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Des communicants (presque) comme les autres

Publié le : 20 octobre 2022 à 07:35
Dernière mise à jour : 20 octobre 2022 à 17:17
Par Lauric Didier-Mougin

15 et 16 septembre 2022, Rencontres de la communication numérique à Issy-les-Moulineaux. Une belle programmation, une belle soirée, de beaux moments avec les quelque 200 collègues présents. Et, comme à chaque événement Cap’Com, ça phosphore sévèrement dans les jours qui suivent. Chez les communicants de petites collectivités, ces rencontres provoquent une dualité à chaque issue : comment faire pour adapter, s’inspirer, appliquer ce que nous avons entendu en étant seul pour tenir la boutique ? Cette année, c’est à la notion d’astreinte (et de déconnexion), pourtant vitale pour notre santé mentale, que j’ai particulièrement pensé.

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Par Lauric Didier-Mougin, responsable communication de la ville de Pulnoy.

D’abord, revenir sur ce qu’est, aujourd’hui, une petite collectivité.
D’après les chiffres officiels, est considérée comme « petite » une collectivité de moins de 20 000 habitants. Nous sommes 34 554 communes sur 35 497 en France, dont 33 977 de moins de 10 000 et 32 758 de moins de 5 000 (cherchez pas, on gagne...). La strate est donc particulièrement étendue puisqu’on y retrouve petits villages de campagne et sous-préfectures.

Certes, le rapport au citoyen est différent selon que l’on vive à Jeandelaincourt ou à Rennes. Quand nous, « petits poucets », sortons de notre mairie, il nous arrive fréquemment de nous faire interpeller par un habitant, un commerçant, un président d’association pour « rappeler sur le magazine qu’on ne tond pas le dimanche après-midi » (alors qu’on le diffuse quasiment à CHAQUE numéro), « mettre des flyers en mairie sur la future promotion » ou « faire un Facebook sur la prochaine assemblée générale » (oui, oui, faire un Facebook). La notion de proximité est exacerbée car non seulement nous sommes au service de toutes et de tous (fonctionnaire un jour...), mais nous le sommes les yeux dans les yeux, en face à face quotidien. Les habitants sont physiquement plus proches de leurs élus et de leurs fonctionnaires. Ils appellent l’agent d’accueil par son prénom, ils viennent voir l’agent d’urbanisme sans rendez-vous et appellent en mairie parce que la box wifi ne fonctionne plus. Ils et elles sont particulièrement présents, vous apportant les fruits de leur verger ou venant en mairie pour des photocopies personnelles. Un doux mélange entre La Petite Maison dans la prairie et Misery...

Gardons en tête que le désir de communication des citoyens est le même dans toutes les villes, petites ou grandes.

Gardons en tête que le désir de communication est le même dans toutes les villes, petites ou grandes. Les citoyens ont aujourd’hui le même souhait de savoir. Les habitants des 32 758 villes de moins de 5 000 habitants veulent être au courant de TOUT ce que la municipalité décide pour eux. Ils veulent être consultés ET impliqués dans les décisions. Comme partout, les gilets jaunes ont pris d’assaut nos ronds-points pour être entendus, et les smartphones chauffent de l’utilisation des réseaux sociaux, pour notre meilleur et notre pire.

Et le réseau social prend alors tout son sens. Leurs amis abonnés sont leurs voisins, leurs followers leur boulanger ou leur coiffeur. S’il est dit que (parfois) les réseaux sociaux ont remplacé le café des sports, chez nous, c’est la place du village qui se décentralise. Les discussions commencent sur Facebook, se poursuivent le dimanche matin au marché pour se terminer lors de la Fête des voisins. La continuité est permanente, le ou la maire entend souvent « Si, si, vous l’avez dit sur le Facebook de la ville ». Cette agora locale prend une réelle dimension de proximité, ne pas répondre rapidement à un message Messenger, c’est prendre le risque de voir débarquer un sexagénaire furieux dans le bureau.

Ce souhait (cette injonction ?) d’être considéré comme acteur de la construction municipale, puisqu’il ou elle a donné son avis sur le dernier post, entraîne forcément une veille attentive, des publications fréquentes et une multiplication des canaux, comme dans les grandes villes. Et même si les événements sont moins fréquents, les sujets de discussions et d’échanges sur les réseaux numériques sont largement suffisants pour remplir nos temps pleins d’agent seul dans notre service, avec la rédaction du magazine, des flyers, des guides, des affiches, l’organisation de l’inauguration du nouveau terrain synthétique ou les photos du passage de saint Nicolas dans les écoles (oui, je suis dans l’Est). Partant de ce postulat, comment organiser une astreinte ?

Brillamment présentés par Pierre Bergmiller, les résultats de l’enquête de l’Observatoire socialmedia des territoires sur « La continuité de service public sur les réseaux sociaux » et le droit à la déconnexion reflètent la stricte réalité : sur les 88 % des répondants affirmant une continuité du service public, 68 % reconnaissent le faire bénévolement. Mais pour nous, comment faire autrement ? Embaucher un agent supplémentaire ? Évidemment non. Donner les clés des réseaux aux élus ? Heu... non. Faire payer des heures supplémentaires ? LOL ! Installer la Quechua et le Butagaz dans le bureau ? Non plus.

Simplement, un service de cinq agents sera matériellement plus en mesure d’organiser une astreinte qu’un service mono-agent.

Loin de moi l’idée d’opposer grandes et petites collectivités, nous avons majoritairement les mêmes problématiques. Simplement, un service de cinq agents sera matériellement plus en mesure d’organiser une astreinte (s’il y a la volonté politique qui va avec) qu’un service mono-agent. Donc deux possibilités s’offrent à nous, continuer, ne pas compter nos heures et laisser la collectivité profiter de notre sens du service public et de notre engagement (comme d’hab, quoi...), ou dire à notre DGS que non, je ne publierai pas le post parce que c’est dimanche. Facile à faire ? Là encore, heu... non.

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