
Promesse employeur : et si les collectivités osaient plus se raconter ?
Dans un contexte de tensions sur l’emploi public local et de défiance persistante envers la fonction publique, les collectivités territoriales n’ont jamais autant œuvré pour améliorer leur attractivité. Pourtant, leurs efforts restent peu visibles, peu reconnus – souvent même par elles-mêmes. C’est ce paradoxe que révèle la seconde vague de l’enquête Cap’Com sur la promesse employeur : des collectivités mobilisées, engagées, structurées… mais qui peinent encore à rayonner.
Par Pierre Chavonnet, membre du Comité de pilotage de Cap'Com, DGA Occurrence – directeur pôle marque et transformation.
Un engagement collectif face à la crise du recrutement
Jamais la question de l’attractivité des collectivités territoriales n’a été aussi centrale. En 2025, 75 % des répondants affirment que leur collectivité poursuit l’objectif de renforcer son attractivité en tant qu’employeur – un chiffre en hausse de 27 points par rapport à 2022. Et pour 43 %, cet engagement est très clairement affirmé comme le révèle l'enquête « Collectivités territoriales et promesse employeur : quels leviers pour nourrir leur attractivité ? » réalisée en mai 2025 en partenariat avec La lettre du cadre territorial, emploipublic.fr, et Occurrence Groupe Ifop.
Ce volontarisme s’inscrit dans un contexte général de tension sur les ressources humaines, tel que le confirme le Baromètre HoRHizons 2025 (1) : 52,7 % des collectivités signalent des difficultés de recrutement ou de fidélisation des agents. Ce chiffre atteint 94,3 % dans les communes de plus de 20 000 habitants, et 80,7 % dans les métropoles. Le phénomène touche toute la fonction publique territoriale, fragilisée par un recul des intentions de recrutement, un turn-over persistant (22,7 % en 2024) et des projections budgétaires incertaines.
Pour autant, la majorité des collectivités ne se résignent pas : elles investissent dans des démarches RH structurées, notamment dans l’amélioration de la qualité de vie au travail et dans l’engagement managérial. La dernière enquête Cap’Com montre qu’elles se sont approprié les enjeux d’attractivité, y compris dans les petites collectivités. D’ailleurs, elles ne sont que 13 % à affirmer qu’elles comptent se passer d’une stratégie d’attractivité pour les trois prochaines années et près d’un quart d’entre elles (26 %) ont même déjà mis en place une action emblématique en ce sens, en hausse de 8 points depuis 2022.

Des avancées concrètes à saluer
Loin d’une réponse incantatoire, les collectivités ont mis en œuvre des actions concrètes et souvent innovantes pour se positionner comme employeurs exemplaires et engagés : 77 % des répondants indiquent que leur collectivité a lancé une ou plusieurs démarches internes pour renforcer son attractivité. En moyenne elles en ont même lancé 3,9 !
Les démarches les plus mobilisées relèvent de la qualité de vie au travail et du management de projet :
- enquêtes de climat social (41 %),
- groupes de travail transversaux (32 %),
- implication et/ou impulsion de la gouvernance (52 %),
- mobilisation des managers de proximité (25 %).
Des démarches en cohérence avec ce que les répondants perçoivent comme les principaux atouts actuels de leur collectivité :
- l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle (jugé performant par 73 % des répondants),
- l’égalité femmes-hommes (73 % également),
- l’image du territoire (68 %),
- ou encore la politique de formation et de développement des compétences (58 %).
Notons que l’organisation du travail (télétravail, transversalité, etc.) est également perçue comme performante par 58 %, ce qui confirme une tendance de modernisation de l’organisation du travail dans les collectivités.
En matière de communication, certaines initiatives émergent : 73 % des collectivités disposent d’un compte LinkedIn, 45 % diffusent des portraits vidéo de métiers, 40 % organisent des campagnes internes.
La promesse employeur est aujourd’hui définie dans 19 % des collectivités, et 37 % l’ont en projet – soit plus d’1 sur 2 pour lesquelles la thématique est adressée, contre 22 % seulement en 2022. Les créations d’un portail RH, d’un réseau d’ambassadeurs ou d’une stratégie de marque employeur restent cependant marginales (moins de 20 % des collectivités y ont recours).
