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Six experts décryptent les nouveaux usages des réseaux sociaux

Publié le : 22 septembre 2022 à 07:07
Dernière mise à jour : 22 septembre 2022 à 17:24
Par Inès Slama

Si les réseaux sociaux sont désormais bien installés dans notre quotidien de communicants, ils nous réservent sans cesse leur lot de surprises et d’évolutions. Nouveaux formats, nouvelles plateformes, bouleversement des algorithmes… Pas de routine qui tienne pour les community managers ! Six experts nous aident à faire le point en partageant leur expérience et leurs bonnes pratiques sur quatre réseaux sociaux.

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Comment rester à l’affût des innovations sur les médias sociaux sans les subir ? Comment répartir ses efforts et maintenir un cap ? Quels bénéfices tirer d’un community management de plus en plus chronophage et dispersé ? En ouverture des 14es Rencontres nationales de la communication numérique dédiées aux « liaisons dangereuses » entre réseaux sociaux et communication publique, six communicants numériques sont venus parler de leurs usages sur TikTok, Instagram, LinkedIn et Twitter pour tenter de cerner les dernières fonctionnalités et leurs avantages pour les communicants publics.

Marc Cervennansky, responsable communication numérique de Bordeaux Métropole, et Inès Slama, cofondatrice de l’agence Leksi, animateurs de cette conférence, nous livrent ici les enseignements de ces interventions.

Facebook : une présence incontournable à questionner

Facebook est incontestablement la première plateforme de présence des institutions et collectivités. 94 % des collectivités territoriales françaises présentes sur les réseaux sociaux sont déployées sur Facebook selon l'étude 2022 sur l’utilisation des réseaux sociaux par les collectivités locales françaises de l'Observatoire socialmedia & Swello (4 994 collectivités analysées). En amont de notre conférence, nous avons demandé aux membres du groupe Facebook Community managers d’institutions publiques de répondre à la question suivante : « Face à l’offre pléthorique de plateformes sociales, quel est le réseau social où vous investissez ou comptez investir le plus d’énergie et de temps ? » Sans surprise, 47 % des répondants placent Facebook en tête devant Instagram (31 %), LinkedIn (11 %) et Twitter (7 %).

Ces chiffres contrastent néanmoins avec la perte de vitesse du réseau de Mark Zuckerberg. Baisse des utilisateurs, chute du temps passé, diminution des parts de marché (au profit de TikTok)... Ces signaux témoignent du fossé qui s’est creusé entre Facebook et une partie de ses usagers.

Alors, sommes-nous déconnectés de l’évolution des usages de nos publics ? Faut-il progressivement abandonner notre présence sur Facebook ? Gare aux conclusions hâtives. Facebook et sa console publicitaire restent des outils ultra puissants en matière de communication publique, notamment à destination des adultes, des familles et des seniors. 60 % des utilisateurs ont plus de 35 ans et près de 39 % ont plus de 45 ans.

Pour autant, ne nous reposons pas sur nos acquis. La population sur Facebook a vieilli en même temps que les premiers community managers des collectivités, et il est temps d’observer de plus près ce qui se passe du côté de TikTok, YouTube, Instagram ou Snapchat, premières plateformes consultées par les adolescents et jeunes adultes (tranches 11-14 ans et 15-24 ans – source : Digimind).

Face à l'hégémonie de Facebook, nous avons donc choisi de nous concentrer sur quatre plateformes « secondaires » de la communication publique : TikTok, Instagram, Twitter et LinkedIn. Zoom sur leurs atouts et dernières fonctionnalités.

TikTok : plateforme du second degré et du divertissement

Popularisé pendant le confinement, TikTok a séduit 14,9 millions de Français dont 35 % de jeunes de 15 à 24 ans. Et si la présence des institutions publiques sur la plateforme se fait encore discrète (on compterait une centaine d’acteurs), quelques institutions culturelles (musée Picasso, château de Versailles, Centre des monuments nationaux) et collectivités locales (Lille, Montpellier, Paris) ont commencé à y constituer une communauté. Parmi elles, la ville et l’agglomération de Roanne réunit plus de 3 700 abonnés. Certaines de ses vidéos ont déjà généré plusieurs centaines de milliers de vues. Emmanuel Demont, son directeur de la communication, revient sur les clés de réussite de cette expérience lancée il y a neuf mois.

  1. Co-construire sa présence et sa stratégie avec le public auquel on s’adresse : « C'est au cours des discussions entre le service jeunesse et les membres du conseil municipal des jeunes qu’a émergé l’idée de ce compte. » Un grand concours a alors été lancé pour identifier les jeunes ambassadeurs aujourd’hui chargés d’animer le compte et de représenter la ville sur la plateforme.
  2. Avoir la confiance des élus et de la direction. Emmanuel Demont insiste : cette expérience n’aurait pas pu cohabiter avec de gros circuits de validation. Depuis le départ, son équipe et lui sont autonomes dans le choix des sujets à traiter et dans la conception des formats.
  3. Pas de sujet tabou. L’équipe se saisit de TikTok comme d’un vrai laboratoire. Une multiplicité de sujets et de formats sont testés pour appréhender les attentes de la cible.
  4. Accepter les codes de la plateforme. Pour se faire une place sur TikTok, la ville a accepté de s’aventurer lorsque cela était pertinent dans une tonalité humoristique et légère. L’idée, c’est de parler aux jeunes et pour cela il faut accepter de se « mouiller ». C’est le message qu’Emmanuel Demont a voulu faire passer.

