant.

Vous pourriez être tenté de penser : « Tant mieux, il va me laisser tranquille et me laisser continuer à gérer Facebook, Twitter et Instagram comme je le souhaite. » Attention, danger : car si l’exécutif ne s’y intéresse pas, il peut rapidement penser que c’est inutile et que vous vous amusez quand vous passez du temps à animer les réseaux sociaux de la collectivité. Et donc à terme il pourrait vous confier de nouvelles tâches qui ne vous laisseront plus le temps d’assurer vos missions de community management.

Il est donc indispensable que vous lui transmettiez régulièrement des indicateurs : progression du nombre d’abonnés, types de publications qui génèrent de l’engagement, les éventuels problèmes que font remonter les habitants. Votre élu doit comprendre que les réseaux sociaux permettent d’informer rapidement vos administrés et de créer proximité et échanges. Bien sûr, ne soyons pas naïfs : Facebook et Twitter sont aussi des défouloirs où il faut trier le bon grain de l’ivraie. Mais ça, je ne vous l’apprends pas.

3. L'élu a compris que Facebook est un média incontournable dans la stratégie de com de la ville

Bingo ! Vous n’avez pas besoin de convaincre votre exécutif de l'intérêt des réseaux sociaux. Il a parfaitement intégré qu’ils font partie de la panoplie des outils à employer pour la communication publique. Mieux, il est attentif à ce qui s’y passe tout en gardant le recul nécessaire par rapport au miroir déformant que peuvent incarner certains groupes d’opinions qui surinvestissent Twitter ou Facebook.

Un exemple de bonne appropriation des réseaux sociaux par les élus est l’utilisation des « Facebook lives ». Une pratique qui s’est popularisée lors du confinement pour répondre aux inquiétudes des habitants.

Ces visioconférences en direct créent une nouvelle proximité entre l’élu et ses administrés pour peu qu’elles soient bien préparées. Le premier magistrat de la ville doit être également un minimum à l’aise face à la caméra et ne pas se laisser perturber par les nombreux commentaires qui défilent à l’écran. Les quelques cafouillages ou défauts techniques inhérents aux aléas du direct peuvent même renforcer la proximité et humaniser davantage l’élu, au regard des habituels discours derrière un pupitre et autres coupages de rubans institutionnels.

Vous l’aurez compris au travers de ces trois cas de figure, les réseaux sociaux doivent faire l’objet de toutes les attentions en ces débuts de mandatures. Le communicant public se doit d’expliquer aux nouveaux élus, des plus sceptiques aux plus convaincus, les enjeux et les bonnes pratiques professionnelles liés aux usages des réseaux sociaux.

Venez échanger et partager votre vécu sur ce sujet lors du prochain Forum Cap’Com à Rennes, le 9 décembre, dans l’atelier « Peut-on imaginer les compétences du community manager de demain ? ».

Illustration : extrait de la série Baron noir, Canal +.