Les actions emblématiques recensées (forums de l’emploi, journées d’intégration, campagnes de valorisation) traduisent une volonté de donner à voir les métiers, le sens et les engagements de la fonction publique locale, y compris dans un contexte de moyens contraints. Les collectivités se sentent également assez armées pour servir les attentes de la jeune génération en termes de respect quelle que soit sa position hiérarchique (61 %), d’écoute en cas de difficulté (58 %) et de pouvoir monter en compétences (52 %). Sur ce plan tout n’est pas rose non plus puisqu’elles restent perçues comme insuffisamment armées sur des dimensions cruciales comme la reconnaissance (43 % seulement) ou les moyens techniques pour faire un travail de qualité (45 %). Malgré des thématiques qui méritent d’être travaillées, on peut toutefois avancer qu’un socle solide de promesse employeur semble bien exister au sein de nombre de collectivités territoriales.
Un défi de rayonnement et de reconnaissance
Et pourtant… malgré cette dynamique, l’attractivité perçue reste faible. En moyenne, les répondants attribuent à leur collectivité une note de 4,5/10 sur son rayonnement en tant qu’employeur – avec une légère progression depuis 2022 (3,5/10), un score qui reste faible et qui interroge. Les collectivités seraient-elles les premières à sous-évaluer leurs propres forces et efforts ?

Les répondants identifient spontanément plusieurs freins : manque de pilotage stratégique, poids du cadre statutaire, déficit de transversalité, mais aussi manque de reconnaissance ou de moyens pour certaines directions de la communication interne. Pourtant, dans près de 70 % des cas, la communication interne joue déjà un rôle de contributeur à la stratégie d’attractivité, voire de pilotage pour 5 % d’entre elles, et ces rôles sont jugés adaptés par une majorité de répondants.
La communication a un rôle décisif à jouer : non pas seulement pour accompagner, mais pour structurer et éditorialiser les démarches d’attractivité.
Le problème ne semble donc pas tant être l’absence d’action… que l’absence de narration. Peu d’outils de marque employeur sont mutualisés, peu de parcours d’intégration des nouveaux arrivants sont complets (seulement 16 %), peu d’évaluations de l’attractivité sont menées. C’est là que la communication a un rôle décisif à jouer : non pas seulement pour accompagner, mais pour structurer et éditorialiser les démarches d’attractivité. Par « structurer » il faut entendre donner cohérence, lisibilité et sens, soit une promesse claire et un alignement des messages internes et externes.
Il s’agit ainsi de dépasser la simple logique de valorisation pour affirmer une culture partagée de la promesse employeur, vécue en interne et visible en externe. Cela suppose de relier la DRH, les directions métiers, les élus et la communication dans une approche systémique, ouverte et ambitieuse. Et surtout, cela suppose de donner confiance aux agents… et aux communicants, dans la valeur de ce qu’ils portent chaque jour.
Continuer à « faire » et intensifier le « faire savoir » !
Les collectivités territoriales ont changé de paradigme : elles ne subissent plus les enjeux d’attractivité, elles les prennent majoritairement à bras-le-corps. Mais elles restent trop souvent encore dans l’ombre de leurs propres doutes en tant qu’employeur attractif ! L’enjeu pour avancer est donc double : consolider les démarches et dynamiques internes, et surtout oser raconter ce qui est fait, avec fierté, méthode et cohérence. La communication en est un des principaux leviers – à condition qu’elle soit pleinement reconnue comme telle et qu’elle puisse effectuer son travail !
Enquête « Collectivités territoriales et promesse employeur : quels leviers pour nourrir leur attractivité ? »
Où en sont les collectivités territoriales en matière d’attractivité, en tant qu’employeurs ? Comment se saisissent-elles du sujet et à quels défis doivent-elles faire face ? Depuis les premières démarches jusqu’à aujourd’hui, le cadre a évolué vers une appréhension plus large et plus réaliste : celui de la « promesse employeur ». C’est l’objet de l'enquête « Collectivités territoriales et promesse employeur : quels leviers pour nourrir leur attractivité ? » réalisée par Cap’Com avec l’expertise de l’institut d’étude Occurrence - Groupe Ifop, en partenariat avec La Lettre du cadre territorial et emploi-public.fr.
Le questionnaire a été conduit en ligne du 8 avril au 5 mai 2025 par l’institut Occurrence – Groupe Ifop auprès de 318 répondants (marge d’erreur +/- 5 points) travaillant dans une collectivité territoriale, dont 70 % directement impliqués par la thématique attractivité.
(1) Le Baromètre HoRHizons 2025 s’appuie sur une enquête du CNFPT réalisée fin 2024 par Qualitest.