Instagram : les « reels » pour suivre l’évolution de l’algorithme

Tandis que TikTok accapare l’attention médiatique, Instagram semble en pleine crise d’identité. S’inspirant de son concurrent chinois, le réseau social américain lançait en juin 2020 le format reel, une vidéo verticale de quelques secondes. Depuis, l’algorithme de la plateforme semble chamboulé, faisant la part belle à ces formats vidéo et négligeant les photos et vidéos horizontales qui dominaient autrefois nos fils d’actualité.

Alors, comment suivre l’évolution de l’algorithme ? Sommes-nous contraints de passer aux reels pour continuer d’exister sur la plateforme ? D’après Sylvain Gibey, community manager de la ville de Tours, il est indispensable de faire évoluer nos pratiques. Lui et son équipe s’y sont confrontés et, après plusieurs mois passés à produire et diffuser des reels, il revient sur les grands enseignements de ce changement.

  1. Dans une plateforme saturée d’informations, la priorité est d’être vu, c’est-à-dire de générer ce qu’Instagram appelle de la portée. En la matière, les statistiques du compte de Tours parlent d’elles-mêmes : un post reel générerait en moyenne deux à trois fois plus de visibilité qu’un post photo classique ou un carrousel.
  2. Ce qui change, c’est le format, pas ce qu’on raconte : si le format reel peut effrayer de par sa dimension chronophage, il ne bouleverse en rien la ligne éditoriale de la collectivité, qui continue de s’attacher à valoriser ses services, ses actions, ses équipes. C’est le contenant qui évolue, pas le contenu.
  3. Ne pas se laisser impressionner par la technique : nul besoin d’être vidéaste ou photographe pour se lancer. Il existe aujourd’hui toute une série d’astuces et de modèles pour gagner du temps dans la production des reels. Cela est certes chronophage au lancement, mais c’est un gain d’énergie pour la suite.

Twitter : un outil en baisse de popularité mais à ne pas négliger

Dépassé par Instagram et TikTok en termes d’utilisation chez les jeunes, Twitter demeure la deuxième plateforme sociale de présence des collectivités. Et pourtant, les nombreuses nouveautés proposées par Twitter en 2021 et 2022 ne suscitent pas particulièrement d’engouement auprès des community managers publics. Les usages de ces nouveaux formats semblent en tout cas discrets.

Alors, sommes-nous lassés ? A-t-on tort de considérer Twitter comme un outil essentiellement dédié aux relations presse ou aux situations de crise ? Franck Confino, consultant en communication numérique pour le secteur public, et Jonathan Noble, cofondateur de Swello (solution de gestion des réseaux sociaux), rappellent les fondamentaux.

  1. Twitter est le réseau social de l’information. Il est essentiel d’y être présent a minima dans une posture de veille, d’écoute de ce qui se dit de vos services, de votre territoire. Cela nourrira vos discours et cela évitera de négliger ce qui pourrait être un début de crise.
  2. Conversez plutôt que soliloquez… Twitter est souvent encore employé comme un simple canal de diffusion d’information. Si vous le pouvez, entrez en conversation et répondez aux interpellations pertinentes.
  3. À contre-courant des idées que l’on peut avoir de Twitter, la cible serait aussi rurale qu’urbaine et les 25-34 ans y seraient particulièrement représentés.

LinkedIn : puissant pour votre marque employeur

Si Twitter demeure une plateforme de présence importante pour les collectivités, leur attention semble progressivement se reporter sur LinkedIn. Une plateforme puissante pour toucher un public de professionnels mais aussi pour développer la marque employeur d’une collectivité. Alors comment s’y prendre ? Et par où commencer ? Pierre Bergmiller, responsable de la communication numérique de l’Eurométropole de Strasbourg, et Laurent Da Silva, LinkedIn Talent Solutions Sales Director, nous ont apporté quelques réponses.

  1. Définir un cap, une ligne éditoriale. Elle sera essentielle pour assurer la cohérence entre les messages et les actions des services concernés (RH, communication externe, interne, attractivité).
  2. Former, accompagner, impliquer les collaborateurs ambassadeurs présents sur LinkedIn sur la base du volontariat.
  3. S’inspirer des institutions les plus innovantes comme le département des Yvelines, la Métropole européenne de Lille, le département de la Loire ou encore l’armée de terre.
  4. S’intéresser aux pages carrières : une solution payante de LinkedIn qui permet d’attirer plus facilement des talents.

Sens, innovation et souplesse pour garder le cap

Les réseaux sociaux n’ont pas fini de questionner nos pratiques en matière de communication d’intérêt général. Ce qui était d’usage hier ne l’est plus aujourd’hui, et ces évolutions permanentes peuvent donner le tournis.

Pour autant, elles nous rappellent aussi aux essentiels du métier : une stratégie, une cible, un message, un objectif. Ce sont ces fondamentaux qui permettront de garder le cap et d’y trouver du sens, pour nous et pour nos publics.

Au-delà des contraintes qu’elles représentent, gardons en tête les opportunités d’innovation qu’elles permettent et osons simplifier les trop lourds processus de validation qui brident encore les expérimentations. À bon entendeur !

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