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Ce n’est qu’un au revoir

Publié le : 14 mai 2019 à 10:30
Dernière mise à jour : 16 mai 2019 à 17:52
Par Marc Thébault

Si d’aucuns se rangent du côté de Dalida qui chantait « Moi je veux mourir sur scène », pour ma part, je vais tenter de l’éviter tant que cela est possible. Je vous dis pourquoi…

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Par Marc Thébault

Lorsque, en septembre 2008, Dominique Mégard m’a proposé de prendre la plume en lieu et place du si regretté Bernard Béguin, j’ai été flatté, forcément, et dans le même temps assez tétanisé à la fois par l’enjeu – être à la hauteur de Bernard – et par la responsabilité – avoir des choses pertinentes à partager. Puis j’ai tenu le rythme, ou à peu près, d’un billet par newsletter. Et, suffisamment souvent pour mon ego, vous avez été nombreux à apprécier mes écrits. Qu’il me soit donc permis de remercier Dominique de cette proposition initiale et Bernard Deljarrie qui a renouvelé cette confiance. J’ai toujours eu la possibilité d’écrire et sur tous les sujets. Tout cela a été très précieux. Merci à vous pour votre fidélité. Et merci à mon employeur actuel de m’avoir laissé cette part de liberté.

Depuis plusieurs semaines, je me posais la question de passer la main. En tous les cas de marquer une pause. D’abord parce qu’il faut savoir s’arrêter avant le billet de trop. Ensuite parce que je suis quasiment en fin de carrière – même si mes nouvelles missions en Normandie m’ont redonné un sacré coup de jeune ! – et qu’il serait certainement salutaire de permettre à de nouveaux regards de partager avec vous leurs points de vue. Aussi parce que je me disais que j’avais un peu fait le tour et qu’il ne fallait pas que je tombe dans la répétition, pour ne pas dire l’autoplagiat. Enfin parce que, il ne faut rien se cacher, si j’ai longtemps eu besoin de cette reconnaissance professionnelle, je suis sans aucun doute arrivé à un stade de ma vie où il serait temps de décider que ma coupe est bien pleine et que si je cherche encore à recevoir coûte que coûte du positif, il vaut mieux que je me penche sur ma petite enfance auprès d’un psy plutôt que d’encombrer de mes névroses les colonnes de Cap’Com.

Je ne suis pas venu ici pour souffrir, OK ?

Et puis, très récemment, un de mes derniers billets (et pas celui du 2 mai, bizarrement…) m’a fait subir un certain nombre d’attaques sévères sur les réseaux sociaux. Ce qui n’a pas été sans conséquence également vis-à-vis de mon travail. Billet qui, pour le coup, était clairement « recyclé », car il avait déjà été publié en 2009. C’était indiqué à la fin. Mais, en dix ans, le monde a beaucoup changé ! Comme une goutte d’eau qui met le feu aux poudres, ce récent événement a scellé ma décision de me mettre à l’abri. Ainsi que le déclarait quelqu’un à la télévision, « Je ne suis pas venu ici pour souffrir, OK ? ».

Régulièrement, je faisais relire mes billets à ma femme, histoire de jauger les risques. Élevé à la lecture des aventures du commissaire San Antonio, à la vision des soirées animées de « Droit de réponse » et à l’humour de Coluche et Desproges, il va sans dire que j’ai une tendance naturelle un peu lourde question humour déplacé, voire à la provocation. Mon épouse souvent m’alertait et je corrigeais. Toutefois, et bien que rarement, des réactions hostiles se sont fait jour quant à certaines de mes positions. Elles étaient normales et acceptables car elles évoquaient le fond de mes propos. De « vrais débats » en somme. Mais l’incident que j’évoque ci-dessus est d’un autre ordre.

Je ne vais pas entrer dans le détail ici car il est hors de question de donner l’impression de régler des comptes via cette tribune. Je vais juste dire que j’avais pris le pli, avec l’expérience, de tourner au moins sept fois le stylo au-dessus de la feuille avant de l’envoyer en publication, histoire de ne pas me mettre à dos, définitivement, tel ou tel groupe qui se serait senti trop visé. Mais la dernière attaque est tellement inattendue et, à mes yeux, si démesurée, que je préfère appuyer sur « pause ». C’est bon, ce nouvel état d’esprit du monde n’est pas pour moi. Visiblement, tous les sujets peuvent susciter des coups de bâton. Ai-je envie de continuer à en recevoir ? Pas trop. Ai-je envie de ne produire que des billets « sans goût ni mou » (voir mon dernier billet) donc très politiquement acceptables ? Non plus. Suis-je obligé de subir tout cela ? Je ne crois pas ! Ai-je envie de trembler après chaque écrit en me demandant qui, cette fois, va me tomber dessus ? Définitivement NON !

« Maintenant on ne pourrait plus dire… », entend-on régulièrement. C’est souvent justifié. Racisme, sexisme, harcèlement, sort des animaux, etc., autant de sujets de plaisanterie, ou pas d’ailleurs, qu’il était certainement salutaire de réguler. Est-il normal que des gens soient choqués par des propos, même si ce n’était pas le but premier, car depuis leur interprétation, leur perception, ils le seraient ? Bien sûr ! Une dernière fois, je présente de sincères excuses à celles et ceux que j’aurais, bien qu’involontairement, choqués. Mais lorsqu’il s’agit de ce qui pourrait s’assimiler à un lynchage sur les réseaux sociaux, une condamnation sans procès – donc sans débat et sans possibilité de se défendre – et une délation publique, je crois que j’ai bien envie de décider que ce sera, au moins pour un temps, sans moi.

Encore une fois, merci à Cap’Com de m’avoir ouvert ses pages, ce fut un honneur et merci de son soutien actuel. Merci à vous de m’avoir lu. Comme je le notais, dans quelque temps, si un sujet strictement professionnel m’y pousse, je pourrais proposer de nouveau un écrit. Mais, pour l’heure, j’ai besoin de me ressourcer et de me protéger. Non pas des réactions en général, on ne peut pas plaire à chacun ou faire rire tout le monde, mais des procès en sorcellerie sur la place publique. Allez, portez-vous bien et travaillez bien. Je n’écris pas « je vous embrasse » car cela pourrait prêter à confusion et je vous jure que ce n’est pas le moment. Bye bye et au revoir (et ce n’est pas encore un « adieu ») !

Remercions Marc pour cette collaboration très régulière qui, depuis 10 ans, ravit nos lecteurs.
Ses articles apportent beaucoup à la profession, peu de communicants public ont ainsi porté autant de réflexions sur le métier. Pour Cap’Com, il est particulièrement important que les communicants prennent la parole, comme le font d’autres agents au travers de leurs associations professionnelles. Ils ont un regard spécifique à porter sur la communication et sur la société.
On ne peut que regretter la controverse récente mais on peut comprendre la nécessité de Marc de se ressourcer, de ralentir le rythme de ses publications qu’impose notre newsletter bimensuelle. Nous espérons simplement le retrouver rapidement, certains que l’actualité lui donnera l’occasion de s’exprimer ici, pour la plus grande satisfaction de tous.

La Rédaction